[Mission] L'heure de vérité

Je vérifiais une dernière fois mes poches. Quelques sculpture que j'avais faites durant mon temps libre à la boutique traînaient dans le fond. Un petit loup et une jeune femme ressemblant étrangement à la blonde que j'avais rencontré au bal des Noés. Je ne sais pas vraiment pourquoi je la gardais dans ma poche, mais mon corps s'emplissait d'un agréable sentiment lorsque je repensais à cette soirée, tout du moins le début de celle-ci. Depuis ce bal ma vie avait été bouleversée. Autrefois j'avais beau être le porteur du jeu je n'avais pas pris de parti. Je me contentais d'observer chaque camp en espérant que l'un d'eux me paraisse plus acceptable que l'autre. Mon choix avait été fait lors de cette soirée de perte et de souffrance. J'avais pleuré des larmes qui n'était pas les miennes et j'avais compris ce que signifiait le mot famille lorsque j'avais accepté de suivre les mes frères et soeurs dans leur quête de réponses et de vengeance.

Voilà pourquoi aujourd'hui je pose mes pieds sur le sol chinois. Les portails de l'arche sont vraiment utile lorsqu'il s'agit des voyages. Je connais celui qu'il faut que je trouve. Un exorciste, mais pas que, il est aussi l'apprenti d'un bookman. Ceux qui en savent plus que tous les autres sur l'histoire. Pendant que certains essayent encore de résonner le Comte Millénaire, d'autre comme moi ont pensé que les bookman saurait peut-être quelque chose sur l'incident au bal. Après tout il y en avait quelques uns ce soir là. Iris. J'aurais pu essayé de la retrouver et de lui poser la question, mais une chose m'en avait dissuadé, j'aurais été incapable de lui faire du mal si jamais elle avait refusé de répondre. Lavi avait beau être un de mes anciens compagnons, je n'avais pas de scrupules à le combattre pour obtenir ce que je veux.

Cette rencontre allait être déterminante pour ma propre évolution. J'allais enfin abandonner mon statut de membre de la congrégation. De manière officielle cela avait été fait lorsque j'étais devenu un membre de la famille du Comte, mais intérieurement je n'avais jamais réussi à oublier mes moments dans l'ordre noir. Je serrais les poings avant de m'avancer dans les rues de la petite ville. Je savais où je devais aller. J'avais préparé mon arrivée en envoyant quelques akumas qui avait pour mission d'attirer les exorcistes de la manière qui leur semblait la plus appropriée. Lorsque j'avais appris par l'un d'eux que l'exorciste envoyé pour régler cette affaire n'était autre que le roux que je désirais tant retrouvé, je n'avais pas hésité avant de m'y rendre. Les akumas m'attendaient à présent à la frontière de la ville où l'exorciste borgne ne tarderait pas à se rendre.

Lorsque je fus arrivé au point de rendez-vous je m'étais assis sur les gravas d'une maison que les démons avait détruit attendant le bookman. Je pris le temps de donner vie au loup de bois dans ma poche. Son hurlement me paru presque ridicule à son éveil au creux de ma main. Il n'était qu'un animal minuscule après tout et pas une véritable bête sauvage. Je le déposais sur le sol en le regardant gambader entre trois akumas de niveau 1 qui attendaient tout comme moi la venu des membres de l'ordre. Finalement je l'attendis grogner et je relevais les yeux en sa direction. Ils étaient là, enfin. Un large sourire prit mes lèvres alors que je me relevais, mains dans les poches.

« Et bien Lavi, tu m'aurais presque fait attendre. »

Lavi m'avait reconnu lui-aussi. Un nouveau sourire prit mes lèvres alors que je m'approchais lentement de lui. J'étais à quelques mètres du bookman lorsqu'il me posa une question qui me tira un rire, un véritable fou rire. Il me fallut même un instant avant de réussir à reprendre mon calme. "Camarades" ? Le loup de bois d'à peine 10cm à mes pieds continua de grogner face à l'exorciste. Je me baissais alors pour le prendre dans ma main et le caresser du pouce pour le calmer. Il me lécha le doigt comme l'aurait fait un véritable animal avant qu'il ne se couche dans ma paume et que j'éteigne l'étincelle de vie que je lui avais offert. Je le glissais de nouveau dans ma proche avant de relever les yeux vers l'exorciste.

« Mes propres camarades dis-tu ? Je pensais que le but de l'ordre était de détruire les akumas et les noés quel qu'il soit. Je ne suis pas sûr de pouvoir encore vous appelez camarade. »

Comme pour imager mes paroles, ma peau habituellement pâle prit une teinte grise, mes yeux mauves se transformèrent en deux pupilles dorées alors que les stigmates firent leur apparition sur mon front derrière mes cheveux qui perdirent petit à petit leur teinte bleuté pour ne laisser qu'une crinière noire et mal peignée. Je le vis alors utiliser son innocence, il était sérieux dis donc. Mon corps entier frémit face à la sensation de son innocence qui s'activait, c'était donc vrai, l'innocence et les noés s'opposait totalement. J'observais alors l'exorciste qui détruisit un des akumas de niveau un qui m'accompagnait. Un nouveau sourire prit mes lèvres face à cette intervention, mais sa menace ne fit ni chaud ni froid.

« Pfuah ! J'avais jamais assisté à un véritable combat avant aujourd'hui, je suis impressionné ! Ces bestioles sont vraiment pas superbe sous cette forme. »

J'étais réellement impressionné par l'exorciste et la puissance de son innocence. C'était bien le premier exorciste que je voyais en action. En tant que concierge je n'avais pas vraiment eu d'invitation sur le terrain et j'aurais très certainement refusé si cela était arrivé. Même en devenant noé il m'avait fallut un moment pour ne plus fuir à la vision d'un akuma. C'est qu'ils sont assez effrayant sous leurs formes d'armes. Il avait fallut que je rencontre Felipe pour que cette peur disparaisse. Et aujourd'hui Lavi venait d'en détruire un d'un coup de marteau, ça semblait si simple pour lui.

« Je ne suis pas venu ici pour me battre, mais je n'hésiterais pas à le faire, je ne me laisserais pas tuer sans me défendre et je ne peux pas fuir, plus maintenant. »

J'avais abandonné ma lâcheté lorsque j'avais accepté de faire partie de cette famille, j'avais accepté de porter cette peau grise et ses stigmates tout en acceptant de devenir courageux lorsque la situation le demande, même si pour moi le courage n'est rien de plus que la gloire de l'idiot. Je devais savoir si cet homme savait quoi que se soit au sujet des attaques lors du bal de charité. Je devais savoir ce qu'il s'était passé ce soir là, pour moi, pour ma famille et pour le Comte. William avait été exécuté et on s'était servit de son corps pour laisser une lettre de menace.

« Sais-tu quelque chose sur le bal de charité qui s'est déroulé au manoir Kamelot ? »

Je pousse un long soupire en entendant la réponse du bookman. Ce n'est vraiment pas celle que j'attendais. Je me recule alors, ne souhaitant pas me prendre un coup par surprise juste parce que j'ai été assez bête pour rester trop prêt de l'ennemi. J'observe alors l'exorciste comme si je pouvais lire en lui, mais je ne m'entends pas vraiment à pouvoir savoir s'il ment ou pas. Il sait surement aussi bien mentir que je ne le sais pas. Je passe alors un bras devant moi avant de l'étirer avec le second puis je recommence en inversant le gauche et le droit. Je me baisse ensuite, m'accroupissant avant de remonter et de m'accroupir à nouveau et de recommencer jusqu'à rester au sol, un coude sur ma cuisse et mon visage au creux de ma main. Mes yeux se lèvent sur mon ennemi alors que je souris. Je n'ai jamais été doué pour prendre les situations qui le nécessitent au sérieux et ma parodies d'échauffement avant un exercice ne fait que le démontrer une fois de plus.

Je plonge alors ma main dans mon sac que j'avais laissé au sol contre un banc à peine arrivé, pour en sortir une autre de mes sculptures, plus grande celle-ci. Il s'agit en réalité d'un guépard de bois d'environ 30cm sur ses quatre pattes. Je le dépose devant moi tout en caressant son dos de noyer où j'avais peint des tâches semblables à celle de l'animal avant qu'un grognement ne sorte de ses mâchoires où trônait des dents un peu plus grandes que ne l'exigerait la reproduction exacte du félin. Et alors que je fouillais dans la poche interne de ma veste, je soufflais seulement un :

« Black Jack. »

J'avais un avantage sur Lavi, comme lui avait l'expression contre moi, il ne sait rien de mes capacités et c'est une chose qui m'est inévitablement profitable. S'il ne connait pas les quelques subtilités des règles imposées par cette bonne vieille emmerdeuse de Gameline, il aura bien plus de mal à me contrer. Le jeu possède des règles indélébiles que même moi je ne peux pas briser. Je l'ai appris à mes dépends lorsqu'en voulant tricher -sans le vouloir évidemment- j'ai causé la mort de mon meilleur ami. Sous mes yeux s'afficèrent alors deux cartes au dessus de la tête du roux. Un 10 de carreaux et un 5 de coeur.

« 15. C'est pas trop mal. »

Je relevais alors les yeux vers ma propre paire de cartes. Un 8 de piques et un 6 de coeur.

« Et bien, espérons que les cartes ne mentent pas. »

Je ne souhaitais pas réellement me battre, mais je préférais tout de même connaitre mes chances si jamais cela venait à arriver malgré tout. Et puis surtout savoir si en temps normal j'aurais fuit ou non. J'ai toujours prôné ma propre survie face à quoi que se soit, une des raisons pour lesquelles j'ai longtemps été très seul, mes choix ne me permettent pas de m'attacher à quelqu'un plus que nécessaire parce que lorsque l'on tient à quelqu'un, il est bien plus difficile de l'abandonner lorsque la situation dégénère et que ma survie en dépend. Je n'ai pas abandonné cette vision égoïste de la vie, mais à présent il m'est impossible de ne pas faire d'exception. Je ne suis plus seul, je ne suis plus Liam l'humain faible qui ne savait pas se défendre seul, qui ne pouvait prendre soin de personne, qui n'était utile à personne. Aujourd'hui je suis le Noé du jeu et je possède une famille que je ne peux ignorer parce que je les sens en moi, nous sommes liés, bien plus que je ne l'ai jamais été avec ma famille biologique ou même ma famille adoptive. Aujourd'hui je ne fuirais pas qu'importe les menaces et la douleur, mais je ne compte tout de même pas mourir.

« Je ne partirais pas sans réponse. Il s'est passé quelque chose de plutôt fâcheux durant cette soirée et je sais que certains de tes collègues étaient présents puisque j'y ai fait la rencontre d'une jolie blonde mystérieuse que j'ai deviné être une bookwoman. »

Repenser à Iris me tira un sourire plus sincère qu'il ne l'était jusque là. Malgré la mort de William, je ne pouvais pas nier avoir passé une merveilleuse soirée en compagnie de cette jeune femme. Peut-être qu'après avoir tiré quelques informations à Lavi, je lui demanderais le véritable nom de celle-ci, peut-être qu'ainsi je pourrais la revoir.

« Je ne peux pas partir sans réponse de toute manière. Alors tu ne pourras pas esquiver la confrontation si tu restes muet. Qui s'est invité à la soirée du Comte pour la gâcher de la pire des manières ? »

Il fallait que je sache, aussi bien pour moi que pour le reste des noés. Savoir qu'il ne s'agit pas de l'un des nôtres apporterait un peu de calme à notre famille et cela parviendrait peut-être à calmer le Comte. J'ai beau être jeune parmi les miens, je le sais, quelque chose s'est brisé. Peut-être une confiance qui paraissait jusqu'ici à toute épreuve ? Une douce assurance qui malgré la guerre persistait et nous permettait de nous sentir en sécurité dans l'arche, parmi les nôtres. Pour retrouver ça, il fallait que l'on sache enfin qui est le monstre qui se cache dans notre placard et pour cela il fallait que j'obtienne des réponses. J'ouvrais alors le paquet de cigarette que j'avais sortit de ma poche pour en glisser une entre mes lèvres avant de l'allumer et replonger mes mains dans mes poches avec un sourire rappelant que je n'étais pas prêt à fuir comme je l'aurais fait auparavant.

J’étais d’un naturel patient, j’avais apprit à rester calme lorsque le temps défile et que rien ne se produit, mais à cet instant, je voulais une réponse et je n’avais pas envie de perdre de temps. Oh je n’allais pas lui donner le plaisir de faire une gaffe en me précipitant comme un bleu, mais il fallait que je fasse quelqu’un chose. L’insécurité qui règne dans l’Arche est une chose que je trouve insupportable, j’ai beau avoir changé, la peur de la mort est une chose qui me reste naturel et le courage n’est pas une de mes qualités, je laisse ça aux idiots tel que les exorcistes qui mettent leur vie en jeux pour plus faible. Et je le sais pour en être son incarnation, le jeu aime jouer avec ce qui mise le plus gros. Sa remarque concernant le Comte me fit grincer des dents, c’était étrange cette loyauté que je ne m’étais encore jamais connu, mais elle était bien là, ancré en moi comme si elle avait toujours était quelque part en moi, seulement dissimulé derrière un personnage que je n’étais pas, un être humain.

« Oh, tu sais pour avoir travaillé pour la Congrégation, je sais aussi que de votre côté, vous avez aussi vos problèmes à gérer. »

Depuis la découverte de Neah dans le jeune Allen Walker, les doutes n’ont fait que grandir dans cette organisation où plus personne ne se fait confiance. Je l’avais vu, je l’avais entendu et je l’avais sentit en travaillant parmi eux, même si je n’étais rien. Inspirant une douce goulée de ma cigarette, je profite de cette sensation parce que je le sais dans peu de temps, cette cigarette finirait au sol, sans que je ne puisse la terminer. Je souris de nouveau, un sourire, un sourire moqueur. Il s’attend à ce que j’abandonne, il me connait, l’homme lâche que j’ai été n’a donc plus aucune crédibilité, même ainsi dévoilé en tant qu’Apôtres ? Il est vrai que fuir est mon instinct primaire, mais j’ai changé et il va l’apprendre à ses dépends malheureusement, parce que je suis le porteur de Gameline, le Jeu et qu’il est tout simplement impossible de quitter la partie lorsqu’elle est là à vous observer, prêt à vous punir si vous ne suivez pas les règles. Je la sens impatiente, je me sens excité par l’idée de me battre, ce qui m’est pourtant totalement inconnu. Pourtant je n’ai pas peur, parce qu’elle est là, à annihiler cette peur pour me soutenir.

Le guépard de bois à mes pieds grogna une fois de plus alors que le marteau me frôla pratiquement le visage, faisant s’éteindre ma cigarette. Ce geste se voulant certainement intimidant et ça aurait marché si je ne possédais pas le don de faire disparaitre mes sentiments gênants. Je me contente alors de rire après avoir glissé ma cigarette entre deux de mes doigts. Je ris parce qu’il ne sait rien, lui qui devrait tout connaitre de ce monde en sait si peu sur les noés, sur les pouvoirs qu’apportent les souvenirs, ça en serait presqu’Ironique, puisque celui qui n’avait été qu’un concierge en sait aujourd’hui bien plus que celui qui dédit sa vie au savoir et à la vérité.

« Tu dis cela comme si j’avais le choix. Se rendre signifie mourir pour moi et puisque tu me connais si bien, tu dois bien te douter que mourir est bien la dernière que je souhaite. »

Je me relève enfin, jetant ma cigarette un peu plus loin dans une pichenette avant d’attraper mes armes dans mon dos, sous ma veste. Deux dagues retenu ensemble par une chaîne, il faudra que j’aille rendre visite à Camelia pour le remercier de ce cadeau qu’il ne m’a pas vraiment fait, puisque j’ai emprunté ces armes dans son manoir. Je regarde mes vêtements, ainsi que ceux du borgne face à moi, son uniforme d’exorciste et retient le moindre détail de sa tenue avant de susurrer le nom d’une de mes techniques dans un français parfait, un jeu que j’apprécie particulièrement puisque je suis le seul à en comprendre les règles.

« Loup couleur. »

Soudain une voix de femme retentit dans mon esprit ainsi que dans celui de mon adversaire, un seul mot est prononcé : Noir. Je souris avant de retirer ma veste noire, remonter les manches de mon tee-shirt blanc et de me préparer. Le noir fait partit intégrante de la tenue de ce cher bookman, alors que je ne porte qu’un pantalon noir. Je me mets en place prêt à attaquer dès que se sera nécessaire. Je m’avance soudain en direction de l’ennemi en courant dans la ferme attention de lui planter une de mes dagues dans le dos, le torse ou n’importe où ailleurs tant que cela le blesse, le guépard me suivant dans ma course, celui-ci, se chargerait d'essayer de lui mordre un mollet peut-être. Je n’avais jamais aimé la violence qu’importe la forme qu’elle peut prendre, mais malgré cette envie de ne pas en user, je ne pouvais pas faire autrement, ma famille avait besoin de moi et je répondrais présent.

Je devais me montrer prudent, Gameline était un souvenir qui n’est ni avec ni contre moi, elle est le Jeu et le seul principe du jeu et que l’on doit respecter les règles sinon on s’en retrouve punit. Voilà pourquoi je ne pouvais pas compter sur elle pour prononcer une couleur qui n’était pas présent sur moi. Elle s’amuserait bien moins si le combat venait à être unilatéral. Si Lavi n’avait pas la moindre chance, elle s’ennuierait bien trop et puis se serait surement une façon de plus de tricher selon elle et tricher n’est pas admissible face au Jeu. Je lançais un rapide coup d’œil à Tracy à mes côtés, le Guépard qui s’élance comme je lui ai gentiment ordonné de faire. Il est rare qu’une de mes créations m’obéissent sans grogner, je garderais ce prénom en tête pour une prochaine création si celle-ci venait à être briser durant le combat. La bête s’élance avec bien plus de facilité que moi en direction de l’exorciste, malheureusement celui-ci à l’aide de son innocence s’élève dans le ciel.

J’étais toujours impressionné par les pouvoirs des exorcistes, mais je n’en montrais rien, une expression sérieuse imbibant mon visage habituellement si joueur. Ce n’était pas le moment de montrer à l’ennemi que j’étais en véritable admiration de son innocence, les raisons de ce combat méritait que je me batte avec le plus de concentration possible. J’observe alors le roux en haut de son marteau qu’il soulève finalement avant de le faire grossir surement pour nous l’envoyer en pleine tronche. Je grogne avant de prendre appuie sur mes pieds pour reculer d’un coup, espérant esquiver l’arme qui malgré mon écart me touche l’épaule avec violence. Si le Jeu n’avait pas été mien j’aurais sentit la douleur me parcourir, heureusement pour moi aujourd’hui je porte un simple tee-shirt gris. Un large sourire imprime alors mes lèvres alors que je sais très bien que le coup va lui être renvoyé. Il ne connait pas les règles de mes pouvoirs et cela se montre particulièrement utile pour le moment.

« Désolé pour toi Lavi, mes pouvoirs n’ont rien d’exceptionnels comme les tiens, ils sont bien plus fourbes … Plus lâches. Je suis le Jeu, pas le Courage après tout. »

Je recule alors de quelques pas alors qu’un couinement me parvient. Tracy. Je retrouve l’animal sur le sol, une de ses pattes en bois brisé par l’impact. Je grince des dents avant de m’approcher d’elle, caressant doucement sa tête avant de lui retirer l’étincelle de vie que je lui avais donnée. Elle n’a pas réussi à esquiver le coup, contrairement à moi. Je grogne avant de la prendre contre moi, la gardant contre ma poitrine. Ca avait été surement une mauvaise idée de vouloir intégrer une de mes créations à ce combat. Ce ne sont que des jouets après tout, pas des armes. Je la dépose alors avec délicatesse sur mon sac, surveillant tout de même le bookman pour ne pas me faire attaquer par surprise.

« Tu viens de casser la patte de cette pauvre Tracy … J’avais mis prêt d’une semaine à la terminer. »

Un long soupir passa alors mes lèvres, très bien ça ne serait que lui contre moi. Un véritable combat dans cette guerre dans laquelle je n’avais pas voulu m’impliquer. Cette guerre qui avait su me changer, tout du moins assez pour que j’abandonne ma lâcheté pour un combat contre un exorciste bien plus expérimenté que moi. J’aurais fuit si ce n’était pas pour eux, pour les noés, pour ma tranquillité, pour ma famille. J’aurais fuit si je n’avais été que Liam, j’aurais fuit si j’avais refusé de m’engager dans cette guerre, mais je suis là aujourd’hui parce que malgré ma peur de l’engagement, malgré mon principe de ne jamais m’attacher à quiconque ou à la moindre cause, j’ai finit par céder, céder à ces gens qui sont ma famille, ceux que j’aime sans vraiment comprendre pourquoi. Aujourd’hui je me bas pour une chose que j’ai fuit toute ma vie, pour l’amour.

La tactique du bookman changea lorsqu'il comprit que quelque chose clochait avec son attaque. Il était loin d'avoir tout vu de mes pouvoirs, tout ceci n'était qu'un avant goût du jeu dans lequel il avait plongé. J'étais prêt à le blesser si cela devenait nécessaire pour avoir les informations que je désirais. Peut-être qu'il ne savait rien sur la mort de William et de ce qu'il se tramait du côté des noés, mais s'il y a bien quelqu'un qui pouvait avoir des informations c'était très certainement lui, l'héritier des bookman. Et penser qu'il n'en avait aucune été angoissant, si Lavi n'avait pas de réponse, cela voudrait dire que personne n'en a à leur donner et que le seul qui pourrait alors les prévenir du danger est le danger lui-même. Quel espoir auront-ils encore pour le Comte qui commence déjà à perdre la raison à l'idée d'une trahison de sa propre famille ? Ils ne pourront alors plus qu'attendre que la menace pesant sur eux finissent par être exécuté. Qui serait le prochain à mourir ? Combien y en aura-t-il avant qu'ils ne puissent stopper ce fou ?

Ce n'était pas le moment d'attendre qu'il attaque le premier, c'était le moment de passer véritablement à l'action et de ne plus simplement jouer pour perturber l'ennemi. Je devais obtenir les informations quoi qu'il arrive, je le devais aussi bien pour le Comte que pour moi-même. Je n'ai pas obtenu la liberté pour qu'elle soit ma nouvelle torture.

« Tu es sûr de ne pas vouloir me dire tout ce que tu sais ? Ce n’est pas comme si ça te concernait après tout. »

Les bookman ne font pas partit de l’histoire après tout, non ? Les bookman se doivent d’être neutres non ? Il est difficile de l’imaginer alors que celui-ci tient une innocence entre ses doigts. Lavi n’est pas concerné par cette affaire, il ne peut qu’en connaître les détails puisqu’il n’est pas censé jouer de rôles dans notre monde. Enfin peu importe tant qu’il me transmet ce qu’il sait ou qu’il avoue enfin ne rien savoir. Je soupire alors, reprenant mes armes dans chacune de mes mains avant de soupirer. Bientôt la couleur changera et je ne serais peut-être plus aussi chanceux, il faut que je m’élance maintenant.

« Cache-cache. »

Le nom de la technique résonne alors que je commence à compter. 30, 29, 28. Mon corps commence doucement à s’évaporer sous les yeux du roux qui s’est mit en position défensive. Une bonne idée selon moi, dommage, il ne saura pas d’où j’attaquerais.

« 3,2,1 … 0. »

Me voilà invisible aux yeux du bookman et je m’élance dans sa direction une nouvelle fois, il faut que je le blesse avant qu’il comprenne, avant qu’il ne devine les règles. Mes pas se font légers, essayant de faire le moins de bruits possibles alors que je le contourne, tenant fermement mes dagues entre mes mains. Il faut que je le blesse ne serait-ce qu’un peu, ce n’est pas comme si mon but premier était de le tuer, de détruire son innocence et de disparaître, non, je n’étais pas là pour me battre, je lui avais dit, mais on sait tous comment finit inévitablement une rencontre entre un noé et un exorciste, malheureusement les ennemis ont rarement le loisir de “seulement discuter”. Je m’arrête un instant pour faire taire le bruit de mes pas et je reprends quelques minutes plus tard pour perturber les sens de l’exorciste avant de me placer dans son dos et d’abaisser mes armes sur sa veste noire en espérant lui couper le dos d’une des lames et le poignarder de l’autre dans une zone où j’éviterais les organes vitaux. Je ne veux pas le tuer, je ne peux tout simplement pas le faire et ma condition de noé ne changera jamais ça, je l’espère.

J’étais lâche, il n’y avait pas d’autre mots pour décrire ma façon de combattre, mais ce n’est pas comme si jamais vraiment le choix pour survivre dans ce monde. Mon corps de gringalet, mon manque quasi-total de muscle en dehors de ceux que j’ai réussi à obtenir avec le travail et ma maigreur, il faut bien l’avouer je n’ai pas la carrure pour être un valeureux guerrier. Il faut faire avec ce qu’on nous offre. Le jeu semblait l’avoir compris en me choisissant, ces capacités n’avaient rien non plus de vraiment glorieux, mais ça semblait fait pour moi, comme si elle savait ce qu’il me faudrait pour me battre. Comme si elle savait de quoi j’aurais besoin pour LE battre, parce qu’à cet instant le seul ennemi qui m’intéresse et celui qui se trouve devant moi, celui que je dois blesser, celui dont Gameline rit à cet instant.

Lorsque je sentis ma lame s’enfoncer dans le dos de l’exorciste, mon coeur manqua un battement. Le sang tâcha mes mains et le sensation poisseuse me fit tirer au coeur alors que l’odeur métallique de l’hémoglobine envahissait mon nez. Je venais de blesser quelqu’un, je venais de faire saigner quelqu’un et ce n’était en rien pour me défendre, ce n’était même pas pour survivre. Je l’avais blessé parce que j’avais choisit de me battre plutôt que fuir. Tentant de faire disparaître cette désagréable sensation qui me susurrait que je faisais quelque chose de mal, je ne vis pas le pied venir, le pied qui me frappa avec douleur en plein de le genoux. Fais chier. Ce n’était pas le moment pour un jugement moral sur mes propres actes.

« Putain … »

Je fais alors un pas en arrière, me penchant en avant pour me tenir le genoux, il n’aurait pas put taper autre part ? Plus haut ? Comme ça le coup lui aurait été renvoyé, mais non, pile sur mon pantalon noir. Je grimace et je relève les yeux juste assez rapidement pour voir l’exorciste faire tournoyer son innocence autour de lui, assez bas pour me balayer juste au niveau des genoux. La vitesse du coup ainsi que la force me fait chuter contre le sol et ma tête heurte le chemin de cailloux dans un bruit sourd alors que mon corps reste sur le sol un instant, inerte. Putain ce que ça fait mal. J’avais presque oublié pourquoi je ne m’étais jamais battu, j’en avais presque oublié que je pouvais moi aussi me faire touché avec cette capacité à renvoyer les coups.

Je me frotte la tête avant de tenter de me relever, je cligne des yeux, la lumière du jour semble plus éblouissante, les bruits étouffés et pourtant un mot résonna dans mon esprit “Blanc.” Mes yeux se fixent alors sur la tenue de l’exorciste puis je les baisse sur la mienne. Et merde. Gameline se fout clairement de moi là. Mon tee-shirt blanc face au pantalon de Lavi. Cette fois-ci je suis clairement désavantagé, tout du moins, je le serais si l’exorciste à enfin compris les règles de ce jeu. Ce qu’il risque rapidement de faire. Je prends tout de même un instant pour tenter de calmer la douleur qui tambourine dans mon crâne. Quand je disais qu’elle n’était ni de mon côté, ni du sien, elle se contente seulement de faire ce qu’elle est censé faire, imposer les règles et s’amuser de nous voir combattre selon ses propres envies et caprices.

Je frottais l’arrière de mon crâne en espérant retrouver mes esprits. Je m’étais laissé avoir trop facilement, je m’étais cru invincible parce que j’avais réussi à le toucher, parce que j’avais prit le dessus, si peu. Je l’avais blessé et il me l’avait rendu bien comme il fallait. Je grognais, je n’avais plus l’avantage à cet instant, il lui serait si facile de me toucher, de me briser les os à l’aide de son marteau alors que je n’avais que si peu d’opportunité pour le toucher. Son pantalon et quelques endroits sur sa veste, bien trop dangereux pour que je tente de le blesser gravement, je risquerais de me louper et me poignarder tout seul. Ce combat prenait des airs de défaites et je n’avais presque plus de cartes à abaisser. J’entendais le rire de Gameline. Elle ne riait plus de lui, mais bien de moi. Elle riait face à mon désespoir, de ma recherche d’une solution et de la tournure que prenait les évènements. Quelle garce celle-là.

Ma vision se fit plus nette et enfin les effets de ma chute se firent moins puissants, le mal de crâne ne disparaîtrait très certainement pas avant un moment, mais je ne pouvais pas faire le difficile à cet instant, surtout qu’il s’apprêtait déjà à me lancer sa prochaine attaque. Je le voyais déjà préparé la trajectoire de son arme, il était doué le con, il m’aurait très certainement frappé en plein torse si je n’avais pas bougé, il m’aurait coupé la respiration d’un bon coup dans les côtes tout en m’en brisant plus d’une, mais je m’étais décaler, j’avais esquivé juste assez pour que le coup ne me renverse pas entièrement contre le sol avant de m’écraser avec douleur, malheureusement pas assez pour en sortir indemne. Je ne fus pas assez rapide pour sauver mon bras.

Le craquement qui retentit sous le coup de l’innocence résonna dans l’air où seul notre combat semblait couvrir le silence et un cri passa mes lèvres sous la sensation de l’os qui se brise. L’arme ne s’arrêta pas là puisqu’elle bloqua mon épaule douloureuse sous son poids alors que je ne sentais plus que la douleur de ce membre brisé.

« Aaah … Putain … Tu m’as eu sur ce coup … »

J’étais coincé face à lui, mon épaule ainsi que mon bras sous son marteau tentant de gesticuler pour m’extirper de sous le poids de son arme, mais la douleur dans l’intégralité de mon bras me retenait de bouger plus que nécessaire. C’était peut-être le moment de reprendre les mots plutôt que les armes, non ? Du moins pour le moment. Ma peau reprit une teinte plus pale, mes yeux leur mauve habituel alors que mes cheveux s’éclaircissaient légèrement. Peut-être que me voir sous cette forme plus humaine le ferait hésiter si jamais il avait dans l’idée de m’amocher un peu plus. Bien sûr s’il avait dans l’idée de relever son marteau pour l’écraser une fois de plus sur moi, il n’allait pas être déçu. Je ne me laisserais pas avoir deux fois de suite.

« Que comptes-tu faire de moi maintenant ? Tu comprends bien que je ne vais très certainement pas me laisser faire quoi que tu ais en tête. »

Dire que tout cela ne devait être qu’une discussion, dire que je souhaitais seulement obtenir des informations pour ma famille au sujet du meurtre de l’un des notres. Dire qu’alors que j’étais enfin prêt à faire partit de quelque chose de plus grand que seulement moi et ma solitude, je me faisais si rapidement brisé par un gamin. L’expérience est un atout que l’on oublie souvent, les ruses n’ont pas eu raison de cette différence entre nous.

La douleur dans mon bras me faisait grimacer alors que je retenais un gémissement entre mes lèvres. J’étais totalement bloqué et je n’avais pas le moyen de me dégager. Qu’espérait-il en me retenant ainsi ? Que je parle ou que je le suive bien tranquillement jusqu’à la Congrégation pour aller retrouver mes anciens patrons ? Je ne le laisserais jamais m’emmener jusque là bas, je ne sais pas ce qu’ils auraient l’intention de me faire et je n’avais pas l’intention de le découvrir alors dès qu’il soulèverait son marteau qu’importe la raison, je m’échapperais par tous les moyens. Pour le moment je n’avais aucun moyen de le faire lâcher prise, il ne me laissait pas l’atteindre, même alors qu’il venait de retirer mon arme de ma main. J’étais maintenant incapable de me défendre face à lui et la seule chose que je souhaitais c’était qu’il ne décide pas de m’achever.

« Pour le moment, je vais rester calme, ce n’est pas comme si j’avais le choix de toute façon. Mais je t’assure que dès que tu relèveras ton arme, je ne serais plus là. »

À quoi bon le nier de toute façon ? Il se doutait très certainement que je ne me laisserais pas faire comme un bon petit animal en laisse. L’attaquer une fois de plus ? Mauvaise idée. J’avais beau réussi à l’avoir toucher, il était plus puissant que moi et avec mon bras dans cet état pitoyable je n’avais pas les moyens de me défendre correctement. Un long soupir passa alors mes lèvres, c’était le moment de tenter d’obtenir le plus d’informations concernant le meurtre d’un de mes frères. Mon visage s’assombrit en repensant à cette soirée, à ce bal et à William dont je n’avais appris le nom que plus tard, sa peau mutilée pour y laisser un message.

« Tu sais, je n’ai jamais aimé la violence. Blessé les autres me dégoutte, mais maintenant que je ne suis plus humain, je suis obligé de les protéger. Comme vous entre exorcistes. »

Comme beaucoup de choses depuis ma transformation il y avait un tas de choses que je ne choisissais pas. J’avais perdu de ma liberté pour du pouvoir, mais que pouvais-je bien y faire au final ? Je n’étais pas prêt à abandonner mon Noé et la sécurité qu’il m’apportait et je n’avais pas le courage de prendre la fuite. M’opposer à cette famille ? Comme si je le pouvais avec ma lâcheté naturelle.

« Un enfant est mort. Un des nôtres, n'empêche que comme moi il reste un humain malgré le souvenir, comme Allen reste Allen malgré le 14e, comme je reste Liam malgré le Jeu. »

Je serrais le poing, oui je lui donnais des informations plus qu’il ne m’en donnait, mais que pouvais-je faire de plus au final ? Je n’avais pas les moyens de lui extorquer un nom sans parler à ce niveau là du combat.

« Il est mort sous nos yeux pendant un bal, mais ça n’a pas suffit, ils ont gravés une menace à même sa peau pour nous prévenir que ce n’était que le commencement. »

Les souvenirs du sang sur mes doigts me revint, le corps sans vie, la panique et les larmes qui avaient coulés sur mes joues. Des larmes qui ne m’appartenaient pas. Une colère et une tristesse qui n’était pas mienne et qui était pourtant bien là au fond de ma poitrine, des sentiments que je ne pouvais pas contrôler, les sentiments de Gameline qui m’avait semblé si humaine à cet instant là, ce seul et unique instant.

« Je cherche à savoir qui a pu faire une horreur pareille, alors dis moi bookman, que sais-tu ? »

Je n’avais pas les moyens de le forcer à parler, mais j’espérais vraiment qu’il le fasse de lui-même puisque je n’étais sans défense et que je m’étais confié le premier.

Mon choix ? Il m’était difficile de savoir si ce choix n’avait été fait que par moi ou si le Noé en moi m’y avait poussé. Je regretterais sûrement d’avoir écouté cet instinct au fond de ma poitrine, d’avoir répondu à cette envie de me lier à cette famille qui ne m’appartient certainement pas. Il est difficile de dire que mes faites et gestes ne sont guidé que par ma propre volonté. Il est difficile de dire que mon envie de me battre, une envie qui ne m’était jamais venu auparavant, ne soit pas conditionné seulement par le Jeu qui aime se servir de moi comme d’un pion. Qui aime me contrôler et me faire avancer comme elle le désire sur un plateau. C’est une chose qui me terrifie parfois lorsque j’y réfléchis, au fait que ma liberté n’est sûrement que feinte, que mon choix de suivre mes propres désirs n’est au fond qu’une bonne blague parce que ces désirs ne sont pas miens. Un soupire passe mes lèvres, je ne suis libre que d’être le fou de Gameline.

Ou peut-être n’était-ce qu’un choix fait par peur, peur de la solitude qui me rongeait doucement. Depuis la mort de Camélia je n’avais pas réussi à me lier à qui que ce soit et malgré toute la bonne volonté que je mettais dans ma fuite de la moindre attache, un homme n’est pas fait pour vivre seul. Peut-être était-ce plus simple de s’attacher à une famille que je possédais déjà, une famille dont les membres m’importait peu au fond plutôt que de former de vrais liens ? De m’attacher à des personnes que j’aurais réellement peur de perdre, des personnes pour qui je m’inquiéterais réellement plutôt que ma propre petite vie d’égoïste. Je n’avais jamais été vraiment doué pour comprendre ma façon de fonctionner, me surprenant moi-même de mes propres réactions de lâches face à ce que m’apportait la vie.

« L'Ordre Noir n'a envoyé aucune attaque contre les Noés durant ce bal. »

J’étais rassurée par cette nouvelle, penser que l’ordre était capable d’une telle chose me retournait l’estomac, même si des rumeurs sur des agissements bien pire tournaient bien avant que je ne le quitte, mais la réalité de cet aveu était bien pire. Si l’Ordre n’était pas coupable, alors … Lavi prononça l’option qui résonnait dans mon esprit. La menace venait de l’intérieur. C’était bien le pire scénario qui aurait pu se produire.

« C’est fort possible en effet … Même si je préférerais que se soit quelqu’un qui n’appartient pas aux deux camps. »

Une trahison signifierait la fin du peu de calme qu’il me restait en tant que Noé. Une trahison signifierait la méfiance et la peur et c’était deux choses que je n’avais pas pour habitude de garder à mes côtés. La fuite, ça semblait la meilleure option, pourtant je n’en étais pas capable et encore une fois je ne me sentais pas maître de mes actes. Cette présence qui arrivait à m’imposer ses choix en me laissant pourtant croire que ceux-ci étaient miens.

« Pourtant ne crois pas que cela va rendre notre camp plus faible, un animal qui a peur est un animal qui devient agressif et c’est là qu’il devient le plus imprévisible et donc le plus dangereux. »

Je n’avais aucune idée des conséquences qui allaient survenir après ce meurtre, on ne savait rien et c’était bien ça le problème à l’heure actuelle. Personne ne semblait savoir ce qu’il se tramait. Si cette ennemi que le nôtre ou bien si les exorcistes allaient eux aussi être viser et même si Lavi ne voulait pas le montrer, il ne semblait pas en savoir plus que moi sur ce meurtre ou sur l’acteur qui nous épiait en secret.

« Bon maintenant qu’on a bien discuté, tu vas me relâcher, me tuer ou tenter de me kidnapper ? »

Je n’avais rien de plus à lui demander après tout. Il n’en savait pas plus que moi.

J’étais coincé. Pourtant même si je donnais l’impression d’avoir abandonné le combat, il n’y avait aucune chance pour que je le laisse me tuer. J’étais un lâche, il le savait et ma vie était la chose la plus précieuse que j’avais à protéger. Maintenant que je savais qu’il n’avait rien à m’apprendre sur l’incident du bal, je n’avais plus rien à faire ici, le blesser plus ne servirait à rien et ce n’était pas une chose que j’appréciais plus que ça. Je n’avais jamais aimé me battre et Gameline n’avait rien changé à cette partie de moi, même si à présent j’étais obligé de le faire. Pourtant la réaction de Lavi me surprit plus que je ne l’aurais cru. Il ne comptait rien faire de moi, même pas essayer de me capturer pour me ramener à Central. Un sourire pris mes lèvres alors que je fermais les yeux. Avais-je enfin un peu de chance ?

“On dirait bien que c'est ton jour de chance. Mais un conseil : si tu tiens à ta vie, reste comme tu étais avant. Ne t’implique pas plus.”

Ne pas m’impliquer ? Ca semblait si facile à dire et pourtant impossible à faire. Le Jeu me poussait à le faire, elle voulait vengeance et elle ne se gênait pas pour se servir de moi afin de l’obtenir, ma tranquillité dépendait de la réponse à la question que j’étais venu lui poser. J’étais un Noé, je n’étais plus un simple humain, ce n’est pas comme si même si je le souhaitais, j’avais le choix de m’éloigner de cette nouvelle vie.

“Et est-ce que toi, en tant qu’exorciste tu as le choix de te battre ? Alors qu’au fond tu n’es pas censé t’impliquer puisque tu es un bookman.”

Il devait connaître mieux que n’importe qui ce problème, la limite entre l’implication et la neutralité. Il est impossible de dire si on continue d’agir par simple devoir ou parce qu’on en ressent le besoin. Cela ne dépend que d’une chose : la volonté. Est-ce que l’on veut se battre parce qu’on en ressent le besoin ou parce que nous y sommes obligés ? Pour moi ça n’était pas clair, parce que je ne savais rien de ce que j’étais devenu. J’avais compris le plus important : j’étais devenu immortel et surhumain. Pourtant malgré ça, le fait de devenir noé ressemblait bien plus à une malédiction qu’à une aide.

“J’ai toujours plaint les exorcistes que je voyais à la Congrégation, parce que même s’ils sauvent le monde et toutes ses conneries, ils n’ont jamais eu le choix. Ils s'habituent peut-être à cette vie et on leur laisse peut-être croire qu’ils ont le choix, mais ils ne l’ont jamais. Comment crois-tu que c’est pour nous, les Noés ?”

Pas le droit d’être libre. Pas le droit d’être lâche. Rien qui ne correspond à la vie que j’avais souhaité. Lavi pourtant ne répond rien, je n’attendais pas vraiment de réponse de sa part après tout, mais il rétrécit alors son marteau et s’attendant sûrement à ce que je l’attaque une fois de plus. Ce que je n’aurais pas fait, mais je ne peux pas vraiment lui en vouloir d’être méfiant, nous venons de nous battre après tout. Je reçois un coup de maillet sur le crâne et je tombe. Je suis trop fatigué pour tenter de m’enfuir et puisqu’il me laisse une chance de le faire plus tard, je me laisse faire. Autant le laisser gagner ce combat, maintenant que j’ai ma réponse, je n’ai besoin de rien de plus.