Mission " L’enfant reste un être fait de soi et de celui qu’on a aimé, il a pour mission de transmettre ce qu’il a reçu. "Plus le temps passe, plus j’ai l’impression que nous sommes accablés de mission en ce moment. Depuis le départ d’Allen et d’autres membres de l’Ordre Noir, on nous envoie de plus en plus sur le terrain, comme pour compenser le manque d’effectifs ou.. espérer que nous tombions sur eux au détour d’une mission de routine contre des Akumas. Je ne sais pas ce que les grandes instances ont derrière la tête mais.. de toute manière, ce n’est jamais rien de bon. Si seulement tout pouvait revenir comme avant.
La journée avait pourtant si bien commencé.
Une patrouille de routine, avec pour but de chasser - mais surtout de détruire - des Akumas présents dans les montagnes françaises du Sud. Cette fois-ci, le mini-combattant n'avait pas été envoyé seul sur le terrain, mais avec un autre exorciste dont il avait oublié le nom. Un nouveau, sans doute. Peut importait. Dans tous les cas, le gamin n'avait pas vraiment eut le temps de tisser le moindre lien avec lui, car au cours d'un combat qui n'avait pas tardé à se déclencher, les deux compagnons furent séparés.
Quelques Akumas s'étaient retrouvés face au jeune compatible, mais dans ces terres reculées, les quelques âmes en peine n'avaient pas de victimes à se mettre sous la dent - et donc, pas de niveaux à gagner. Par conséquent, il ne fallut pas longtemps à l'exorciste pour en venir à bout, moyennant malgré tout quelques bleus ainsi qu'une cheville tordue. Cette mauvaise chute avait détraqué son golem par la même occasion, rendant difficile la communication avec son compagnon d'un jour. Oscillant sur un pied, l'irlandais tenta le tout pour le tout en activant le petit robot noir à l'unique œil endommagé :
" C'est Rusty.. E-Est-ce que vous m'entendez ? "
Seul un gargouillis plaintif s'échappa de la part des engrenages de son golem de communication.
La pauvre créature rangée dans sa poche, le jeune garçon se mit peu laborieusement en route afin de trouver un moyen de revenir sur ses pas. Ici, tout se ressemblait, tous ces arbres, toutes ces collines.. Jamais Rusty n'avait connu un endroit pareil ; la nature à l'état sauvage. Tout du moins.. jusqu'à ce qu'il finisse par retomber sur un sentier.
Marchant avec plus de peine qu'après son combat contre les Akumas, le jeune enfant ne sut combien de temps il avait put vagabonder de la sorte. Une, deux heures peut-être ? Si une chose était sûre, c'était qu'il était désormais bien loin de l'endroit où lui et son compagnon s'étaient séparés. Puis, au loin, à l'horizon, comme un mirage dans un désert de sable, une immense demeure apparut aux yeux du jeune O'Connor.
Il fallut presque une heure encore pour que l'exorciste ne se traîne jusqu'à là, avant de faire face à un portail visiblement ouvert et, à une plaque de fer où était écrit :
" Do.. domaine de Vieilcombe.. Refuge Eu-eu-eustache Fournier ? " répéta-t-il en français avec un peu de peine.
Il n’y avait aucun signe distinctif sur cette plaque, mais le nom du domaine n’était pas inconnu au petit exorciste, même dans la langue de Molière. A n’en point douter, c’était l’un des refuges de l’Ordre Noir, celui dont on lui avait parlé avant son départ de mission. Pouvait-il seulement venir ici le temps que son compagnon de mission ne le retrouve ? Peut-être avaient-ils des golems de rechange pour lui ? Ou des gens capables de réparer le sien ?
La patte quelque peu trainante, le petit homme se mit de nouveau en marche. Une fois le grand portail du domaine passé, ce furent de vastes étendues de jardins qui s’offrirent à la vue de l’irlandais, le tout supplanté d’une magnifique bâtisse digne des contes que Rusty avait pu lire durant son enfance à l’Ordre Noir. Encore aujourd’hui, certains des livres qu’il feuilletait parlaient d’immenses châteaux et de magnifiques demeures aux dimensions inimaginables. Là, avec la maison des Vieilcombe, c’était un peu la même chose. Enfin.. Aux yeux du jeune garçon de dix ans, bien sûr.
Le regard bleuté et fatigué du jeune O’Connor se posa sur ce magnifique décor, tandis qu’il ne put s’empêcher de se demander si tout cela était vraiment une bonne idée. Était-ce un piège ? Il ne semblait pas y avoir âme qui vive ici-bas..
Tout du moins, c’est ce que Rusty crut jusqu’à voir deux têtes blondes de son âge fureter dans les allées du domaine. Un garçon et une fille, sans doute du même âge. Des jumeaux, peut-être ? Allez savoir, sans doute n'étaient-ils qu'amis. Dans tous les cas, le gamin ne put s’empêcher d’avoir un pincement au cœur douloureux, forcé d’arrêter sa course pour les observer. Son regard se voila et le jeune irlandais ne put s'empêcher de repenser à son double ; puis les deux enfants finirent par porter leur attention vers lui. Il ne fallut longtemps à l'exorciste pour reprendre possession de ses moyens, hésitant sur l'attitude à adopter avec les petites têtes blondes. Pourtant, tous les trois n'étaient que des enfants..
Néanmoins, le Pleurnichard finit par se décider et recommença à s'avancer, cette fois-ci en leur direction, avant de tenter de leur parler, en français :
" Excuse.. Excusez-moi ? Savez-vous si.. "
C'était déjà trop tard, les deux petits avaient déjà filé à l'anglaise en la direction de la demeure, laissant seul l'exorciste perdu. Ce dernier, visiblement trop timide pour oser trop s'approcher de la grande porte, se contenta de porter son regard sur l'horizon, vers les montagnes à perte de vue. Liberté.
Et s'il s'était totalement trompé ?
Au Refuge Eustache Fournier [Pv. Irène de Vieilcombe]
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Re: Au Refuge Eustache Fournier [Pv. Irène de Vieilcombe]
Cher Eugène,
Encore une belle journée qui s'offre à nous. J'aime ouvrir les fenêtres et admirer le paysage baigné de soleil. C'est comme si les collines étaient vivantes, avec leur chevelure verdoyante frissonnant sous la douceur de la brise. Et leurs yeux formés de lacs scintillant à la carté du jour. À mes oreilles, rien d'autre que le silence, ponctué ci et là par le chant d'un oiseau.
Je sais que vous avez vu bien d'autres soleils, bien d'autres collines et entendu des chants que je ne saurais même pas imaginer. Et, là-haut, je sais que vous voyez plus que je ne saurais voir, entendre plus que je ne saurais entendre. Vous faites désormais parti de ce monde que vous avez tant chéri.
Une si belle journée... mais rien ne saurait être assez éblouissant pour balayer la morosité de mon cœur. Nous avons si longtemps été séparés que je pourrais me persuader que cette absence est comme toute autre. Mais je sais que ce n'est pas le cas, et qu'à vous attendre encore, je n'arriverai qu'à la déception et la destruction de ce que j'ai pu sauver de mon être le jour de votre mort.
Voyez, je ne vous oublie pas. À mes yeux, à mon âme et à mon cœur, vous êtes toujours cet être plein de vie. Vous avez simplement appréhendé le voyage d'une toute autre manière. J'aimerais tant que vous entendiez ce que votre boîte à musique m'a inspirée... Il en résulte la preuve de l'osmose qui nous unissait.À jamais et pour toujours.
Irène.
La française déposa délicatement sa plume et se leva, laissant la lettre sur le bureau. Elle était en fait posée sur un monceau d'autres lettres qui semblent avoir été écrites mais jamais plus touchées par la suite. Chaque fois qu'Irène se sentait maussade ou esseulée, elle venait écrire là à son défunt amant. Ensuite, elle traversait l'immense salon pour atteindre le piano à queue, attrapait la petite boîte à musique posée sur son rebord, l'enclenchait, s'asseyait, et jouait en accompagnement. Elle avait, en peu de jours, laissé l'inspiration que lui soufflait cette mélodie la transcender pour la conduire à composer au piano un air semblable. Aujourd'hui ne faisait pas exception à la règle. C'est le visage triste et l’œil humide qu'elle jouait ses notes. Elles lui emplissaient le cœur à nouveau, c'était cette musique qui lui donnait la force de tenir et de poursuivre. Cette mélodie qui devait être un hymne pour l'un et qui s'était transformée en un requiem pour l'autre.
Parfois, l'un de ses enfants l'accompagnait au violon. Mais aujourd'hui ils profitaient du plein air et du beau temps. Ils connaissaient l'existence d'Eustache Fournier, mais aucun des deux n'avait idée de son histoire, de l'histoire qu'il entretint avec Irène de Vieilcombe ou bien encore qu'il était l'auteur de cette musique avec laquelle ils étaient bercés depuis tout ce temps. Personne ne le savait... Personne ne se rappelait de l'homme qu'il avait été, en fin de compte. Il n'était plus qu'un nom au sein d'une longue liste sans fin.
Si Irène était tant affectée par le chagrin et la solitude, c'était également parce que le refuge qu'était sa demeure était vide ou quasiment. Il devait rester un ou deux blessés plongés en plein sommeil dans quelque chambre de l'étage. Personne pour lui tenir compagnie. Personne avec qui converser, avec qui rire ou avec qui oublier les maux qui la tourmentaient. Le Refuge Eustache Fournier n'était de toute façon pas un lieu très fréquenté. Ce qui, finalement, était plutôt bon signe. Il arrivait à Irène d'avoir jusqu'à sept ou huit personnes à la fois, lorsque de gros groupes tombaient en embuscade et s'en échappaient de peu. En tout cas, la française était très fière de ce qu'elle avait créé, de cette aide, aussi minime était-elle, qu'elle pouvait apporter à ceux qui combattaient pour la survie de l'espèce humaine.
L'héritière de Vieilcombe joua avec tant d'émotions qu'elle en perdit le fil du temps. Combien de fois arriva-t-elle au terme de la mélodie ? Combien de fois, dans un silence solennel, avait-elle saisi cette petite boîte en bois, en avait tourné le mécanisme et reposé sur le bord du piano ? Combien de fois avait-elle fermé les yeux pour inspirer doucement, comme elle le faisait chaque fois que les premières notes du petit carillon retentissaient ?
En réalité, la huitième fois fut la dernière. À quelques notes de la fin, Agnès et Élian déboulèrent dans le hall d'entrée depuis l'extérieur. Les portes avaient été laissées ouvertes par les domestiques pour profiter du soleil. Cette pièce avait un accès direct au salon par une grande ouverture sans porte à sa droite. La mère de famille arrêta de jouer et se retourna sur son siège pour faire face aux deux chenapans qui l'appelaient. Déjà ses yeux ne brillaient plus de larmes, toute morosité avait disparu, remplacé par un fin sourire aimant. Un masque parfait qu'elle avait l'habitude de revêtir en toute circonstance, et ce depuis sa plus tendre enfance.
« Maman ! Maman ! »
« Mère ! »
« Maman ! »
« Mère ! Mère ! »
« Maman ! »
« On dit « Mère » quand on est poli, d'abord ! »
« Je suis peut-être pas poli mais moi je ressemble pas à un boudin dans une robe. Et toc ! »
« Les enfants... »
« Mamaaaaan... »
« Ah tu vois que tu dis Maman, toi aussi ! »
« Ça suffit Élian. Vous êtes venus me voir uniquement pour cela ? »
La douce voix d'Irène sut imposer le silence chez les enfants, dont les gémissements et autres grognements cessèrent sur le coup. Ils se lancèrent un regard déroutant qui étonnait toujours leur génitrice : elle avait l'étrange impression que ces deux-là parvenaient à communiquer par le biais de leur esprit. Et on connaissait la suite : généralement, ils parlaient en même temps pour dire la même chose. Un spectacle qui faisait beaucoup rire leur mère, mais qui était encore plus drôle lorsqu'un des deux utilisait un mot différent de l'autre, ce qui avait pour conséquence d’engrener une énième dispute. Et comme nous l'avons vu, aujourd'hui était un jour plutôt ordinaire au domaine de Vieilcombe.
« Y a un Exorciste qui arrive ! »
« Y a un Exorciste qui arrive ! »
« Et aucun de vous deux n'a eu l'idée de rester avec lui le temps que j'arrive ? »
Une nouvelle fois ils se lancèrent un regard, le genre de regard pour partager cette impression qu'il avait de se sentir idiots. La française sourit de plus bel et se leva pour aller accueillir ce réfugier. Dans sa longue robe aux couleurs crème et ocre et aux multiples superpositions de tissus en tout genre, elle marchait d'un pas noble et élégant.
Dehors, le soleil cognait fort malgré l'heure avancée et Irène regrettait déjà cette tenue certes appropriée à son rang mais définitivement trop chargée avec ses manches longues et serrées aux poignets, son corset et sa veste bien fermée pour marquer la taille et ses hanches masquées sous une crinoline. Elle eut l'intelligence de se saisir d'une petit ombrelle assortie à sa tenue avant de rejoindre l'extérieur.
Au loin elle reconnut les couleurs traditionnels des Exorcistes. Les jumeaux qui la suivaient en courant autour d'elle pour tenter de s'attraper mutuellement avaient néanmoins oublié de préciser que cet Exorciste-ci était un jeune enfant, qui devait avoir à peu de choses près leur âge. Lorsqu'elle fut enfin à porter de voix, Irène sourit de bon cœur et prit la parole :
« Ne reste pas si loin, tu es ici chez toi ! » dit-elle avec amabilité et enthousiasme, osant le tutoiement devant un enfant. « Bienvenue au Refuge Eustache Fournier, pour Exorcistes et partisans de l'Ordre Noir ! Je suis Irène, la propriétaire des lieux. Es-tu blessé ? »
Il n'en avait pas l'air, mais mieux valait-il s'en assurer, car si tel était le cas, elle devait arrêter les blablas habituels pour le conduire directement à l'infirmerie du manoir. Mais avant d'avoir une réponse elle fronça les sourcils et se soucia d'un autre point, peut-être plus important encore.
« Est-ce que tu comprends le français, ou tu es plus à l'aise avec l'anglais ? »
Enfin elle reprit son souffle et laissa le nouvel arrivant digérer tout ce qu'elle venait de dire. C'est qu'elle était généralement très excitée à la venue d'un nouveau réfugié. Et celui-ci la touchait particulièrement du fait de son jeune âge.
Re: Au Refuge Eustache Fournier [Pv. Irène de Vieilcombe]
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Aide " Ce n'est pas tant l'aide de nos amis qui nous aide que notre confiance dans cette aide. "Est-ce ça, le vrai monde ? Ces montagnes à perte de vue, la glace de leurs sommets, la nature, le calme ? J'ai visité de nombreux pays et de nombreux lieux différents, mais avant aujourd'hui, rien ne m'avait parut aussi beau. Ces grandes étendues vertes me rappellent mon Irlande natale, bien qu'il ne m'en reste aujourd'hui que très peu de souvenirs. A cet instant précis, j'attendais que le ou la propriétaire des lieux vienne à ma rencontre, mais.. j'aurai très bien pu passer de longues heures là, à fixer l'horizon. Tout y était bien plus beau.
Dieu seul savait combien de temps le jeune exorciste était resté là à fixer l'horizon. Lui même ne savait pas ce qu'il toisait exactement ; non, il regardait le monde qui s'offrait à lui.. Pourtant, même ici, les Akumas avaient réussi à s'infiltrer, perdus dans les belles montagnes de France. La guerre n'avait-elle donc pas de limites ? Un fin soupir sembla s'échapper des lèvres de Rusty ; à moins que ce ne soit le vent qui se lamentait.
Là, perdu dans ses pensées, le jeune garçon n'avait même pas fait attention à ces bruits de pas s'approchant petit à petit de lui. Si ces terres avaient été prises par l'ennemi et que tout ceci avait été une mascarade, le Pleurnichard n'aurait rien vu venir. Néanmoins, il finit par tourner la tête, revenant sur terre tandis qu'une douce voix clamait, en français :
" Ne reste pas si loin, tu es ici chez toi ! Bienvenue au Refuge Eustache Fournier, pour Exorcistes et partisans de l'Ordre Noir ! Je suis Irène, la propriétaire des lieux. Es-tu blessé ? "
Face à tant de mots dans cette langue étrangère, le petit homme tira une drôle de tête. Il lui fallut quelque instants pour comprendre exactement tout ce que la dénommée Irène avait put lui dire, avant de finalement se reprendre et d'adopter à nouveau son air toujours si neutre.
" Est-ce que tu comprends le français, ou tu es plus à l'aise avec l'anglais ? "
Ah, cette question, la jeune femme faisait bien de la poser après avoir dit tous ces choses en français. Enfin.. Sans doute ses enfants - s'ils étaient les siens - lui avaient dit avoir vu un gamin parler leur langue et porter la tenue des exorcistes ? Le principal concerné, lui, n'avait aucun moyen de répondre à ces questions, puis, d'une certaine manière, ce n'était pas vraiment son genre d'en poser à tout bout de champ. Gardant ses petits yeux bleus fatigués en la direction de la dite Irène, il finit par dire :
" Oui, je comprends le français. " avait-il commencé dans sa langue, malgré son accent anglais, " Ne vous embêtez pas à parler anglais mais pardonnez-moi si.. tout.. toutefois, je m'exprime mal. "
Un pauvre sourire vint se perdre sur le visage du jeune garçon à ce moment-là ; comme si, d'une certaine manière, il souhaitait déjà se faire pardonner de ses erreurs. Même s'il maitrisait le français, il lui restait encore beaucoup de choses à apprendre. Sans doute cette rencontre lui permettrait d'ajuster sa maîtriser ; mais surtout son accent qui avait toujours laissé à désirer.
Perdant à nouveau cette simple mimique, l'exorciste finit par se pencher légèrement en avant, signe de courtoisie ; car face à une dame comme Irène, il n'y avait sans doute pas d'attitude plus polie à adopter.
" Je vous remercie pour votre accueil, Madame, je.. Mon nom est Rusty O'Connor. "
Même s'il parlait français, le petit homme avait préféré donner son nom avec son accent naturel, préférant éviter une éventuelle déformation à cause de la langue française. Ce prénom n'était pas le sien ; il ne pouvait se permettre de mal le donner. Comment pouvait-il honorer la mémoire de son double sinon ?
Le jeune O'Connor finit par se redresser, pinçant d'un œil à cause de sa cheville ; avant de continuer :
" Ma cheville me fait un peu mal, mais ne vous en faites pas pour moi. Ce n'est rien je.. ... " buta-t-il alors avant de reprendre, en anglais, " Je ne voudrais pas abuser de votre hospitalité. "
Restant ensuite silencieux, l'exorciste ne put s'empêcher de nouveau porter son attention vers les deux jeunes enfants qui courraient non loin d'eux. Ils riaient. Était-ce ça, avoir une vie normale, loin de la guerre ? Doucement, le poing de l'irlandais se serra, le regard brumé. Pourquoi n'avait-il pas eut le droit à ça, lui ?
Re: Au Refuge Eustache Fournier [Pv. Irène de Vieilcombe]
La vue du petit garçon avait immédiatement serré le cœur de la française. Dans ses yeux se lisaient autant d'émerveillement devant le spectacle qui s'offrait à lui que de tristesse face à une vie bien différente. Ses billes azur reflétaient comme tous les enfants de son âge l'innocence et la fragilité, pourtant ses traits étaient marqués par la dureté de sa condition et par la dangerosité de son quotidien. Parfois, il arrivait à Irène de se réveiller en sursaut la nuit, hantée par l'idée que des membres de l'Ordre Noir viennent un jour chercher ses enfants. Elle les mettait déjà assez en péril en leur offrant son aide, jamais elle ne pourrait se résoudre à les laisser participer activement à cette Guerre.
Il lui répondit prestement de sa petite voix enfantine, adoucie par la beauté d'un accent étranger. Après avoir expliqué à son hôte que le langage français ne le contraignait pas plus que cela, il s'excusa toutefois des difficultés qu'il pouvait rencontrer. Et un fin sourire, chaleureux et attendrissant illumina son visage fatigué, comme pour s'excuser de la pauvreté de sa langue. Irène lui rendit immédiatement le sourire, bien plus confiant et enjoué pour mettre à l'aise le garçon. Quelques Exorcistes éprouvaient en effet des réserves à profiter de l'hospitalité d'une civile lambda, et gardaient par conséquents quelques distances ainsi qu'une certaine gêne et un malaise notoire face à celle-ci. D'autres, beaucoup plus pédants, n'hésitez pas à la considérer comme une domestique et à dévaliser sa demeure de ses vivres sans la moindre vergogne. Ce petit être n'était pas ainsi, et il le prouva encore par la suite, en s'inclinant respectueusement pour se présenter.
« Mon nom est Rusty O'Connor. » finit-il par avouer, de sa voix la plus britannique qui soit.
L'hôte nota, lorsque son invité se redressa, une crispation à son œil, comme si une douleur fulgurante s'était emparé de lui. Il avoua immédiatement que sa cheville le faisait souffrir mais, dans toute son humilité et sa bonté, tint à préciser que cela n'était pas grave et termina en anglais pour plonger plus loin encore dans le gouffre du malaise et de ladite humilité. Irène comprenait parfaitement ce comportement : elle agirait de la même manière dans une situation semblable à celle du petit Exorciste. Néanmoins, elle ne pouvait s'empêcher d'en être vexée, car elle désirait ardemment, aux yeux de l'Ordre Noir, apparaître comme une amie et une personne digne de confiance. Une personne envers qui l'on n'éprouvait aucune gêne, avec laquelle on ne tiendrait aucune distance, à qui on aurait pas peur de demander de l'aide pour une cheville blessée ou pour quelques victuailles à grignoter. Tout cela, évidemment, dans les règles du respect et de l'amitié, non pas comme les quelques bougres hautains qui ne prenaient aucune pincette non pas par affection, mais par condescendance. Une nuance qui valait cher aux yeux de la française.
Elle ne put s'empêcher de le voir contempler ses deux enfants, qui plus loin courraient dans les rayons du soleil et riaient à gorge déployée. Bien sûr, elle avait une idée des pensées qui pouvaient traverser son esprit : eux, heureux et vivant en paix chaque jour que Dieu faisait, alors que lui était condamné à se battre et à risquer sa vie face à des monstres sans pitié. C'était horrible, et Irène eut une larme au coin de l’œil, celui-ci rivé sur le petit homme. Son sourire avait disparu durant ce court laps de temps entre les paroles de l'Exorciste et sa propre réponse. Elle aimerait le garder ici, avec eux. Elle le pourrait, elle en avait la possibilité. Comme pour chaque enfant que la Congrégation de l'Ombre envoyait ici. Mais à chaque fois c'était la même rengaine, elle se devait de les laisser repartir sur le front, l'estomac noué et la tête tambourinant une seule et même pensée : c'était peut-être la dernière fois qu'elle le voyait. Un jour, la vie lui ôta sa chance de dire adieu à un être si cher à son cœur... aujourd'hui elle aimerait qu'une telle abomination n'arrive plus.
Enfin elle sourit, son visage ne marquait plus aucune trace de cette faiblesse qui s'était emparée d'elle juste avant. Elle était à nouveau l'hôte radieuse et chaleureuse qu'elle se devait d'être. Quelques pas en direction du jeune garçon, elle finit par tendre la main vers lui, et les mots qui s'élevèrent d'entre ses lèvres étaient en anglais. Un anglais parfaitement maîtrisé et qui avait pour but, de manière implicite – et peut-être trop pour un jeune enfant – que c'était à elle d'être à son service et non à lui de se plier à la volonté de son hôte. Ainsi elle dit :
« Je t'ai dit que tu étais ici chez toi ! Viens, nous allons soigner ta cheville à l'infirmerie. J'espère que tu es un garçon assez costaud pour marcher jusque là-bas sans que j'ai à te porter ! » ajouta-t-elle sur le ton de la plaisanterie, un sourire espiègle aux lèvres. Puis de tourner la tête vers ses propres enfants pour crier en français : « Élian ! Va prévenir l'infirmière qu'on a un bobo à soigner ! Agnès ! Va dire aux cuisines de préparer quelques cookies ! »
D'un poigne maternelle mais ferme pour empêcher toute opposition basée sur la gêne ou l'humilité elle entraîna l'enfant vers le manoir, à pas lents pour ne pas contrarier sa blessure. Devant, les enfants arrivaient déjà aux portes d'entrée à la course pour effectuer les tâches qui leur incombaient, aussi vifs et réactifs que les employés d'une usine rodée.
« Des cookies feront l'affaire, n'est-ce pas ? » finit-elle par ajouter au timide arrivant, dans un anglais enjoué, presque enfantin, comme si elle-même était impatiente de déguster ces pâtisseries.
Re: Au Refuge Eustache Fournier [Pv. Irène de Vieilcombe]
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Sourire " Le sourire que tu envoies revient vers toi. "Cet endroit est un véritable petit paradis sur terre, hors du temps, pourtant habité par la guerre malgré tout. Ont-ils seulement quelqu'un capable de les aider en cas de besoin ? A force d'aider l'Ordre Noir et les exorcistes, ils finiront par avoir des ennuis, j'en suis presque certain.. Comment s'en sortiraient-ils si les Akumas venaient à attaquer leur maison ? Ont-ils seulement un endroit où se cacher si besoin était ? Je n'en sais absolument rien, je n'en ai pas la moindre idée.. Peut-être ferai-je mieux de ne pas y songer.
Ces deux enfants, Rusty ne les avait pas quitté du regard jusqu'à maintenant. Il y avait une telle joie dans leurs regards ainsi que leurs gestes. Ils se poursuivaient comme s'il n'y avait aucun mal dans ce monde : le bonheur et rien de plus. C'est sans peine que le jeune irlandais pouvait imaginer leurs visages traversés de terreur face à une de machines du Comte Millénaire. Si les Akumas avaient pu arriver jusqu'au cœur de la Montagne, il ne leur serait pas difficile d'arriver jusqu'au refuge. Le regard du petit homme s'était tout à coup tristement assombri, que ce soit en pensant à son très cher double ou bien à ce qu'il risquait d'arriver à cette petite famille. Enfin.. Sans doute le calme reviendrait une fois les exorcistes retournés au Quartier Général ; en attendant, le Pleurnichard était là.
Malgré tout, il avait fini pas détacher son regard des deux jeunes enfants pour les reporter à nouveau sur l'habitante des lieux - la mère de ces gamins, sans doute ? Elle souriait, ça avait quelque chose de réconfortant.
" Je t'ai dit que tu étais ici chez toi ! Viens, nous allons soigner ta cheville à l'infirmerie. J'espère que tu es un garçon assez costaud pour marcher jusque là-bas sans que j'ai à te porter ! " fit-elle d'un ton guilleret, avant de reprendre dans sa langue natale, " Élian ! Va prévenir l'infirmière qu'on a un bobo à soigner ! Agnès ! Va dire aux cuisines de préparer quelques cookies ! "
Élian et Agnès, voilà le nom de ces paisibles enfants. Comprenaient-ils l'anglais de la même manière que l'irlandais ? Sans doute pas.. Pourquoi en auraient-ils seulement besoin ?
L'exorciste n'eut pas le temps de se poser plus de questions que celles-ci, car Irène venait de lui attraper le poignet d'une poigne assez ferme. Surprit, le gamin réprima un hoquet mais se laissa néanmoins traîner en direction de la grande bâtisse, sous la présence avisée de la noble. Les jumeaux quant à eux étaient passés juste devant eux pour rentrer, s'attelant à leurs tâches respectives - sans doute. Une nouvelle fois, la douce et joviale voix de la propriétaire des lieux se fit entendre aux oreilles de Rusty :
" Des cookies feront l'affaire, n'est-ce pas ? "
Quelque peu surprit, tout en continuant de marcher doucement à ses côtés, à cloche-pied par moments, l'exorciste sentit son regard s'adoucir tout à coup. La française était si gentille avec lui, sans doute tout aussi maternelle qu'avec ses enfants - il n'avait pas l'habitude qu'on le traite comme un véritable enfant.
" Ah, ah oui.. C'est.. c'est très bien, merci. "
Un léger sourire étira ses lèvres, toujours quelque peu mal-à-l'aise : ce fut pire lorsqu'ils passèrent la grande porte de la maison.
L'entrée n'était pas aussi impressionnante que celle du Quartier Général, mais par une simple maison, cela restait néanmoins largement supérieur à la moyenne. D'immenses escaliers menaient au premier étage tandis qu'à leur droite et à leur gauche se tenaient deux grands encadrements de portes menant à des pièces bien différentes. Les petits yeux de l'exorciste s'étaient alors mises à briller, d'autant plus lorsqu'ils traversèrent un large salon où un magnifique piano a queue se tenait avec dignité. Quelqu'un était-il capable d'y jouer ici ? Il y avait également une bibliothèque ornant l'un des murs, chose qui avait attiré l’œil de l'enfant. Combien de livres étaient rangés là ? Impossible à dénombrer, mais bien dérisoire par rapport au nombre d'ouvrages de l'Ordre Noir. Néanmoins, pour une collection personnelle, c'était impressionnant.
Une nouvelle pièce fut traversée, une salle de jeux, mais rien dont il ne fit réellement attention. Rusty préférait se plonger dans des contes et des récits d'aventure plutôt que de faire comme tout enfant de son âge. Pensivement, il ne put néanmoins pas s'empêcher de souffler :
" Votre maison est vraiment impressionnante. "
Une nouvelle fois, un fin sourire avait traversé son visage, avant de disparaître une fois l'infirmerie gagnée. Depuis toujours, le Pleurnichard avait eut quelques soucis avec les examens, enfin.. Sans doute pouvait-il faire un petit effort ; après tout, ce n'était pas le quartier général. Mais sur ce point, l'irlandais restait un simple gamin de presque onze ans, timide et craintif.
C'est seul que l'exorciste pénétra dans l'infirmerie.
Le regard fuyant, il se mit assit sur la table avant de tenter d'expliquer ce qu'il lui était arrivé, quand exactement mais surtout dire où il avait mal. Le petit homme n'était pas dû genre à se plaindre, pourtant, il en fut presque obligé. Une chose était sûre : Rusty n'aimait vraiment pas ça. La tête basse, il laissa l'une des infirmières entourer sa cheville de bandages, réprimant avec difficulté quelques grimaces douloureuses. La souffrance, il l'avait connue tant de fois ; sans doute aurait-il encore mal pendant quelques jours après ça.
Une demie heure environ avait déjà passé.
Il n'avait qu'une envie : partir de cette pièce au plus vite. L'ambiance hôpital le rendait malade. On lui prêta une béquille pour qu'il puisse se déplacer sans trop utiliser son pied blessé ; il apprécia l'attention.
" M-Merci Madame.. "
Marchant avec un peu de peine au départ, il fallut quelques au petit blessé pour se rendre de nouveau dans le salon, ne s'arrêtant même pas dans la salle de jeu. En l'absence de son hôte, l'irlandais n'osa aller plus loin. Curieux bien que poli, il fit quelques pas dans la pièce avant de se diriger vers la bibliothèque, afin de parcourir du regard les titres des nombreux ouvrages. Tout semblait avoir été écrit en français, au vu des mots que comprenait le trilingue.
Dire qu'il était censé être en mission..
Re: Au Refuge Eustache Fournier [Pv. Irène de Vieilcombe]
Irène conduisit sans détour le jeune garçon jusqu'à l'infirmerie. Il dut pour cela traverser l'impressionnant hall d'entrée avec ses escaliers de marbre et ses statues provenant du monde entier, et le grand salon dans lequel s'amassaient toutes les diverses distractions de la propriétaire des lieux : un bureau couvert de lettres jamais envoyées, une bibliothèque bien remplie, un piano à queue reluisant et plusieurs sièges et sofas qui accueillaient généralement les réfugiés en voyage. La porte au fond menait à la salle de jeux des enfants, une immense pièce tout en longueur dont le sol était presque entièrement dissimulé sous des amas de jouets en tout genre. Le petit bout d'homme ne put s'empêcher de souffler son étonnement face à une telle demeure. Irène en était tout autant fière et gênée.
Héritage de sa famille, elle n'avait pas eu le choix et vivait finalement entre ces murs depuis sa naissance. Mais si elle n'avait pas décidé d'offrir le gîte et le couvert aux membres de l'Ordre Noir dans le besoin, elle aurait probablement songé à réduire l'espace du manoir. Probablement de moitié. Tout était beaucoup trop grand, trop démesuré même ! Il fallait s'essouffler pour passer de la salle à manger au boudoir, où la mère de famille prenait généralement le thé, seule. Passer de la salle de bain à la chambre à coucher suffisait à vous épuiser pour vous pousser à rejoindre le monde des rêves en quelques secondes. Tout cela était bien évidemment exagéré... mais c'était en quelques sortes la sensation que procurait le manoir sur Irène.
Le pire, c'était ces journées où elle se retrouvait seule, parce que son mari emmenait ses enfants à tel ou tel endroit, et qu'il n'y avait pas ou peu d'Exorcistes en repos. Le silence vibrait au rythme de ses talons... mais rien de plus. Elle détestait autant qu'elle adorait, car les échos de sa petite boîte à musique dans chaque recoin de sa maison la faisait frémir de mélancolie, une mélancolie qu'elle adorait laisser l'envahir et la posséder. C'était de cette façon qu'elle parvenait le mieux à se rapprocher de ses souvenirs d'Eustache.
Elle abandonna le petit garçon à la porte de l'infirmerie en lui offrant un dernier sourire de réconfort. Irène avait parfaitement conscience que les lieux médicaux pouvaient effrayer les enfants – il lui suffisait d'ailleurs de voir comment réagissaient les siens à chaque fois, malgré leur excentricité naturelle – et voulait donc insuffler une nouvelle dose de courage à Rusty. Même si sa condition de vie le contraignait à vivre avec plus de courage que n'importe quel autre enfant de son âge. Une chose abominable mais dont Irène ne voulait pas songer une seconde de plus : elle ne pouvait pas modifier le destin de cet enfant angélique de toute manière. C'était un don de Dieu si chaud et brillant qu'il le consumait, le dévorait de l'intérieur en le brûlant. Lorsqu'il attendrait l'âge adulte – puisse-t-il atteindre l'âge adulte, par pitié – il aurait perdu toute foi en ce monde. Il n'y verrait plus aucune beauté, plus aucune raison de le préserver des ténèbres. Il ne serait qu'une coquille vide dont on aura extrait toute l'humanité en lui demandant trop d'efforts. Cela détruisait la mère de famille qu'Irène était. Elle ne pouvait supporter l'idée que les générations futures perdent l'amour pour un monde que leurs parents, et les parents de leurs parents, ont cultivé et préservé pour eux. Mais ce n'était pas leur faute, à ces petits. C'était la faute à toutes ces horreurs qu'on les forçait à voir, à vivre, à perpétrer.
La mine basse, elle traversa en sens contraire les pièces qu'elle venait de faire visiter au garçon sur le chemin. De l'autre côté du hall d'entrée, elle passa dans la salle à manger, une pièce sobre où une immense table accueillait pas moins de douze sièges. Quelques décorations ornaient les murs et les rares meubles présents. Au fond, une porte, comme l'exacte opposée de celle qui, dans le salon, menait à la salle des enfants. Mais celle-ci donnait accès aux cuisines, qui à cette heure-ci était pleine à craquer de domestiques s'affairant au souper, mais également à la confection de délicieux biscuits aux pépites de chocolat dont l'odeur alerta immédiatement la riche française et réveilla le monstre qui sommeillait en son estomac, et qui se mit à rugir avec véhémence.
On l'informa d'attendre encore quelques minutes. Elle décida de fait d'aller se perdre dans les méandres de ses songes, enfermée dans son boudoir à l'étage. Là-haut, elle s'asseyait sur une chaise face à la grande baie vitrée ouvragée qui offrait un panorama incroyable sur le domaine et tout ce qui le cernait. Elle avait, en réalité, une vue plongeante sur ce petit bosquet où elle avait rencontré Eustache un jour d'été, dans sa jeunesse. Et là-bas, ce petit coin de paradis dans lequel ils s'étaient allongés toute une journée sans rien d'autre à faire que converser et rire. Et ici. Et là. Encore une fois. Toute sa vie tenait dans le cadre de cette fenêtre. Ses doigts posés sur les genoux jouaient avec la petite boîte à musique qu'elle avait récupéré en passant près du piano, après avoir laissé son nouvel invité. Comme d'accoutumé, elle la faisait tourner entre ses doigts fuselés jusqu'à ce que le petit couvercle se déclenche et qu'un nouveau mouvement ne vienne l'ouvrir pour laisser échapper le doux carillon du désespoir.
Les yeux perdus dans le vide, Irène ne sut à nouveau combien de temps elle resta là, ou combien de fois la mélodie cessa pour reprendre depuis le début aussitôt. Ce sont trois coups donnés à la porte qui la tirèrent de ses pensées. Elle se leva prestement et suivit la domestique jusqu'aux cuisines, où on lui présenta une montagne de biscuits. L'héritière de Vieilcombe insista pour porter le met elle-même. D'un pas vif et assuré, elle se dirigea au salon où elle trouva le petit garçon, le pied bandé et une béquille sous le bras, contemplant la haute bibliothèque qui le défiait. Elle éleva la voix au moment où le claquement de ses talons pouvait trahir sa présence dans la salle. Posant le plateau sur une petite table entourée de canapés, elle parla de son anglais le plus proche de la perfection.
« Le reste de notre collection est à l'étage. N'hésite pas à regarder ce qui t'intéresse ! Allez viens ! » dit-elle en allant le prendre par la main pour le rapprocher du moelleux des coussins. Sans plus de discours, elle s'assit et prit un biscuit pour le manger. À ses yeux, le meilleur moyen de mettre à l'aise l'enfant était de se comporter avec le plus de fantaisie possible. « Je vais envoyer un message à la Congrégation après... chaque chose en son temps ! » ajouta-t-elle avec conviction, les yeux rivés sur la gâterie entre ses doigts. « Ils enverront des gens pour venir te chercher... Tu vas devoir rester un petit peu ici... Désolée... » termina-t-elle d'un œil plus triste. Elle avait conscience qu'on n'avait pas toujours envie de rester dans un tel lieu, et que le monde ailleurs pouvait nous appeler à plein poumon. Mais il le fallait, pour sa sécurité, pour son rétablissement... et pour lui offrir la possibilité d'oublier sa vile condition d'arme divine. « Profites-en pour te reposer. La Guerre peut bien attendre quelques jours de plus. » Un sourire réconfortant et lumineux irradia son visage alors qu'elle portait ses grands yeux pétillants sur le petit bout d'homme.
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Repos " Trop de repos n'a jamais fait mourir personne. "Comment peut-on posséder autant ? Cette question me tourne dans la tête depuis tout à l'heure. De toute ma vie, je n'avais jamais vu une maison aussi belle que celle-ci, enfin.. Maison n'était peut-être pas le meilleur mot choisi. Une demeure, une bâtisse, un domaine, un château.. il y avait tellement de mots plus forts pour qualifier cet endroit ; et pourtant, pour ses occupants, ce n'était sans doute qu'une simple maison. Un foyer comme était censé être le Quartier général pour nous autres, les exorcistes. A choisir, je préfèrerai mieux vivre ici que de retourner là-bas ; enfin.. tout est mieux que cet endroit, même si j'y ai désormais des amis. Irène s'y est-elle déjà rendue ?
Le gamin resta là pendant un long moment, à observer les quelques étagères remplies à ras-bord de livres en tous genre. Certains semblaient avoir été écrits par de grands écrivains de leur temps, car de nombreux ouvrages portaient leur patronyme ; d'autres, au contraire, étaient totalement inconnus aux yeux de l'irlandais. Pourtant, en six années passées à la Congrégation de l'Ombre, il en avait passé du temps, à la bibliothèque. Si la plupart des livres qu'il lisait étaient basés sur les contes, la mythologie et les légendes, il lui était parfois arrivé de feuilleter quelques pièces de théâtre ou des gros romans ; avant de les reposer. A cet âge là, malgré des capacités linguistiques plus supérieures à la moyenne, Rusty ne pouvait pas tout comprendre non plus.
L'esprit plongé dans tous ces ouvrages, le Pleurnichard ne sut combien de temps s'était écoulé depuis la disparation de son hôte. Quelques minutes ? Une heure ? Une après-midi entière ? C'est que le temps passe vite, lorsqu'on a la tête ailleurs.
Ce sont des bruits de pas - de talons, même ! - qui lui firent tourner la tête après ce long moment ; cela ne pouvait être une domestique, mais.. Venait-on l'engueuler d'être trop curieux ? Non, ce n'était autre qu'Irène qui s'avançait désormais vers son petit invité, déposant une assiette remplie de cookies sur la table basse près des canapés. L'air toujours aussi réjouie que depuis leur rencontre, la jeune femme s'approcha du jeune O'Connor avec toute la grâce et l'élégance d'une Dame de son rang.
" Le reste de notre collection est à l'étage. N'hésite pas à regarder ce qui t'intéresse ! Allez viens ! " fit-elle tout en lui attrapant la main.
N'ayant même pas le temps de reporter son attention vers la bibliothèque pour se saisir d'un ouvrage, Rusty fut alors traîné derrière la française, tenant le rythme uniquement grâce à l'aide de sa béquille. Une fois tous deux assis, le petit homme la prit entre ses mains, le regard un peu vague et porté sur l'assiette de gâteaux ; Irène s'étant déjà servie pour en manger un. Silencieux, l'enfant leva alors ses mirettes bleues en sa direction ; tandis qu'elle fixait la friandise faite de pâte et de chocolat.
" Je vais envoyer un message à la Congrégation après... chaque chose en son temps ! Ils enverront des gens pour venir te chercher... Tu vas devoir rester un petit peu ici... Désolée... "
Surprit par de tels propos, l'irlandais cligna des yeux, avant de laisser un léger sourire traverser son visage d'ordinaire si triste. Sans doute n'avait-elle pas idée de ce que les exorcistes vivaient, là-bas.
" Ne vous en faites pas pour ça, je ne suis pas pressé.. "
Ceci dit, son regard se reporta vers sa béquille qu'il n'avait toujours pas lâché. Il n'était pas pressé, mais la guerre, elle, n'attendait pas. Qui sait ce que son coéquipier pouvait bien endurer, là, tout seul dans les montagnes françaises. Enfin, au vu de son expérience, ce n'était pas quelques Akumas qui allaient le déranger.. La douce voix d'Irène sortit à nouveau le petit homme de ses songes :
" Profites-en pour te reposer. La Guerre peut bien attendre quelques jours de plus. "
Pensivement, l'enfant hocha la tête sans rien dire ; tout du moins, l'espace d'un instant.
" Merci encore pour votre accueil, je suis.. content d'être tombé sur vous. "
Et pas sur un vulgaire piège, aurait-il voulu continuer.
Tapotant ses petits doigts brulés sur la barre en bois de son soutien, l'enfant en aurait presque pu être mal-à-l'aise. Même si les sourires de la noble femme avaient tout de réconfortants, quelque chose semblait le déranger ; quand bien même il n'aurait jamais pu dire quoi. Peut-être était-ce à cause de son statut si inférieur vis-à-vis du sien ? Ou alors peut-être que la maison était trop grande.. même s'il en était émerveillé.
" Vous ne vous perdez jamais.. ? " fit-il, pensivement.
Ces quelques mots dits, l'enfant reporta son attention vers son interlocutrice, en quête d'une réponse. Rusty n'avait jamais vraiment été doué pour tenir une conversation ; encore moins pour en lancer une. Néanmoins, comble de l’inhabituel, il finit par reposer une seconde question, tout en désignant les cookies de l'un de ses doigts tremblotant.
" Est-ce que.. je peux ? "
Poli, l'irlandais n'aurait jamais osé se servir sans rien demandé. Le regard toujours porté vers son interlocutrice, un nouveau léger sourire finit par franchir la barrière de ses lèvres. La guerre semblait si loin..
Re: Au Refuge Eustache Fournier [Pv. Irène de Vieilcombe]
L'enfant se répandait toujours et encore en politesses inutiles. Il était, disait-il, content d'être tombé sur elle. Une femme comme elle, voulait-il sans doute dire. Une femme maternelle et agréable, au visage angélique et au sourire fragile. Elle n'était certainement pas une de ces matrones sévères et colériques, qui vivent de frustrations et déchargent leur refoulement sur les pauvres enfants, contraints de subir dans le silence. Bien sûr, elle n'était pas une femme soumise à la volonté de ses enfants, ou des autres qu'il lui arrivait d'héberger. Elle pouvait se montrer dure et sévère quand les situations l'exigeaient. Il lui était même arrivée à quelques reprises de gifler les jumeaux, eux qui sont si actifs.
Elle ne pouvait se résoudre au ton sec et sévère qu'elle savait adopter avec un petit bout d'homme comme Rusty. Il était doux et d'une certaine sensibilité. Aussi adoptait-elle une attitude adéquate. Mais là, sur le sofa, elle eut la grossière envie de lui écraser la tête dans l'assiette de cookie lorsqu'il osa demander : « Est-ce que.. je peux ? » en les dévisageant de ses grands yeux envieux. Heureusement pour lui, son petit sourire fit oublier cette angoisse qu'il causait à la maîtresse de maison, par toutes ses politesses. Les mains toujours légèrement crispées toutefois, elle se contenta de pousser l'assiette vers lui avec un petit soupir.
Puis de lever la tête, pour faire mine d'étudier la structure de la bâtisse qui l'entourait. Le petit homme lui avait demandée si elle ne se perdait jamais là-dedans. Pourtant le Quartier Général de la Congrégation de l'Ombre dont elle avait entendu parler, qu'on lui avait décrit plusieurs fois, devait de très loin surpasser ce manoir en terme d'espace et de superficie.
« J'ai grandi ici... » entama-t-elle pendant que le garçon se servait de quoi grignoter. « Je l'ai explorée de fond en comble des dizaines et des dizaines de fois... et cependant je garde l'intime conviction qu'elle ne m'a pas livrée tous ses secrets. J'ai toujours l'espoir de découvrir de nouvelles choses un jour, ou que mes enfants n'en découvrent. Mais je n'ai pas l'impression que ça arrivera... Il n'y a que ce niveau et celui du dessus. Encore au-dessus il y a un grenier qui sert de débarras – peut-être qu'un jour je l'aménagerai – et la cave. Et l'abri de secours également. »
Une servante arriva silencieusement pour poser un plateau d'argent, contenant une théière fumante avec deux tasses en porcelaine et une petite carafe de lait frais. Je n'y fis pas attention tout de suite et me penchai vers Rusty l'air inquiet.
« Tu as... tu as grandi au sein de l'Ordre ? »
Puis, sans attendre de réponse, elle se leva et prit deux biscuits dans sa main. Irène était très active, comme l'étaient ses enfants : elle avait du mal à rester assise et sérieuse plus de quelques minutes. Il lui fallait bouger, penser à beaucoup de choses et avoir plein de conversations différentes en même temps. Elle craignait, si jamais une seule seconde de répits ne lui était accordée, de voir sa nostalgie l'envahir et sa mélancolie l'accabler. Lorsqu'elle avait des responsabilités auprès d'invités comme Rusty le petit Exorciste, la Française de bonne famille se forçait à ne pas penser à son amant disparu.
« Viens, je vais te faire visiter rapidement. Au moins pour que tu choisisses où dormir. Si je te montre tout, tu n'auras pas la chance de découvrir des secrets toi-même. » Elle souriait et tendait la main à l'enfant. « C'est à l'étage mais je vais te porter pour monter les escaliers si tu veux. Prenons des provisions, on ne sait jamais. Le thé peut bien attendre. On n'est pas en Angleterre ici ! »
Un nouveau sourire plein d’espièglerie. Le petit homme avait tant à découvrir encore. Était-ce une bonne chose finalement ? Irène était toujours pleine d'entrain à faire visiter sa demeure et à montrer à quoi ressemble sa vie, mais était-ce bon de montrer à un petit garçon tout ce qu'il ne pourrait avoir ?
Prise d'un excès de conscience, elle s'accroupit devant le garçon, le visage de nouveau grave et les yeux emplis de cette tristesse qui la définissait si bien, qui ne la quittait jamais mais savait parfaitement se mettre en avant que la situation l'exigeait. Elle passa sa main dans les cheveux du garçon, le regard vague.
« Je veux que tu sois ici comme si tu y avais grandi. Je suis.... Je suis désolée de cette vie que tu dois mener. » Sa voix commençait à se faire chevrotante. Elle manifestait toute l'instabilité émotionnelle dont elle pouvait être victime. « Crois-moi... – oh oui, crois-moi vraiment ! – si j'avais la moindre occasion de t'en tirer et de t'offrir de partager notre vie, je le ferais. C'est... injuste... »
La culpabilité d'une trop belle vie face à ceux qui ne connaissent que misère et désolation. Ce n'était pas la première fois qu'Irène y était sujette. Néanmoins, face à un enfant, le poids de cette culpabilité était tout autre. Elle poignardait atrocement. Et enfin, elle réussit à s'échapper, cette larme au coin de son œil qui rêvait de liberté. Irène se releva, l'essuya du bout du doigt.
« Pardonne-moi, je n'ai pas à t'imposer de telles choses, à étaler mon héritage avec tant d'orgueil. C'est inconvenant. Tu es mon invité, c'est à toi de décider de ce que tu désires faire. »
Quelle humiliation... Irène contrôlait de moins en moins ses sauts d'humeur et ces retours de bâtons après un vent de jubilation. La vie n'était malheureusement pas comme elle la vivait. Il y avait des enfants qui combattaient en guerre, qui ne connaissaient pas la douceur des bras d'une mère la nuit quand ils ont peur, ou la sécurité d'un père qui les protège en les gardant dans leur ombre imposante. Pour eux, leur mère est la mort, leur père le désespoir. Irène se donne pour but de leur offrir, quelques heures, quelques jours ou plus encore, la vision d'un monde autre : un monde joyeux et lumineux, qui leur donnerait l'envie de se battre, de s'en échapper pour vivre ce que ce monde a à leur offrir. Mais n'est-ce pas les torturer que leur montrer toute cette opulence à laquelle ils n'ont pas accès ?
Re: Au Refuge Eustache Fournier [Pv. Irène de Vieilcombe]
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Tendresse " La force de ceux qui aiment apaise même les tourments, la tendresse des femmes recèle tant de puissance. "Irène parle beaucoup, ou plutôt devrai-je dire qu'elle parle tout le temps. Je ne vais pas m'en plaindre, car en contrepartie, je n'ai pas à parler énormément.. Elle parle d'une chose, change de sujet en cours de route avant de finalement revenir sur un autre oublié depuis longtemps. Des sourires, des drôles de grimaces, des soupirs, une larme discrète, puis à nouveau des sourires ; voilà ce qu'était mon hôte en réalité. Avant ce jour, je n'avais rencontré quelqu'un qui puisse lui ressembler, quelqu'un d'aussi.. simple et agréable. Irène semble avoir tout vécu, tout savoir, avoir réponse à toutes les questions du monde, sans qu'on ait forcément besoin de les lui poser. Un peu.. Un peu comme une mère, en fait. Sauf une à pleine temps.
La jeune femme restait à ses côtés, quoi qu'il arrive. Comment faisait-elle pour s'intéresser à une petite âme comme lui ? Ce n'était qu'un gamin, une arme humaine si on écoutait attentivement les paroles de Central. S'intéressait-elle à tous les exorcistes de la même manière, ou était-il une exception ? L'irlandais n'avait pas de réponses à ces questions, mais au vu de l'attitude d'Irène vis-à-vis de ses enfants, il pouvait se dire qu'elle savait faire preuve d'une certaine tendresse tous les jours. Néanmoins, elle eut l'air bien embêtée lorsque Rusty lui demanda la permission pour prendre un des gâteaux encore tous chauds. D'une main légère - et après un fin soupir - la maîtresse des lieux finit par pousser l'assiette en direction de son invité.
Tout en relevant ses petits yeux bleus fatiguées en direction de la française, un sourire finit par traverser son visage. Ce contact ne dura qu'un instant, avant qu'il ne souffle tout en détournant le regard :
" Merci. "
Il fallait qu'il regarde ce qu'il faisait de ses mains, sinon.. l'enfant n'attraperait rien du tout. Des mois auparavant, Rusty avait fait tomber un verre lorsque son Ange l'avait sauvé ; et des tas d'objets auparavant. Lorsqu'on ne sentait plus rien dans ses doigts, attraper des choses relevait parfois de l'épreuve, mais il avait finit par s'y faire avec le temps. Sans hésitation ni tremblement, il se saisit d'un cookie avant de le porter à sa bouche. Ah ! Même Jerry ne devait pas en faire d'aussi bons ; et pourtant, s'il y avait une chose de bon au sein de la Congrégation de l'Ombre, c'était bien les bons petits plats du chef cuisinier ! Toutes les ailes jalousaient ses repas, mais l'indien avait désormais un concurrent de taille..
Tandis que le gamin grignotait son gâteau telle une petite souris tout en observant les lieux, Irène avait reprit la parole. La jeune femme avait grandit entre ces murs, explorant et découvrant ses secrets au fil des années. Elle portait l'espoir d'un jour tout connaître sur ces lieux, ou alors ses enfants. Pensivement, le jeune O'Connor avait hoché la tête : certains avaient décidément des préoccupations bien différentes à celles des habitants de la Congrégation de l'Ombre. Enfin, ce n'était en rien la faute de la bourgeoise, au contraire ; sa vie était bien plus paisible que la sienne et d'une certaine manière, malgré l'envie et un peu de jalousie, l'enfant ne pouvait lui en vouloir pour tout ça.
Surprit par des bruits de pas, le Pleurnichard leva les yeux vers la personne qui s'était approchée : une servante, venue ramener du thé ou quelque chose qui y ressemblait. L'exorciste la toisa pendant quelques secondes, gâteau toujours en bouche, avant de manquer de s'étouffer.
" Tu as... tu as grandi au sein de l'Ordre ? "
Toussant en série, l'enfant mit quelques secondes avant de réussir à faire sortir cette petite miette coincée dans sa trachée ; il du même frapper sa poitrine à un moment ! Pourquoi avait-elle posé cette question ? Était-ce à cause de son regard fatigué et envieux ? Dans tous les cas, il n'eut pas le temps de lui répondre car la jeune mère était déjà debout à nouveau, prête à partir pour de nouvelles aventures. Elle voulait lui faire visiter sa demeure, ainsi que lui faire choisir une chambre pour passer la nuit, même qu'elle le porterait pour monter à l'étage. Presque gêné par une telle attitude, Rusty détourna le regard tout en esquissant un léger sourire.
" Ne vous en faites pas pour moi, je.. je devrai réussir à marcher. Enfin.. je pense, oui.. "
Après ces quelques mots, l'irlandais voulut se saisir de sa béquille mais n'eut même pas le temps de tendre la main que déjà la jeune femme avait à nouveau changé de place, se trouvant désormais juste en face de lui. Tout à coup, il n'y eut plus aucun sourire, seulement un profond chagrin alimentant la lumière de ses yeux bleus. Une de ses mains passa même dans ses cheveux bruns en bataille.
" Je veux que tu sois ici comme si tu y avais grandi. Je suis.... Je suis désolée de cette vie que tu dois mener. Crois-moi... – oh oui, crois-moi vraiment ! – si j'avais la moindre occasion de t'en tirer et de t'offrir de partager notre vie, je le ferais. C'est... injuste... "
Face à de tels mots, les yeux du Pleurnichard ne purent s'empêcher de se gorger de lourdes larmes, brillant de la même manière que ceux d'Irène. Allait-elle pleurer, elle aussi ? Rusty en eut la confirmation, lorsqu'une larme solitaire coula le long de sa joue, avant qu'elle ne l'essuie du bout des doigts. Comment pouvait-on sourire autant tout en étant aussi triste ? Pour celui qui pleurait pour un rien, cette attitude relevait d'une force mentale incroyable.
" Pardonne-moi, je n'ai pas à t'imposer de telles choses, à étaler mon héritage avec tant d'orgueil. C'est inconvenant. Tu es mon invité, c'est à toi de décider de ce que tu désires faire. "
S'inquiétait-elle juste pour ça, elle qui se proposait de lui offrir tous les secrets connus d'une si belle demeure ? Irène ne se doutait pas de l'effet bénéfique qu'avait sa présence sur le moral du petit homme, chose qu'il ne put s'empêcher de corriger de sa petite voix frêle et timide.
" Vous n'avez pas à vous excuser, ma.. ma condition ? Oui, ma condition n'est en rien votre faute et.. je dois dire que.. " fit-il tout en baissant le regard vers ses pieds, " J'aime vous entendre parler de tous les secrets dont cette maison regorge, je.. n'arrêtez pas. S'il vous plaît. "
Relevant la tête pour plonger son regard dans le sien, c'est un léger sourire qui traversa alors son visage constellé de tâches de rousseurs. Ah, décidément, la présence de la parisienne ne pouvait que lui être bénéfique ; il ne se souvenait pas d'avoir autant parlé depuis un long moment. Suite à cette tirade sans fin - tout du moins, pour lui - l'enfant reporta son attention sur ses mains brûlées, tapotant ses doigts les uns sur les autres tandis qu'il réfléchissait. Une question n'avait pas encore reçu de réponse.
" Pour.. répondre à votre question, d'avant, aussi, je.. ça va bientôt faire six ans que je vis à la Congrégation de l'Ombre. Mais c'est.. un peu plus supportable, grâce à des gens comme vous. "
Après tout, au cours de ces derniers mois, l'irlandais avait fait de nombreuses rencontres, toutes aussi différentes les unes que les autres. Son Ange qui lui avait offert de l'espoir, ses amis qui lui avaient offert de la confiance, sa petite infirmière qui lui offrait de la joie - sans même le savoir -, puis cette jeune femme là lui offrait des rêves. D'une main tremblotante, l'enfant frotta alors ses yeux pour faire taire ces larmes naissantes qui avaient perlé au coin de ces yeux depuis tout ce temps.
" Merci encore, Irène. "
Le jeune O'Connor esquissa alors un nouveau sourire, avant d'attraper sa béquille en bois de ses petits doigts. Plus question de pleurer ni même de songer à sa triste condition. Pour une fois qu'il n'était pas au Quartier Général, autant ne pas y songer ! Prêt à se lever, mais attendant l'avis de son hôte, il finit par demander :
" Souhaitez-vous toujours me faire découvrir les secrets de votre maison ? "
Après tout, malgré tout ce qu'il avait vécu, Rusty demeurai un enfant.
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