INTRIGUE - Déroulement et Rédaction

Cela faisait maintenant plusieurs heures que l'Innocence faisait des ravages. Pourquoi s'était-elle éveillée si brusquement ? Était-ce une façon de se protéger ou de faire fuir ses ennemis ? Ou alors, une façon de dissuader les exorcistes de s'en approcher de trop près ? Avait-elle senti la menace des apôtres de Noé avant même qu'ils ne se rendent sur place ? Tant de questions, et si peu de temps pour y répondre. Tout ce que vous saviez, c'est que les éléments ainsi déchaînés n'étaient pas en votre faveur.

La tempête continuait de faire rage. Des vagues immenses se dressaient devant les embarcations avant de s'abattre violemment sur elles, brisant parfois une partie du navire. Le vacarme qui accompagnait cette démonstration sans précédent de la puissance de la nature était insoutenable ; vous plongeant comme au cœur d'un orage redoutable et meurtrier. Et vous ne saviez pas vraiment lequel des deux était le plus dangereux, à cet instant : subir la colère de la foudre, ou celle du cristal divin. A l'un comme à l'autre, vous saviez qu'il était impossible de vous y soustraire : apôtre de Noé ou exorciste, vous aviez choisi de vous rendre en ces lieux ; et vous retrouviez désormais pris au cœur d'un terrible piège. L'Innocence n'était amie de personne : elle ne luttait que pour sa propre survie, semblant ne faire aucune distinction entre ses ennemis et ses alliés.

Ça ne la rendait que plus dangereuse, plus terrifiante. La puissance de ses déferlantes n'épargnait rien sur son passage. Les bateaux endommagés se retrouvaient renversés, brisés en mille éclats de bois, eux-même projetés tels de redoutables missiles à chaque fois que la mer se soulevait de colère.

La situation devenait de plus en plus compliquée pour vous, peu importe le camp pour lequel vous vous battiez. A mesure que le temps passait, vos chances de vous en sortir indemne s'amenuisaient. Il était devenu impossible pour vous de vous battre dans ces conditions... Ce qui s'était annoncé comme un nouvel affrontement qui marquerait l'histoire de la Guerre Sainte s'était transformé en une lutte pour la survie ; et vous comptiez bien être là pour le raconter.

Et soudain, un flash. Aveuglant, perçant l'obscurité des nuages, accompagné d'un bruit que vous n'aviez jamais entendu jusque là.

Et puis rien. Plus rien.

L'espace d'une seconde, tout s'était arrêté. C'était comme s'il ne s'était rien passé. La mer avait aussitôt cessé d'être agitée, redevenue paisible ; aussi calme que le ciel était bleu ; aussi sereine que le soleil brillait haut au dessus de vous.

Le silence s'abattit brusquement sur le triste champ de bataille ravagé ; et aucun de vous n'osa le briser. Vous ne compreniez pas. Que venait-il de se passer ?

Ces mots étaient tous passés au moins une fois dans vos esprits, que vous en soyez conscients ou non. Ce qui devait être une simple mission avait bien vite tourné au cauchemar, sorte d’Apocalypse sur terre dont les Noahs avaient été l’apothéose. Il y avait eu un combat, et comme tout combat, certains de vos camarades étaient tombés. Mais il n’y avait pas le temps de les pleurer. Il n’y avait pas le temps de penser à autre chose qu’à votre survie. Il fallait gagner ce combat, par tous les moyens. Alors vous aviez serré les dents et vous aviez continué de frapper, encore et encore.

Et, sans que vous ne compreniez totalement, tout avait pris fin. Vos ennemis étaient partis et l’Innocence avait disparu. Mais aviez-vous gagné pour autant ? La plupart des bateaux n’étaient plus que de vulgaires planches, flottant à la surface de l’eau. Eau qui par endroit se teintait de rouge. Il n’y avait pas que les akumas qui avaient fait des victimes, l’Océan abritant lui aussi de nombreux prédateurs. Tout n’était plus que carnage et désolation.


Que faire maintenant ? A quel espoir se raccrocher ? Vous étiez perdus en plein milieu du Pacifique, loin de la moindre aide. La majorité de vos camarades ne pouvait survivre au voyage de retour. Pouvaient-ils seulement survivre quelques heures ?

Mais l’espoir ne vous a pas quitté pour autant. Et cette fois-ci, il s’est caché sous les traits du Petit Rusty O’Connor. Grâce à son Innocence, il a pu vous ramener des vivres mais surtout l’Exorciste Miranda, qui vous aidera à voyager jusque la Congrégation. Elle ne peut pas vous faire aller plus vite, elle ne peut pas tous vous soigner comme par magie. Mais elle peut vous maintenir en vie suffisamment longtemps pour rentrer.

Car c’est ce qu’elle apporte : Le Temps. Le temps de vous remettre de ces horreurs. Le temps de panser les blessures de l’âme. Le temps de pleurer vos camarades. Le temps de rire avec les survivants. Le temps de souffler un peu. Le Temps de Vivre.

Le combat est fini, oui. Mais la guerre fait toujours rage. Alors profitez de tout ce temps entre vos mains. Vivez tant que vous le pouvez encore. Car bientôt, il faudra retourner en mission. Bientôt, il faudra survivre.

Debout dans son bureau, Komui fait les cent pas, téléphone en main. Il est inquiet, et pour cause : le peu d'informations qu'il a reçu concernant l'état d'avancement de la mission ne sont pas celles qu'il espérait. Les nouvelles ne sont pas bonnes et surtout, les nouvelles se font trop rares. La liaison refuse de se faire avec la quasi-totalité des golems, et le peu qui lui est parvenu ne le rassure pas : les embarcations sont détruites, de nombreux blessés sont à déplorer, et il n'est même pas en mesure d'évaluer la véritable ampleur des dégâts. Il n'ose pas penser aux pertes humaines ou, plutôt, refuse de l'admettre. Car au fond, il le sait : pour beaucoup, ce voyage aux Bermudes était un aller simple.

Au bout du fil, c'est Bak qui tente de le rassurer, en vain. Ses propres équipes font le maximum pour tenter de joindre l'équipage et d'avoir quelques nouvelles. S'il cherche à faire preuve d'optimisme, lui même est rongé par l'inquiétude. Et entre les deux intendants, il n'y a qu'un long silence, lourd et pesant. Les mots sont inutiles.

L'anxiété se lit aisément sur les traits du visage de Komui, fermé et crispé. Il réfléchit. Et il est en colère, contre lui-même : son plan devait être parfait. Les choses n'auraient pas du se passer comme ça. Comment les apôtres de Noé pouvaient-ils être au courant ? Ils avaient une longueur d'avance, il en était certain. Alors comment ? Qu'a t-il négligé ? Y avait-il un traître parmi les partisans de l'Ordre auxquels il a fait appel ? Il doit comprendre son erreur, afin de ne plus la reproduire. Mais avant tout...

Il doit trouver un moyen, une solution... Il doit les sortir de là, et vite. Peu importe l'Innocence désormais. Trop de vies sont en jeu.

Soudain, comme par miracle ; des grésillements lui parviennent depuis sa boucle d'oreille.

« M-Monsieur Komui.. »

Son coeur rate un battement. Cette voix, il la reconnait.

« Rusty ? Dieu soit loué... Rusty, tu m'entends ? »

La transmission est mauvaise, mais les quelques mots de l'enfant lui parviennent.

« On.. on a de nombreux blessés ici, je.. »

« Des blessés graves ? "

« Ce-certains graves et.. »

« Rusty, calme-toi. Ca va aller. On est là maintenant. Rusty, tu m'entends ? »

« O-Oui je.. je vous entends. »

« Très bien. Alors écoute... Je vais avoir besoin de ton aide, Rusty. Est-ce que tu as la force de bouger ? »

La réponse mais du temps à lui parvenir, et chaque seconde est un véritable supplice. De l'autre côté, c'est Bak qui reprend la parole, et demande à Komui de lui transmettre la liaison entre Rusty et son téléphone. Il veut lui parler. Le grand Intendant accepte, et fait le nécessaire.

« Je.. Je crois pas mais.. mais j-je vais essayer. »

« Rusty, tu m'entends ? C'est Bak à l'appareil. Tu veux bien faire quelque chose pour moi ? »

« Ah, Bak ! Vou-... euh, ou-oui ? »

« Tu te souviens de ce que je t'ai dit la première fois que je t'ai rencontré ? Que tu as la force de changer les choses, si tu le souhaites suffisamment fort. Moi, je ne peux rien faire... Mais toi, Rusty, tu peux tous nous sauver. Tous. »

« Je.. ... » Un silence, intenable. « Je me souviens, mais.. mais.. j-je ne sais pas quoi faire pour.. pour les aider. P-Pour vous aider. »

« Tu es capable de te téléporter ici, n'est-ce pas ? Au quartier général, je veux dire. Alors voilà ce que tu vas faire : à l'infirmerie, Miranda t'attend, prête à partir. Amène un blessé avec toi afin qu'il soit pris en charge au plus vite. Tu me suis ? »

« O-Oui, je vous suis mais.. je.. je ne sais pas si.. si j'ai en-encore la force de faire ça. »

« Ne t'inquiète pas, Miranda sera avec toi. Grâce à son Innocence, elle pourra rendre leur état d'origine aux embarcations, et annuler temporairement vos blessures et votre fatigue. Ainsi, tu pourras ramener les plus blessés, un à un. Et quand tout sera terminé, les infirmières s'occuperont de toi. Tu seras entre de bonnes mains, c'est promis. »

« P-Promis ? »

« Promis. Quand tu te réveilleras, nous serons tous là pour t'accueillir, grâce à toi. Et, toi et moi.. on ira manger une glace à deux, d'accord ? Et on fêtera le plus beau Noël que l'Ordre Noir n'ait jamais fêté. Alors, tu es prêt ? »

« Je.. ... Oui. Je.. Je vais le faire. »

« Merci, Rusty. Tu vas y arriver, fais-moi confiance. Car, nous.. on te fait tous confiance. »