i'm blinded by the lights
the city's cold and empty, no one's around to judge me
Tu aurais pu t’endormir aisément, tant le fauteuil que tu considères comme tien à présent est confortable. Mais ce serait là manquer de respect à ta charmante sœur. Tu sais qu’Adelheid ne t’en tiendrait pas rigueur, qu’elle te laisserait ronfler doucement sur le fauteuil si tu te laissais aller. Adelheid est trop douce et aimante, Adelheid est ce que tu considères comme la sœur parfaite. La sœur parfaite que tu ne mérites vraiment pas, mais que tu as malgré tout obtenu. Tu es terriblement chanceuse, Wil. Et tu uses et abuses bien trop souvent de cette chance, tu le sais. Alors, discrètement, l’air de rien, tu fais de ton mieux pour lui faire parvenir toute cette affection et ce respect que tu lui portes. Tu fais de ton mieux même si la tâche ne t’est pas aisée. Aussi pudique que maladroite, exprimer ce que tu ressens ne t’a jamais été facile. Mais, encore une fois, Adelheid est douce, patiente. Tu ne sais pas bien ce que tu as fait pour mériter sa présence dans ta vie, mais tu ne vas pas t’en plaindre. C’est à demi-mots que tu lui avoues que tu es venue la voir pour tromper l’ennui, que tu as décidé de lui rendre visite juste parce que tu en avais envie. Cet avoeux pèse bien lourd sur ta langue, comme une déclaration solennelle d’un amour profond. Ton coeur bat la chamade contre tes côtes, tu n’en laisses rien paraître. « Ça me fait plaisir que tu sois venu me voir, en tout cas. Tu peux passer quand tu veux, ta compagnie sera toujours la bienvenue. » Addie ne te voit pas rougir, alors qu’elle porte à nouveau son attention sur les bouts de papier disposés sur son bureau. Instinctivement, tu passes une main sur le bas de ton visage pour tenter de dissimuler les couleurs de celui-ci.
(Tu n’es qu’une gamine paumée, quand il est question de sentiments.)
(Ça t’horripile, parce que tu aimerais être aussi digne et libérée que ta sœur.)
(T’es vraiment qu’une sale gosse.)
C’est d’un regard fatigué, presque las, que tu l’observes s’occuper. Tu restes silencieuse pendant quelques longues secondes, avant de lui avouer sans détours qu’elle est l’une de tes favorites, parmi tous les Noés. Une telle déclaration ne t’est pas caractéristique, pourtant tu n’as pas pu la ravaler. Il est important qu’Addie sache, qu’elle connaisse la profondeur de tes sentiments à son égard. Coeur palpitant, mains moites et toujours cet air de rien. L’hôte du Châtiment relève les yeux sur ta petite personne, un petit sourire touché dansant sur ses lèvres. « Cela me va droit au coeur, Wil. » Tu ne lui réponds rien. Tu la sais sincère et tu ne sais que faire d’une telle franchise. À la place, tu hausses les épaules nonchalamment, laissant ton regard s’égarer sur un point par-dessus l’épaule de ta compatriote allemande. Quand elle te propose un verre de vin, tu t’empresses d’accepter. Ce n’est pas la soif qui t’accable, mais le besoin d’occuper tes doigts engourdis. La belle se lève pour aller chercher la bouteille et un verre. Tu attrapes ce dernier, laissant la jeune femme te servir dans un geste fluide né de l’habitude. Tu observes le liquide carmin s’agiter au fond de ton verre, puis tu portes à nouveau ton attention sur ta compagne du moment. Quand elle se rassoit après s’être servie un nouveau verre, tu la vois signer quelques papiers. Tu la contemples curieusement, puis tu l’interroges sur ce qu’elle fait, ta curiosité se faisant trop grande. « Eh bien, ce sont des papiers en rapport avec ma fonction. Je dois lire et signer divers rapports, écrire des lettres pour en demander d'autres, pour demander certaines expertises. J'ai le droit à des rapports tous les jours sur les différents évènements qui se sont passés dans tout le pays, sur divers sujets, et j'en prends des notes pour mes réunions avec l'Empereur et le Chancelier. » Ugh. Tu lèves les yeux au ciel, la tâche te semblant tellement ennuyeuse et ardue pour pas grand-chose. Tu n’en dis rien, cependant, peu désireuse de dénigrer le travail de ta chère sœur. « Très barbant, je le conçois. » Tu ris doucement. Ta réaction n’a certainement pas échappé à son œil attentif. Tu hausses un sourcil taquin, un sourire affectueux sur tes lèvres. « C’est toi qui l’as dis, Addie. » souffles-tu doucement.
(Tu es si douce que tu ne te reconnais pas.)
(Tu es ébranlée par celle que tu es en cet instant.)
(Tu ne te reconnais pas.)
Finalement, elle lève son verre dans ta direction. Elle attend patiemment que tu retournes son geste, pour trinquer avant de boire. Doucement, tu fais tinter ton verre contre le sien. « À ta santé, Wil. » qu’elle dit sobrement. « Santé. » lui réponds-tu d’une voix un peu tendue, les douleurs de ton corps meurtri s’étant réveillées quand tu t’es penchée dans sa direction. Tu bascules vers l’arrière afin que la quasi totalité de ton poids repose sur le dossier moelleux du fauteuil, faisant mine de rien. Pas une grimace, pas un bruit de mécontentement. Tu bois une gorgée de ta boisson, laissant l’alcool se répendre rapidement dans ton gosier. Quelques battements silencieux, puis tu prends à nouveau la parole. « Comment vas-tu ? » lui demandes-tu d’un ton sérieux. Tu ne sais comment aborder la chose sans brutalité, sans cette violence qui te caractérise tant. Comment vas-tu, depuis Edimbourg ? est ce que tu veux lui demander réellement, sans toutefois posséder les mots pouvant adoucir ton interrogation. « Je n’ai pas eu l’occasion de te le demander, la dernière fois. » La dernière fois, c’était au retour d’Édimbourg, en coup de vent. Tu lui as à peine adresser un coup d’oeil, préoccupée par tes blessures à panser, par ta rage à étouffer.
adelheid von rosenwald hello sister