Come What May •• [Pv. Wisely Kamelot]

Souvenirs

" Nous avons les souvenirs que nous méritons."

Et me voilà, là, enfin, prête à faire face à mon destin ou à ce qui s'y ressemble le plus. Ma mission au Danemark est terminée, et je vais enfin pouvoir revoir Wisely de nouveau. Enfin, s'il veut bien venir jusqu'à moi après tout ce que je lui ai fais. Je comprendrais qu'il ne veuille pas, et je comprendrais aussi que l'ennemi vienne me faire face pour me tuer une bonne fois pour toutes ; en réalité, je crois que c'est vraiment ce qu'il risque de se passer. Pourquoi viendrait-il me voir ? Pourquoi voudrait-il m'aider ? Il n'y a aucune raison qu'il le fasse, mais il a toutes les raisons de m'envoyer des Akumas et des descendants de Noé pour m'abattre. Je suis prête à affronter cette éventualité, je suis.. je crois que je suis prête à mourir une bonne fois pour toutes.


Comme prévu, la jeune femme s'était rendue au Danemark pour sa mission, et une fois de plus, elle s'était occupée de terrasser des Akumas afin de ramener le calme dans la ville. C'était son boulot de soldat, et elle le faisait depuis des semaines maintenant, sans jamais rechigner, sans jamais se plaindre, sans jamais lever la voix : toujours en prenant sur elle, malgré l'absence de souvenirs et ses os brisés par les combats. Que lui restait-il aujourd'hui ? Plus rien, si ce n'était des plaies pensées et des petits morceaux de souvenirs par-ci par-là ; rien d'important, si ce n'était des visages ou des noms qui n'allaient pas ensembles. Et c'était de pire en pire.

Qui était cette jeune femme brune à l'air strict et pourtant si chaleureux en même temps ? Qui était Henri, ce nom qui lui revenait de temps à autres à l'esprit ? Pourquoi la mort de cette compatible en fuite lui pesait parfois sur la conscience alors qu'elle ne la connaissait même pas ? Pourquoi continuait-elle de faire des cauchemars sur ce montre dans la nuit qui dévorait tout presque tout - l'espoir, la vie, les lumières - pour ne laisser qu'un profond regret dans sa poitrine au petit matin ? Et lui avec son air de peintre ? Et Elsje ? Et cet homme qui râlait et qui buvait ? Et Sirius ? Et tous ces lieux, toutes ces scènes, toutes ces choses qui lui fracassaient le crâne avant de disparaître ? Rien, Nora n'avait pas la moindre idée de tout ce que c'était ; et c'était à cause de ça qu'elle s'était lancée dans une quête un peu folle, dans cette mission suicide qui lui couterait sans doute la vie. Enfin, de toutes façons, sans doute vous aurait-elle dit 't'façon si j'n'essaye pas j'en crève'. Alors, mieux valait mourir en tentant de comprendre ce qu'il se passait autour d'elle.

Le gentil petit soldat de plomb était alors sorti des rangs, bien débarrassé de ses bandages et de ses plâtres, comme si rien n'était jamais arrivé, comme si elle venait tout juste d'arriver parmi ses camarades ; parce que c'était ainsi qu'elle devait être, parce que c'était ce qu'on lui avait apprit. Mais, était-elle vraiment ainsi au fond de son cœur ? Qu'avait bien pu être Nora Lockwood, celle qu'on appelait encore parfois la Vagabonde ? Avait-elle vraiment un bon fond, une âme qu'on aurait pu apprécier à sa juste valeur ? Ou n'était-elle que l'échec que lui avait peint Central ? La vérité ferait mal dans tous les cas : l'un, parce que cela voudrait dire qu'elle aurait perdu celle qu'elle était avant à tout jamais, et l'autre qu'elle avait véritablement été un monstre. Génial, vraiment. Mais au moins, l'Âme Errante saurait une bonne fois pour toutes ce qu'elle avait été par le passé.

Enfin, pour cela, il fallait déjà que son invité daigne bien venir à leur rendez-vous ; et après que la Lockwood ait manqué de le tuer il y a plus de deux mois de cela, elle aurait tout à fait compris qu'il ne veuille pas se montrer, ou qu'il tente tout simplement de l'éliminer. Sans doute le méritait-elle après tout ce qu'elle avait fait, après ce qu'elle avait fais à Cyclamën mais aussi à lui, à Wisely. Pourrait-elle seulement être pardonnée un jour ? Peut-être pas. Est-ce qu'elle le voulait seulement ? Peut-être pas. En vérité, la française ne savait plus vraiment ce qu'elle désirait. La vérité ? Le bonheur ? Quelque chose d'autre encore ? L'amour ? N'importe quoi. Vraiment ? Il lui avait dit qu'il l'aimait, sans doute l'avait-elle aimé aussi. Mais maintenant ? Sa tête était juste vide, et désormais, elle n'avait plus qu'à attendre dans la neige et dans le froid.

Comme ce triste jour à Londres, la jeune femme s'était alors parée de sa tenue d'exorciste et de sa longue cape noire ; pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de serrer les dents et de greloter à cause du froid. Sans doute était-ce à cause de la rivière gelée qui lui faisait face, et de ces vents glacés qui lui dévoraient le visage. Qu'allait-elle pouvoir dire au Télépathe ? Qu'elle était désolée ? Qu'elle était prête à l'écouter maintenant qu'elle avait tenté de le tuer et échoué ? C'était risible. Devait-elle l'inviter à manger quelque chose et de discuter de tout ça au chaud ? C'était ridicule.

Enfin, sans doute ne viendrait-il jamais.

Retrouvailles

" Les retrouvailles sont des phénomènes si complexes qu'on ne devrait les effectuer qu'après un long apprentissage ou bien tout simplement les interdire."

Pendant un long moment, tout ce ne fut qu'un terrible silence assourdissant. Vous savez, ce drôle de son que l'on entend - ou pas, justement - lorsqu'il neige et qu'il n'y a personne autour de vous ? Eh bien c'était cela. Une drôle de mélodie fantôme qui finit néanmoins par être brisée par des sons bien vivants. Des bruits de pas. Crack, crack. Pauvre neige, écrasée sous des souliers à l'épreuve du froid. Mais ce n'était pas n'importe quelles chaussures, ça, non. Enfin si, qu'importait les chaussures, mais la personne qui les portait, elle, n'était pas n'importe qui. Ça, l'ancienne bohème en fut convaincue dès l'instant même où elle se décida à se tourner, et que son regard croisa, l'espace d'une seconde, celui du descendant de Noé. Il était là, il était venu. Wisely avait bien reçu sa lettre, et s'était décidé à venir à sa rencontre malgré tout ce qu'elle lui avait fait subir. Comment avait-il fait pour accepter une telle folie ? La Lockwood aurait très bien pu lui mentir. Mais non, bien sûr que non, ce n'était pas le cas.

Nerveusement, une boule se forma alors dans la gorge de la française, tandis qu'elle se fit violence pour ne pas glisser ses mains sur son bras anciennement fracturé. Non, aujourd'hui n'allait pas se terminer de la même manière.. tout du moins, elle l'espérait.

" Wisely. " le salua-t-elle à sa manière - pas à celle de Nora, la vraie elle - tout en gardant son sang-froid comme on lui avait si bien apprit, " Je ne pensais pas que tu viendrais. "

Au moins, c'était dit. Enfin, le Télépathe avait déjà du s'en rendre compte par lui-même s'il s'était donné la peine de lui sonder l'esprit. La jeune femme ne s'était pas fait de faux espoirs en arrivant aussi. Au contraire, elle s'était déjà préparée à rentrer à la Congrégation de l'Ombre sans aucune réponse à toutes ses questions. Cela aurait pu se terminer comme ça. Peut-être que ça aurait été mieux qu'il ne vienne pas. Peut-être qu'il était venu ici pour l'achever. Bah, tout ceci n'avait plus d'importance maintenant. Si elle devait mourir aujourd'hui, Nora était prête. Qu'importe ce qu'elle laissait derrière elle. Et Charly dans tout ça ? Elle n'y pensait même plus. La bohème n'aurait pas abandonné Charles, pas après la mort d'Ellie - non, jamais ! - mais elle n'était plus elle. Elle ne l'était pas encore redevenue. Alors, là, pour le moment, qu'importe ce qui pouvait bien arriver.

Ce fut donc avec un pauvre sourire que la brunette accueillit son interlocuteur. Ah ! Il était difficile de croire qu'il y a deux mois à peine, la combattante avait bien faillit le tuer. Sans doute était-ce pour cela que l'Âme Errante était désormais bien incapable de le regarder dans les yeux. Est-ce qu'elle avait honte ? Oh, elle n'en avait pas la moindre idée.

" Mon golem est cassé. " fit-elle en le sortant de sa poche, " Je, hum, je l'ai cassé, pour que l'Ordre Noir ne se pose pas de questions si je venais à l'éteindre de moi-même. Je les ai prévenus par téléphones ils - personne d'autre ne viendra. "

Autrement dit : ce n'était pas un piège. Mais ça, il avait déjà du le lire dans ses pensées pas vrai ? Le Télépathe devait déjà se douter de tout ça grâce à ses pouvoirs. N'est-ce pas ? A moins qu'il ne lui fasse confiance sur ce point. Non, il ne pouvait pas lui accorder sa confiance, pas après ce qu'elle lui avait fait subir. Certes, là, il semblait bien se porter mais.. non, non, mieux valait ne pas penser à tout ça. Ce qui était fait était fait. Il était un descendant de Noé, et elle une exorciste. C'était son devoir de soldat de l'affronter. Elle devrait le faire, là, vraiment ; mais non, non. Ce n'était pas pour ça que la jeune femme l'avait fait venir. Elle ne pouvait pas obtenir de réponses en l'attaquant ; elle ne pouvait pas trahir son ancien elle une nouvelle fois en le faisant.

Alors, finalement, la parisienne reporta son attention vers son interlocuteur. Que devait-elle faire ? Lui demander directement de l'aider ? Non, ce n'était pas une bonne idée. Nora avait quelque chose de plus important à faire. Quelque chose qu'elle avait déjà dit dans sa lettre, mais qu'elle se devait de refaire à présent. En face. Pour montrer que ses paroles étaient sincères.

" Je suis désolée.. " souffla-t-elle d'un ton amer.

Amer ? Mais envers qui ? Lui ? Non. Elle-même ? Sans doute. Elle ne savait pas exactement. La colère était là, enfouie, mais Nora ne savait pas encore à qui l'adresser.

Quelles tristes retrouvailles.

Secret

" Seul survit le cœur secret."

Bien sûr qu'elle lui avait demandé de venir, pour qu'il puisse lui venir en aide ; mais vraiment, Nora ne s'était pas attendue à ce que l'apôtre daigne bien lui accorder sa présence. Après tout, elle avait tenté de le tuer. Ce n'était pas logique qu'il vienne comme ça, sans être accompagné d'autres membres de son clan, ou bien encore d'Akumas. Qui sait, il y en avait peut-être tout autour d'eux, cachés dans la neige, prêts à protéger leur maître ? N'importe quoi, c'était risible comme pensées. Si Akumas il y avait, ils avaient plus de chance d'être dissimulés dans des bâtisses que dans un tas de neige. A moins qu'ils ne soient dans le lac gelé ? Bien sûr. Comme s'ils avaient attendu des semaines là dans l'eau glacée, prêts à protéger leur maître au vu de cette rencontre dangereuse. Il fallait que la Lockwood se détente un petit peu. Après tout, c'était elle qui avait organisé cette rencontre, pas vrai ? Et puis, elle s'était également préparé à mourir aujourd'hui alors, mieux valait arrêter de s'inquiéter pour tout et rien, puis espérer que sa mort serait rapide. Si mort il y avait.

Heureusement, pour le moment, si elle se fiait aux paroles du Télépathe il n'y avait aucun danger dans les parages. Lui non plus ne semblait pas avoir prévenu les siens de son départ. Toutefois, lui comme elle pouvaient être retrouvés à tout moment par leur camps respectifs et si cela arrivait.. oh, cela ne finirait sans doute pas bien, pas bien du tout même. L'Âme Errante ne s'en doutait pas encore mais, à choisir, elle aurait sans doute préféré voir le Comte Millénaire que l'un des chiens de Central. Mieux valait mourir de ses mains que de finir entre leurs griffes et leurs crocs à eux. Eh, on avait pas dit qu'on arrêtait de penser à tout ça un peu ?

" Tout n’était pas de ta faute. " lui avait-il affirmé sans l'ombre d'un doute, " .. tu as agis comme tu devais agir, j’imagine. Et puis, je ne sais pas trop à quoi je m’attendais. C’était idiot de penser que tu pourrais redevenir la Nora d’avant, juste comme ça. Alors moi aussi je suis désolé. "
" La Nora d'avant.. "

Face à ces quelques mots soufflés, la jeune femme ne put s'empêcher d'afficher un certain sourire. Mécanique, comme bien souvent, mais également nerveux. La Nora d'avant. Qui était-elle réelle ? Celle d'aujourd'hui n'aurait su le dire, tant on lui avait dit des choses diverses et variées à son sujet. Ah ! Rien qu'à cette pensée, la brunette ne put s'empêcher de lever une main au niveau de son crâne pour y crisper ses doigts. Là, oui juste là où l'autre lui avait brisé les os.

" On m'en a fait tellement de portraits différents que je ne saurais même pas la décrire correctement. " siffla-t-elle ensuite, " Enfin - me décrire. "

Que c'était étrange de parler de quelqu'un qui avait été elle un jour, mais qui n'était désormais qu'une étrangère à ses yeux. Comme Wisely, comme Gwenaëlle, comme Alexander, comme Sofia, comme Charles, comme Cyclamën, comme tout le monde qu'elle croisait et qui l'avait un jour connue. Sauf qu'avec Nora la Vagabonde, c'était encore pire. Après tout.. Nora la combattante n'avait aucun moyen d'apprendre à la connaître, si ce n'était par le biais du Télépathe.. et en disparaissant pour toujours. Apprendre la vérité sur l'autre, c'était dire au revoir à ce qu'elle était aujourd'hui. Était-elle prête à le faire ?

" Dis moi juste, au sujet de ce que tu disais dans ta lettre.. est-ce que tu étais vraiment sérieuse ? Tu es sûre de vouloir retrouver tes souvenirs ? " lui demanda-t-il ensuite, avant de laisser passer un court instant de silence, " Et tu penses que je pourrais t’y aider ? "

Sortie de ses pensées, la parisienne frigorifiée ne tarda pas à se redresser et à retirer ses doigts de son crâne. La question résonna à nouveau dans ses oreilles. Était-elle prête à le faire ? A retrouver tout ça ? A s'oublier elle-même ?

" J'étais sérieuse, oui, et je pense encore tout ce que j'y ai écris. " fit-elle avec une conviction nouvelle, mais également éprise d'une certaine crainte, " S'il y a bien quelqu'un qui peut arranger tout ça.. c'est bien toi. "

Ah ! Dire qu'il y a deux mois seulement la Lockwood avait refusé tout contact avec le Télépathe. Il fallait croire que la souffrance faisait changer les hommes.. ainsi que les violents flashs de souvenirs et une conversation avec un autre descendant de Noé, ça, oui. La jeune femme n'avait pas oublié sa rencontre avec Bonnie ; Nora n'avait pas oublié que le monstre n'était pas toujours celui qu'on croyait. Monstre des uns, sauveurs des autres. La bonne blague.

" Depuis que tu.. " ne tarda-t-elle pas à reprendre, avant de se couper immédiatement pour se corriger, " Depuis que je t'ai attaqué, et que tu t'es défendu, je n'ai eu de cesse d'être hanté par des souvenirs que je n'arrive pas à interpréter : des noms, des flashs, ou encore des scènes. J'y ai vu certains de mes camarades de l'Ordre Noir, mais aussi tout un tas de personnes étrangères et.. hostiles. D'autres moins. Et avant ce jour, cela ne m'était encore jamais arrivé. "

Suite à cette tirade, l'Âme Errante finit alors enfin par planter son regard dans celui de son interlocuteur. Même épuisée et brisée, cette même lueur combative du parfait petit soldat qu'elle était censé être brillait dans ses yeux. Elle n'avait décidément plus le même regard que la bohème. Pas encore. Peut-être. Un jour. Aujourd'hui ? Grâce à lui. Qui sait ?

" Je suis convaincue que c'est grâce à toi que tout ceci m'arrive. "

Pourtant, malgré tout ce que Nora pouvait dire, quelque chose dans ses paroles et ses pensées continuaient d'incriminer le descendant de Noé pour ce qui lui arrivait.

Ce n'était pas grâce à lui, c'était à cause de lui.

XXXXX

" Même sans xxxxx, la lutte est encore un xxxxx."

Elle était prête à sauter le pas, ça, elle en était convaincue ; à moins que cela ne soit qu'un énième mensonge de plus que Nora se faisait à elle même. Était-ce vraiment une bonne chose ? Devait-elle redevenir celle qu'elle avait été ? La réponse semblait évidente à ses yeux : oui. Qu'importe ce que la Vagabonde avait pu être par le passé - une clocharde, une chanteuse de cabaret, une alcoolique, une serveuse dans un bar ou que sais-je encore - elle devait forcément être mieux que ce que la brunette était aujourd'hui. Peut-être qu'elle était une traîtresse aux yeux de la Congrégation de l'Ombre, mais au moins.. au moins elle était en vie. Bien plus en vie que ce qu'elle n'était actuellement. C'était quitte ou double. Soit le Télépathe allait en profiter pour lui régler son compte une bonne fois pour toutes, soit il était réellement une personne digne de confiance à ses yeux et il l'aiderait à redevenir elle-même. Soit cela ne marchait pas. Soit elle mourrait pendant ce sauvetage. Mais ça, ces options-là, l'exorciste ne préférait même pas y penser. Elle devait s'accrocher à quelque chose de plus positif ; mais quoi ? Cela devait avoir un nom mais.. impossible de remettre le mot dessus. Bah, ce n'était pas très important pour le moment.

Ce qui l'était, c'était les paroles du britannique : il n'avait jamais fais ce genre de choses auparavant, n'avait jamais tenté de raviver des souvenirs bloqués de la sorte. Ah, au moins il avait le mérite d'être honnête avec elle. Cela faisait froid dans le dos. Qu'est-ce qui se passerait s'il ne parvenait pas à briser les murs érigés à l'intérieur de son esprit ? Deviendrait-elle folle à force d'être harcelée par ces flashs et ces souvenirs ? A moins que ce ne soit le manque de sommeil qui ne la tue ? Ou bien peut-être allait-elle mourir, l'esprit bousillé ? Ou alors, peut-être survivrait-elle, l'esprit tout aussi fracassé, et finirait sa vie dans un asile de fous ? Oh, tout cela semblait terrible ; mais moins que de continuer à vivre dans le doute et la peur. Il y avait un risque, et l'Âme Errante était bien décidée à le prendre.

" Qu'importe les risques. " Fit-elle avec une voix beaucoup moins assurée qu'elle ne l'aurait voulu, " Je suis prête à tenter le tout pour le tout. "

Elle l'avait dit : mourir était toujours mieux que ce continuer à vivre ainsi.

La jeune femme lui avait alors tout avoué. Ces flashs qui la rendaient dingue et l'empêchaient de trouver le sommeil la nuit, ces voix qui se répétaient encore et encore, puis ces scènes pourpres et emplies de larmes qu'elle était incapable d'expliquer. Puis, il y avait aussi ces douces paroles, ces rires, ces étreintes chaleureuses et cette sensation d'apaisement. Tout n'était pas sombre, mais tout n'était pas blanc pour autant ; et c'était bien pour cela que la parisienne voulait retrouver ses souvenirs perdu. Tant qu'il y avait des bons moments à passer, il restait. Il restait quoi ? Elle ne parvenait toujours pas à mettre un mot dessus. Tout ce qu'elle savait alors, c'était qu'elle ne devait pas laisser les regrets la dévorer. La Lockwood se devait d'être forte, et d'affronter ses démons.

" Tu as bien fait de venir. J’imagine que ça n’a pas dû être une décision facile à prendre... " finit-il alors par lui souffler.

Sans dire un mot, la jeune femme hocha alors la tête. Cela n'avait pas été facile, elle s'était haït bien des fois pour avoir pris une décision aussi stupide ; et pourtant, Nora se tenait là, plus déterminée que jamais à redevenir celle qu'elle avait été et ce.. même si cela signifier tuer celle qu'elle était aujourd'hui.

" Enfin, si tu es toujours sûre que c’est ce que tu veux, on peut essayer de te rendre tes souvenirs, c’est d’accord. Je vais y aller doucement pour être sûr de ne rien causer d’irréparable, mais il va quand même falloir que tu me fasses confiance. " finit-il par lui souffler, comme une espèce de drôle de promesse, " Je sais que ça ne doit pas être facile, et j'en suis désolé, mais si je commence à aller fouiller dans ta mémoire… on ne pourra pas arrêter avant la fin. Tu n’as pas changé d’avis, n’est-ce pas ? "

Un silence. Et une main tendue.

Pendant de longues secondes, l'exorciste resta interdite, les yeux rivés sur cette main tendue en sa direction. Lui prendre la main, c'était accepter de faire le plonger vers l'inconnu, de risquer de tout perdre, de faire quelque chose qu'elle n'aurait jamais cru possible de faire. Lui prendre la main, c'était prendre le risque de mourir, mais également de revivre. C'était le moment où jamais de voir si la jeune femme allait renaître de ses cendres comme un phénix, ou bien brûler comme un pauvre poulet. Gloups. Il n'y avait plus qu'à croiser les doigts et à -

Espérer.

" Je te fais confiance. " murmura-t-elle.

Une fois ces quelques mots soufflés, la française commença à ressentir cette drôle de peur que l'on ressent avant de se lancer dans une aventure, ou avant de sauter dans le vide. C'était parti, le Télépathe allait rentrer dans sa tête et tenter de réparer - ou de briser - ce que Central avait fait. Qu'importe l'issue de cet acte, la Lockwood était prête. Oh, elle était morte de trouille, mais elle était également plus déterminée que jamais. Quel drôle de paradoxe, pas vrai ? C'était peut-être ce qu'elle était réellement, au fond. Ça, l'ancienne bohème le saurait sans doute bientôt.

Elle lui prit la main.

Souvenirs

" Tout grandit en se changeant en souvenirs."

Lorsque la main de la jeune femme rencontra celle de celui qu'elle avait tant aimé - enfin, que l'autre Nora avait tant aimé - un étrange sentiment sembla habiter son corps. C'était comme entrer dans un bain bien chaud après une longue journée d'hiver, comme le plus apaisant et réconfortant des remèdes. Si le descendant de Noé se décidait à la tuer, là, tout de suite, en utilisant son œil démoniaque qui lui avait déjà une fois fracassé le crâne, alors la jeune femme s'en irait avec apaisement et sans crainte. Quoi qu'il puisse lui arriver à cet instant, que ce soit la mort ou la plus tendre des étreintes, Nora était prête à l'accepter sans chercher à combattre cette bien étrange fatalité. La peau de la Sagesse était chaude et avait quelque chose de réconfortant, alors, lorsqu'il posa la paume de son autre main sur celle de la brunette, cette dernière se surprit à fermer les yeux. Ignorant le troisième œil qui se dessinait sur le front de l'anglais et le gris qui venait teindre sa peau, l'ancienne bohème remit entièrement sa vie entre ses mains.. et ce, aussi littéralement que le voulait l'expression que au sens propre du terme. Plus de marche arrière possible.

Le Noé souffla quelques mots, et ensuite, la parisienne se sentit plongée dans un profonde torpeur. C'était comme se laisser tomber dans de la neige, mais dans une neige si haut que tout son corps en finissait englouti. Pourtant, son corps ne ressentit pas les affres du froid. C'était aussi doux et douillet que de la neige, avec la chaleur réconfortante d'un feu brûlant dans la cheminée. C'était agréable, comme sentiment, autant que celui d'être aimé.

Au fond, c'était un peu ça que faisait le descendant de Noé par cet acte, lui témoignant son amour - ou ce qu'il en restait après ce que l'arme humaine lui avait fait endurer - en lui rendant la vie que la jeune femme avait perdu, laissant ces brides lumineuses lui revenir petit à petit comme les premiers rayons de soleil du matin. Certains étaient désagréables, d'autres brûlaient les yeux, mais la plupart étaient chaleureux et synonyme de bonheur, d'une nouvelle journée qui commençait, une où on pouvait se permettre de rester encore un peu au lit. Juste quelques minutes, histoire de profiter de ces draps aux odeurs d'encens et ces coussins bien trop nombreux pour n'appartenir qu'à une seule personne. Pourquoi se lever, de toutes façons ? Pour aller combattre pour la Guerre Sainte ? Non, pas aujourd'hui, ce n'était pas encore le moment.

" Tu vas quand même pas dormir toute la journée ? " lui souffla d'une voix en français bien qu'habitée par un fort accent des pays du Sud.

Lorsque la jeune Lockwood rouvrit les yeux en grommelant, ce fut une certaine égyptienne qui l'accueillit, une clope à la main - comme toujours - alors que son bambin à la tête trop blonde carapatait plus loin.

" C'pas de ma faute si tes coussins sont trop confortables, pesta-t-elle avec un sourire encore endormi sur les lèvres. T'préférerais que je me mette une murge avec eux en bas ? "

Au loin, la voix enjouée de son pianiste de père adoptif se faisait entendre en compagnie d'autres bohèmes qui avaient sans doute bu un coup de trop. Le théâtre abandonné de Montmartre, sa bohème de famille, c'était le souvenir agréable et chaleureux dans lequel la Sagesse avait plongé la jeune femme. Des souvenirs heureux et pleins de vie, l'Âme Errante en avait des tas lorsqu'elle vivait encore dans le vieux Paris en compagnie des siens, si bien que cela n'avait pas dû être difficile d'en piocher un parmi tant d'autres. Oh, bien sûr, la française aurait très bien pu se retrouver dans une autre période de sa vie, en compagnie de sa fratrie ou bien de ses parents biologiques.. mais, quand bien même elle avait aimé les siens plus que tout au monde, c'était ces souvenirs là qui lui semblaient les plus chaleureux. Être ainsi entouré et aimé après avoir tant perdu, cela n'avait pas de prix.

Et pourtant, pourtant, si elle n'avait pu que revivre un instant avant de se réveiller - de se réveiller avec tous ses souvenirs - la jeune femme n'aurait sans doute pas fait ce choix. Sans doute aurait-elle choisi un jour en pluie, en Allemagne, l'estomac dans les talons et la peur au ventre, le jour où après avoir perdu tout espoir, le petit soleil qui brillait dans les yeux de Nora s'était rallumé et avait brillé comme jamais auparavant.

Sans doute, oui, sans doute aurait-elle aimé revivre cet instant - avant de l'oublier à nouveau.

Adieumour

" La vie c'est des étapes... La plus douce c'est l'amour... La plus dure c'est la séparation... La plus pénible c'est les adieux... La plus belle c'est les retrouvailles."

Sans se rendre compte des souvenirs qui lui revenaient petit à petit dans la tête après avoir été si soigneusement mis de côté par Central, l'Âme Errante profitait de ce doux souvenir comme si elle n'avait jamais quitté son Paris natal. Des rires, elle en partagea plus d'un avec le petit Charles, rouspétant par la suite sur l'odeur de fumée d'Ellie sans se souvenir que des cigarettes, elle avait dû en fumer quelques unes une nuit avec Felix au détour de quelques verres d’absinthe en trop. Puis, bien réveillée de sa sieste, la furie à la longue tignasse brune ne tarda pas à descendre de la mezzanine de l'égyptienne pour rejoindre les autres sur la scène du théâtre abandonné, embrassant son père et serrant sa mère dans ses bras avant de lui attraper les mains pour entamer une ronde sur une musique improvisée de Henri et de Jean. Charles se joindrait à la fête, lui aussi, avec d'autres enfants du théâtre, d'autres adultes, aussi, sans doute ceux qui avaient déjà bu quelques verres. Puis, quand tout le monde serait fatigué, ils passeraient à table et partageraient un ragoût préparé par la vieille gérante de l'endroit. Et ils riraient, ils riraient tant !

Et alors que le descendant de Noé observait la petite bohème de Montmartre revivre ces précieux souvenirs, elle, l'arme humaine reformaté par Central était toujours là ; spirituellement, tout du moins. Son corps n'était plus très visible, et déjà des morceaux de sa peau et de ses vêtements disparaissaient à mesure que Nora, la vraie, retrouvait ses souvenirs. Pourtant, et sans doute pour l'unique fois de sa courte vie, un sourire apaisé vint étirer ses lèvres.

" Combien de temps comptes-tu l'observer comme ça ? "

Sa voix était douce, et résonna au creux de l'oreille de la Sagesse reclus dans un coin du théâtre, invisible aux yeux de ce souvenir, tout comme l'exorciste l'était également. Silencieuse, l'arme humaine avait observé l'anglais trier les souvenirs de son ancienne elle, remarquant sans mal que certains, seulement quelques uns restaient en retrait par rapport aux autres : Wisely triait tous les souvenirs où il était présent dans la mémoire de la brunette. Une rencontre à Londres, un repas partagé et une maison abandonné squattée, la panique d'une disparition, des retrouvailles et un baiser, des lettres et beaucoup d'amour, de la panique et des révélations, puis un adieu déchirant sur papier, tout ça pour mener à un effroyable combat où l'amour était devenu à sens unique. Tout ça, même cette rencontre, la Sagesse de Noé se décida à les mettre de côté. Alors, Nora, celle qui était aussi voué à disparaître comme ces souvenirs, comprit ce que l'autre avait en tête.

" C'est un souvenir heureux, pourtant, tu devrais aller la rejoindre.. " fit-elle dans un murmure quand bien même tous ces chaleureux souvenirs lui étaient inconnus, " Au moins une dernière fois. "

Ils avaient bien encore le droit à quelques minutes à eux, quand bien même ce n'était que lors d'un rêve. Un dernier instant, avant que tout ce qu'ils avaient vécu ne disparaisse dans le néant. Un instant jamais vécu, et dont personne ne se souviendrait jamais, mais qui existerait dans le cœur de la bohème comme la sensation que quelque part, quelqu'un l'aimait.

Et l'aimerait sans doute toujours.

Adieumour

" La vie c'est des étapes... La plus douce c'est l'amour... La plus dure c'est la séparation... La plus pénible c'est les adieux... La plus belle c'est les retrouvailles."

La jeune femme formatée par Central n'avait pas vécu bien longtemps, six mois tout au plus, six mois qu'elle avait volé à la véritable Nora, six mois si longs pour l'ancienne bohème et pourtant si court pour profiter d'une existence entière durant ce simple laps de temps. L'arme humaine, elle, n'avait malheureusement pas profité de quoi que ce soit durant ce temps là, si ce n'était quelques bains chauds à la Congrégation de l'Ombre, des bons repas du réfectoire ou quelques alcools qui retournaient suffisamment la tête pour lui faire oublier ses migraines. Des rires, l'exorciste n'en avait pas assez partagé, pas même avec Charles ou ses autres camarades. Il y avait cet enfant, Cyclamën, avec qui elle avait passé une agréable journée de neige, mais sinon, son existence s'arrêtait là, et n'avait été ponctué que par la douleur - et le vide. Une existence morne et insignifiante, que des sources chaudes ou des repas ne pourraient combler. Pourtant, à cet instant-là, celle qui n'aurait jamais dû exister ne ressentit qu'un agréable sentiment d'apaisement.

Son esprit était libre, mais pas de la manière dont Central l'aurait souhaité. Celle que l'on avait appelé Nora pendant ces six mois avait choisi de disparaître et de se sacrifier pour rendre sa place à la bohème, et il n'y avait pas plus agréable sentiment au monde que d'être maître de sa propre destinée. Elle allait mourir aujourd'hui, mais c'était elle même qui l'avait décidé.

" Ce n'est rien " souffla la jeune femme non sans perdre son sourire, " Je ne suis qu'une pale copie de ce qu'était Nora. Une copie qui n'aurait jamais dû exister, et qui a vécu bien trop longtemps à sa place. " Un silence, très vite ponctué d'un nouveau sourire apaisé : " Je suis - heureuse, de la laisser vivre à nouveau. "

C'était un sacrifice, mais la jeune femme ne regrettait aucunement son geste. Voir les rires et les sourires - sincères - de la petite chanteuse de Montmartre suffisaient à la laisser partir en paix. Le monde ne serait sans doute jamais aussi beau que ce qu'avaient été ces jours d’insouciance dans le vieux Paris, mais, c'était toujours mieux que de n'avoir aucun souvenir du tout. 'Un monde meilleur existe', 'tous les jours ne sont pas aussi sombres', 'tout finira par s'arranger tôt ou tard', voilà des phrases que l'arme humaine n'aurait jamais pu imaginer auparavant, et maintenant, alors que la jeune Lockwood retrouvait ses souvenirs, elle parvenait enfin à y croire.

" Tu n'es pas obligé de l'effacer, " lui conseilla-t-elle simplement, " Laisse-lui ce souvenir comme celui d'un rêve - votre, rêve - dans lequel Nora pourra se réfugier dans les moments où elle se sentira seule. Le monde est encore sombre, et elle va avoir besoin de soutien pour faire face à la vérité. "

Ah, c'est qu'elle ne pensait pas être aussi sentimentale, la nouvelle Nora. Il fallait croire que c'était à cause des souvenirs de la vraie elle qui regagnaient son corps et qui affectaient le peu de conscience qu'elle avait encore pour le moment. Plus de la moitié de son corps avait disparu pour le moment, ne laissant que quelques fragments flotter par endroits alors que même son sourire et son visage semblaient à moitié effacés. Elle allait mourir, et de l'autre côté de la scène, la véritable Nora continuait de danser et de rire, même de chanter ! Ah, encore une nouvelle victime derrière le rideau qui n'aurait jamais l'occasion de faire son deuxième salut au public.

" Enfin, " reprit-elle tout en laissant un faible rire s'échapper de ses lèvres, " Ce n'est pas à moi de décider, surtout pas après tout ce que je t'ai fais endurer. "

Bientôt, il ne resterait plus rien d'elle, et c'était tant mieux.

Danse

" La danse, n'est-elle pas la marche dans son apothéose ; marche noble, dépouillée d'un but utilitaire, et libre comme un jeu d'enfant ?"

Même dans ses derniers instants de vie, l'ancienne Nora - celle que Central avait créé, façonné, imaginé en détruisant celle qui avait toujours existé - ne put s'empêcher de sourire, réalisant à quel point cet homme devait l'aimer, ou tout du moins, l'aimer elle, celle qui n'allait pas tarder à revenir. Il l'aimait tellement qu'il lui avait offert à elle, celle qui n'était pas censé exister, un choix et une existence. La Sagesse lui avait offert le choix de disparaître, promettant qu'il ne le lui aurait pas prit si elle ne l'avait pas désiré. Peut-être était-ce parce qu'il tenait à elle, ne serait-ce qu'un peu ? Après tout, elle était Nora, elle aussi. Une Nora brisée et factice, mais une Nora quand même. Alors, tout ça, il le faisait aussi un peu pour elle. Nora n'aurait sans doute pas voulu de cette vie là, même pour celle qui avait manqué de tuer l'être qu'elle aimait. Disparaître de sa main, toujours garder son image en tête alors que sa conscience et son existence s'effaçaient de plus en plus.. il n'y avait pas plus belle façon de disparaître.

" Merci d'être resté avec moi jusqu'au bout " souffla l'ancienne Nora, comme dans un murmure qui s'effaçait alors que les dernières parcelles de ce souvenir disparaissaient, " Merci, de nous avoir sauvé, toutes les deux. "

Elle, en la laissant partir, et Nora, en la laissant revenir.

Cette même Nora, qui, plongée dans ce souvenir chaleureux de sa vie d'autrefois, continuait de danser et de rire sans avoir la moindre idée de ce qu'il se passait de l'autre côté du rideau. Elle riait, chantait, tournoyait, un sourire à tout rompre sur les lèvres sans se doute ne serait-ce qu'un instant du drame qui venait de se dérouler dans les coulisses. Une partie d'elle-même s'était éteinte, et pourtant, alors qu'une silhouette bien trop familière s'approchait d'elle, son air ne put que rayonner d'un bonheur que rien n'aurait pu briser.

" Est-ce que tu veux danser ? "

Une main tendue, un sourire, et c'est tout ce qu'il fallut pour la jeune femme pour se mettre à rayonner. Un mot, un unique mot s'échappant de ses lèvres. Un nom, disparu, qui avait été commencé à être rayé de son esprit mais qui continuait machinalement à sortir de ses lèvres malgré tout.

" * * * * * * ! "

Sans perdre son sourire, l'Âme Errante attrapa la main du jeune homme avant de le tirer vers elle, ses doigts se mêlant aux siens dans une danse que seuls eux semblaient connaître. Leurs regards se croisèrent, et à cet instant, il ne semblait plus qu'exister ces deux êtres. Mais - n'avait-ce pas déjà été le cas depuis le début ? Tout ceci n'était qu'un rêve, après tout.

" Je suis heureuse d'te voir, tout l'monde t'attendait ! " reprit-elle tout en serrant ses doigts sur les siens,  " Ellie est partie avec Jean acheter des bouteilles, pis Madeleine prépare le repas ! Tu vas voir, elle cuisine toujours pour vingt ! "

Ceci disant, la Vagabonde attrapa la main libre de son petit clochard londonien pour commencer à le faire tourner au milieu du théâtre abandonné. L'espace d'un instant, la jeune femme et lui semblèrent tournoyer au milieu de cette maison dans laquelle ils avaient vécu et tant partagé. Là, au milieu de la poussière et des meubles abandonnés, là, dans cette pièce bien trop silencieuse où seuls les bruits de leurs pas et de leurs chaussures cassées semblaient résonner sur le plancher pourri et craquant. Là, là où tout avait commencé - et là où tout allait s'arrêter.

" Mais tu vas bientôt devoir repartir - pas vrai ? "

Même si tout cela n'était qu'un rêve idyllique et impossible, la bohème savait que tous les moments de tendresse en compagnie du londonien avaient une fin - et ce, bien trop rapidement à son goût. Bientôt, il ne resterait plus rien de cet instant de toutes manières.

Si ce n'était la sensation d'avoir été aimé.