ocean's calling
Ft. Adélaïde Thompson
Toi, tu savais que tu ne pourrais pas supporter longtemps ce brouhaha et ces questions intrusives. Toi, tu savais que tu préférais rester à l'écart et tous les membres de la troupe avaient appris à faire avec. Alors, ce fût un raclement de gorge à côté de toi qui te fit redresser la tête vers Elitsa, une jongleuse qui faisait route aux côtés d'Atem depuis plus longtemps que toi. Elle tenait entre ses mains deux crêpes, une qui semblait contenir de la confiture et l'autre du chocolat. Elle te les tendait avec bienveillance, et tu te redressas, retirant tes mains du sceau pour les essuyer sur la large chemise que tu avais enfilé rapidement après être sorti du chapiteau, avant de te contenter de lui prendre les crêpes et de partir comme un voleur – sans un sourire, sans un merci – parce que tu avais peur qu'elle entame une conversation que tu ne voulais pas avoir. Tu redoutais toujours ces instants où on te demandait si ça allait, où on te faisait part du souhait de discuter avec toi. Tu les rejetais sans cesse, mais les membres de la troupe ne voulaient pas laisser tomber et ainsi, dès que tu le pouvais, tu prenais la fuite et tu leur tournais le dos, t'arrachant à cette bienveillance dans laquelle tu pourrais t'envelopper et à cette affection qui te manquait terriblement.
La bouche pleine, tu marchais dans les rues londoniennes, tes pas dévalant sans but dans des allées encore animées. Parfois, tes yeux émeraude se perdaient sur des devantures de magasins où tu espérais y voir des visages disparus, des visages recherchés – parce que c'était un peu tout ce qui pouvait te donner une piste concrète sur les pas de ta sœur que tu ne voulais pas croire morte, disparue pour de bon. Mais il n'y avait rien qui t'intéressait. Les visages dessinés t'étaient inconnus et ta mine se renfrogna. Tu poussas un grognement de mécontentement, et tu continuas ta route – seul et le cœur en sang, l'espoir pourtant toujours couvé entre tes côtes. Les jours avaient beau passés, tu restais au point mort. Aucune trace, aucun signe de vie, aucune piste. Quand est-ce que tu pourrais enfin en tenir une ? Quand est-ce que tu pourrais enfin te dire que tu avais bien fait de ne pas lâcher prise et de continuer à y croire ? Tes pensées furent légèrement balayées par la silhouette d'un artiste de rue qui crachait du feu, la lumière des flammes reflétant son visage et l'eau derrière lui. Tu te figeas instantanément, découvrant que ta marche t'avait menée au port, là où les bateaux s'amarraient de plus en plus, là où les pêcheurs rentraient d'un long voyage et iraient auprès des leurs en profitant de quelques jours de répit. Là où l'eau s'étendait à perte de vue. Quelle horreur. Tu repris vivement ta route, détournant les yeux de ce paysage que tu détestais, mordant à nouveau dans ta crêpe au chocolat – l'autre encore prisonnière entre tes doigts – jusqu'à ce qu'une voix n'attire ton attention. A contre-jour il était difficile de détailler correctement la silhouette qui se tenait sur un petit navire, mais le simple fait de la savoir en train de voguer sur la mer faisait remonter des souvenirs douloureux. Tu ne voulais pas être là. « Demande à quelqu'un d'autre. » tranchas-tu d'une voix cassante en n'attendant aucunement que l'inconnue ne termine sa phrase. Tu fuyais, toujours, tout le temps.
Halloween
- Spoiler: