where you go, i go ; (ROMAIN)

Une existence sans ta tendre moitié n’est pas une existence que tu as envie de ne serait-ce que contempler. Que ferais-tu sans ton jumeau, sans ton accomplice terrible, ton compagnon de toujours ? Qu’adviendrait-il de toi qui ne te définit que par sa présence ? Tu n’en sais trop rien et tu n’as pas envie d’imaginer une telle tragédie. Niilo a toujours été là, depuis le début. Depuis ton début, qui n’est pas uniquement tien, qui est aussi un peu le sien. Tu ne peux que remercier les étoiles que Komos et Sophrosyne s’éveillent en vous simultanément, ques les monstres aient trouvé en vous un foyer qu’ils jugent digne. Qu’aurais-tu fait si le Destin vous avait séparé si cruellement ? Tu n’en sais trop rien. Qu’aurais-tu fait ? Si tu avais été condamnée à ne plus vieillir, à voir la mort se rapprocher progressivement de ton frère alors que tu restais intouchée par le temps … Oh, tu aurais tout doucement – mais sûrement – sombré dans la folie. Tu n’aurais pas supporté qu’on t’arrache ton frère ainsi, tu n’aurais pas supporté une éternité – plus ou moins courte – sans lui. Tu aurais tout brûlé pour conserver son âme, sa vie, sa présence. Tu aurais été terriblement égoïste. Tu aimes cette famille que tu t’es trouvée par le biais de la bête sauvage au fond de ton être. Mais tu ne l’aimes pas autant que ton jumeau, pour qui tu sacrifierais le monde entier sans la moindre hésitation. Niilo est le centre de tout ton petit monde, de ton minuscule univers. Sans lui, tu n’es rien. À l’inverse, si Niilo avait bénéficié de l’éternité et toi la mortalité … Tu ne sais pas trop non plus, ta seule certitude est que tu aurais mené une vie pitoyable et sans éclat. Que tu n’aurais jamais été la demoiselle rayonnante et chaleureuse que tu peux parfois être. Et tu te doutes que ton frère n’aurait pas été plus heureux que toi dans une telle situation. Tu ne veux pas parler en son nom, mais tu sais qu’il n’aurait pas non plus bien vécu une telle séparation. Sans Niilo, il n’y a pas de Freja. Sans Freja, il n’y a pas de Niilo.

(Il était là au début, il sera là à la fin.)
(Tu étais là au début, tu seras là à la fin.)
(C’est une vérité universelle.)

Alors, tu ne comprends pas l’agonie dans laquelle se trouve Romain. Tu l’aimes Romain, comme une sœur aime un frère. Tu aimerais pouvoir le comprendre, mais – dans le fond – tu t’estimes heureuse de ne pas partager son malheur. Ton coeur saigne pour lui, tu désires pouvoir panser ses plaies encore à vif et tu aimerais pouvoir lui offrir une solution miracle pour effacer tous ses soucis. Komos ne veut, ni plus ni moins, que la présence d’Arcanum. Arcanum qu’il aime tant, Arcanum pour qui il décrocherait la lune si celui-ci lui demandait. Toi, Freja, qui ne peut offrir à Romain que tout ton amour et ton soutien. Lui, Komos, qui ne peut que courir après ce frère qui se pare de mystères et de secrets. Rien d’étonnant en soit, rien de surprenant, mais la chose reste frustrante. Tu ne sais quels mots employés pour que Romain se livre à toi, tu ne sais quels gestes faire pour apaiser son tourment. Parce que tu ne comprends pas, tu ne peux pas comprendre. Peut-être que Romain t’en veut un peu, peut-être que tu es trop chanceuse. Tu ne sais pas, tu es incertaine. Et c’est cette incertitude qui te pousse à te précipiter discrètement à sa suite. Tu passes le portail de Road sans réfléchir et c’est en France que tu arrives. Tu ne sais pas trop où précisément,  tu sais juste que c’est de là qu’il tire ses racines. Cela t’importe peu, dans le fond. Tout ce qui compte, c’est cette figure qui se dessine au loin, que tu ne tardes pas à rejoindre. « Romain. » l’appelles-tu doucement. « Romain. » répètes-tu un peu plus fort quand il ne t’accorde pas immédiatement son attention. Et tu ne sais pas trop quoi dire, tu ne sais pas trop quoi faire. Tu te sens toute petite sous son regard perçant. Mais tu ne te démontes pas pour autant. « Qu’est-ce que tu fais, Romain ? » Tu crains un peu sa réponse, mais tu dois savoir. Comment l’aider – le secourir – si tu restes plongée dans l’ignorance ?

Car tu te veux la sauveuse de tes frères et de tes sœurs. Tu te veux aussi aimante qu’aidante.

Romain avait toujours été le petit garçon souriant, rieur et joueur. Il avait toujours été sociable. Gentil et attentionné envers les autres. Ouvert, chaleureux et avide de connaissances. C’était un être vivant à part entière. Il avait toujours été heureux, et ce, en toutes circonstances. Il avait connu l’angoisse, la tristesse et le désarroi. Sa sensibilité lui avait permis d’apprendre toute sorte d’émotions et de sentiments. Il aurait pu être sûr de tous les avoir expérimentés, ou presque.

Comme tout être humain, le jeune français avait des périodes où il ne se trouvait pas toujours en phase avec lui-même. Aujourd’hui était un jour comme ça. Arcanum ressentait une rage indescriptible, pour la peine de son hôte tandis que Romain, lui, était totalement dévasté.

La journée avait pourtant bien commencé. Il s’était levé de bonne humeur. Et tout s’était parfaitement bien déroulé. Jusqu’à ce qu’il apprenne la mort de quelques ennemis. Ces derniers, et surtout leur description physique, ressemblaient traits pour traits aux derniers membres de sa famille encore vivants. Alors il s’était déplacé, pour en avoir le cœur net. Il devait en avoir le cœur net ! Son pire cauchemar était en train de se produire, et cela fut d’autant plus réel lorsqu’il vit les corps de sa sœur et de son frère ensanglantés… Enfants. Romain crut devenir fou et hurla à plein poumons. L’horreur inscrite sur son visage. Comme si on venait de lui arracher le cœur.
Ce fut à cet instant précis qu’il se réveilla réellement. En sueur. Effrayé. En pleine crise d’angoisse.

Le jeune descendant de Noé sortit de son lit et chuta sur le sol ; le corps trop faible pour marcher. Alors Arcanum, réveillé lui aussi, l’aida à porter son corps. Les yeux de Romain arborèrent une lueur dorée. Le corps chancelant, il se dirigea vers son placard, enfila des vêtements propres après avoir pris soin de lui. Il sortit de sa chambre et marcha un peu. Puis il utilisa un portail pour se diriger vers Toulouse, une ombre le suivant discrètement.

Freja. Il avait senti sa présence, bien sûr, enfin, Arcanum. Romain n’était plus entièrement maître de son corps, cependant, il avait encore tout son esprit. Son plus fidèle ami, son autre moitié… L’aidait tout simplement à se déplacer. Comme s’il se portait lui-même finalement.
Sa sœur était une de celles au courant de toute son histoire, de toute sa peine. Il lui avait confié quelques points et elle avait insisté pour savoir le reste. Elle était jeune, et avait une apparence d’adolescente. C’était facile pour Romain de la considérer comme sa petite sœur. Il avait quelques années de plus qu’elle ; 3, tout au plus. Pourtant, elle avait quand même réussi à lui tirer les vers du nez, et à avoir toutes les informations qu’elle voulait. Freja savait tout. Et c’était probablement la raison qui l’avait poussé à le suivre.

Ils s’étaient arrêtés tous les deux près de la maison incendiée de son enfance. Tout le village avait brûlé ce jour-là. Les akumas avaient rasé son village. Pour une raison qu’il ignore, Romain avait rejoint leur camp, s’était forgé une nouvelle famille. Qu’était-il advenu de Joe ? De Jean ? Ce jour-là il avait été avec Joe et bien sûr, il y eut la séparation à cause de l’orphelinat… Mais Jean… Était-il mort ? Il avait beau revenir, encore et encore… Aucune trace matérielle d’eux. Il avait l’infime conviction qu’ils étaient toujours en vie, et certaines preuves mais il ne les avait pas encore retrouvés. Où pouvaient-ils être ?

« Romain. » La douce voix de Freja se fit à peine entendre. Romain ne l’entendit pas. « Romain. » Répéta-t-elle un peu plus fort. Cette fois-ci, il se tourna vers elle. Les larmes avaient coulé sur son visage et ses yeux dorés fixaient sa petite sœur. « Qu’est-ce que tu fais, Romain ? » Lui demanda-t-elle gentiment.

Mâchoires tremblotantes, il essaya de parler. En vain. Fronçant les sourcils, il redoubla d’efforts. « Je… Je cherche Joe et Jean. Ils me manquent et… J’ai besoin de savoir s’ils sont en vie, et où ils se trouvent. » Sa voix est douce, mais chevrotante. « J’ai besoin d’eux… J’ai besoin de voir leur sourire, et d’entendre leur voix, Freja… » Romain ferma les yeux, contenant de nouvelles larmes et les rouvrit. Il voyait son alliée de façon étrange ; elle était floue et déformée par l’eau qui s’évadait de ses yeux sans qu’il ne puisse y faire quoique ce soit. « Veux-tu bien m’aider, Freja ? »

Il ne voulait pas qu’elle ait d’ennuis à cause de lui. Rechercher sa vraie famille, est-ce que c’était vraiment une chose à faire lorsque l’on servait le Comte Millénaire ? Mais sans Joe ni Jean, Romain ne se sentait pas entier…

@Freja T. Lindqvist

L’histoire de Romain est une bien triste histoire, qui ferait pleurer les pierres si celles-ci pouvaient pleurer. Ton coeur se serre dans ta poitrine, tu déglutis difficilement alors que tu poses ton regard clair sur ses épaules voûtées, sur sa mine perdue et sa chevelure ébourriffée. Ton frère est à la dérive, perdu dans la souffrance de la séparation avec ceux qu’il avait tant chérit. Et toi, tu ne peux que l’observer tristement, avec une inquiétude dont tu ne sais trop quoi faire. Tu vois qu’il lutte, sa douleur et son hésitation. Mais tu es persistante, Freja. Tu es douce, mais persévérante. Alors qu’il ouvre la bouche, aucun son ne s’échappant de sa gorge, tu t’approches de lui tout doucement, comme si tu avais à faire à un animal blessé. Que fait-il ? La question est bonne, même si tu te doutes de sa réponse. Toujours avec autant de douceur, tu tends la main vers lui, tu enroules tes doigts autour de sa paume. « Je… Je cherche Joe et Jean. Ils me manquent et… J’ai besoin de savoir s’ils sont en vie, et où ils se trouvent. » Oh, ton coeur saigne pour lui. Tu peux presque goûter son désespoir,tu peux presque toucher son agonie. Tu ne la comprends pas, bénit soit le ciel. Et tu te réjouis égoïstement de cela, tu te réjouis que ton frère – le centre de ton univers – soit encore à tes côtés et ce pour l’éternité. Cela ne t’empêche cependant pas de sympathiser. D’offrir tout le réconfort que tu peux offrir, toute la force que tu peux partager. « J’ai besoin d’eux… J’ai besoin de voir leur sourire, et d’entendre leur voix, Freja… » Et tu comprends ce qu’il exprime, tu comprends cette nécessité d’être proche de sa propre chair. Mais c’est impossible, tu ne sais trop comment lui dire. Comment lui dire sans que sa personne n’explose en mille morceaux.

(Ton amour ne peut rien faire pour apaiser sa douleur, pour combler ce vide au fond de lui.)
(Tu ne peux rivaliser avec les liens de sang, tu le sais.)
(Tu aimerais tant pouvoir lui faire oublier ce qui le tracasse.)

Et c’est là que la question fatidique tombe, s’abat sur toi comme un coup de massue. « Veux-tu bien m’aider, Freja ? » Oh Romain. Bien sûr, que tu voudrais bien l’aider. Ce n’est pas la volonté qui te manque, bien évidemment. Tu ferais n’importe quoi pour lui, au même titre que pour chacun de tes frères et sœurs. Tu aimerais pouvoir lui dire que tout ira bien, qu’il peut compter sur ton aide sans se faire le moindre souci. Néanmoins ce serait là des mots dans le vent, des promesses vidées de leur sens par votre réalité. Ton coeur se serre dans ta poitrine, tu serres sa main un peu plus fort dans la tienne. Le Comte ne serait clairement pas ravi d’apprendre que vous vous êtes tous deux lancés dans une immense partie de cache-cache géante, à la recherche d’humains censés être si répugnants à vos yeux. Vous les hôtes de Souvenirs meurtris par l’humanité. Tu ne peux que te montrer désolée face à une telle situation, compatissante. « Oh, Romain … » commences-tu dans un souffle. Tu ne sais comment dire pour recoller les morceaux fissurés de son coeur, comment ne pas assener le coup final face au jeune homme déjà à terre. « Tu sais que j’aimerais pouvoir t’aider, Romain. Tu le sais. Mais … » Car il y a forcément un mais. Le Comte, les Noés, la Guerre. C’est un énorme mais qui pèse sur tes frèles épaules, un énorme poids que tu te dois lui faire porter à lui aussi. Il doit prendre conscience de sa nouvelle réalité, accepter la dure réalité et tirer un trait sur ses tourments du passé. C’est bien plus facile à dire qu’à faire, tu en as conscience. Mais il le faut. « Mais je ne peux pas. Tu le sais … Le Comte n’acceptera jamais une telle chose. » Tu marques une courte pause. « Tu ne peux pas non plus, Romain. C’est une pente glissante qui t’attend ; une fois que tu auras commencé à t’y engager, rien ni personne ne pourra plus te rattraper. » Et tu tires un peu sur son bras, pour qu’il se tourne un peu vers toi. Tu tentes d’accrocher son regard, de lui montrer toute l’étendue de ta sympathie et de ton regret. « Ne fais pas ça, Romain. S’il te plaît. » Et tu ne peux que lui demander d’être raisonnable.

Mais il est impossible d’être raisonnable quand il est question de famille. Tu es bien placée pour le savoir.

Freja, de toutes ses sœurs, était probablement la plus sensible et la plus à l’écoute de ses sentiments. Cela ne l’étonna guère lorsqu’il sut qu’elle l’avait suivi. Qu’elle était là, et qu’elle serait toujours là pour lui. Si les liens du cœur ne battent pas ceux du sang ; ce dernier que Romain entretenait avec Freja rivalisait avec n’importe quel autre type de lien. Le jeune homme ne comprenait pas comment c’était possible, comment ils pouvaient être aussi proche et autant en symbiose l’un avec l’autre ; mais la jeune fille était très probablement la plus vraie et la plus réelle de ses sœurs – hormis Joe, bien entendu.

Joe était, concrètement, l’autre moitié de son âme. A eux deux, ils ne faisaient qu’un, et c’était bien pour cela qu’ils étaient jumeaux, par simple et pure définition. Ils n’étaient qu’une et une seule personne. Et pourtant, ils étaient si différents l’un de l’autre ; cela les avait toujours rapprochés. Inexplicablement.

« Oh Romain… » Avait-elle commencé à lui répondre. « Tu sais que j’aimerais pouvoir t’aider… Tu le sais. Mais… » Oh il savait pertinemment ce qu’elle allait lui répondre. Cela allait lui faire beaucoup de mal, et même s’il ne l’avouerait pas ; il savait, au fond, combien elle avait raison. Depuis son Éveil, Romain n’avait désormais plus qu’une seule mission : servir le Comte Millénaire, cet homme qu’il voyait comme son deuxième père. Cependant, il ne parvenait pas à admettre qu’il se devait d’abandonner sa famille. A ses yeux, il en était même hors de question. Le jeune français n’abandonnerait pas sa famille de sang. Il ne les abandonnerait jamais. « Mais je ne peux pas. Tu le sais… Le Comte n’acceptera jamais une telle chose. » Elle l’avait dit. Cette fameuse phrase qui fit couler davantage de larmes. Et Romain savait parfaitement qu’elle avait raison. Ils ne pouvaient pas, ils ne pouvaient rien y faire. Ce serait trahir le Comte, se moquer de lui… Lui tourner le dos.

Le pire restait à venir. Romain se raccrochait à cette main qui était venue, depuis un moment déjà, rencontrer la sienne. A ses doigts enroulés autour de sa main. A cette peau douce et rassurante. Émotionnellement, physiquement ; Freja était là, en tant que sœur, et Romain ne se sentait plus seul. « Tu ne peux pas non plus, Romain. C’est une pente glissante qui t’attend ; une fois que tu auras commencé à t’y engager, rien ni personne ne pourra plus te rattraper. »

Freja tira davantage sur son bras, afin qu’il se tourne vers elle. Ce fut donc yeux dans les yeux qu’elle le supplia presque ; tentant de le ramener à la raison. « Ne fais pas ça, Romain. S’il te plaît. » Comment pouvait-il refuser ? Comment pouvait-il lui refuser quoique ce soit ? Car lorsque le jeune homme s’attachait à quelqu’un, il faisait tout pour éviter de lui faire du mal.

« Freja… Je sais que tu comprends ce que je ressens. » Débuta-t-il, serra sa main davantage dans la sienne. « Je te remercie d’être là. » Même s’il était totalement chamboulé et qu’il ne savait pas vraiment quoi faire ; Romain avait vraiment très envie de céder et de recouvrer la raison. Mais son cœur lui ordonnait de ne pas abandonner sa sœur. Ni même son petit frère. « Mon cœur et ma tête livrent un combat qui semble sans fin. Que ferais-tu à ma place, Freja ? »

Oh comme il était désolé de lui imposer un tel fardeau. Mais elle rassurait son cœur d’une manière si convaincante… Haussant inconsciemment les sourcils, et affichant une mine triste, Romain tentait de lui faire comprendre qu’elle était en route pour le ramener à la raison.

@Freja T. Lindqvist

Sa douleur est la tienne. Tu ne peux que sympathiser avec Romain, avec toute sa peine et tout son désespoir, tu ne peux que te faire la protectrice douce de son coeur fracturé. Tendre présence pour tenter d’apaiser son tourment, tu sais que tes efforts sont très probablement vains. Rien ne peut aider un palpitant en morceaux, rien à part le temps. En attendant, il te faut déjouer les pièges fous posés par le chagrin, retenir ce frère épleuré par la perte d’une famille lointaine. Il faut que Romain fasse son deuil de ces frères et sœurs qu’il ne pourra jamais retrouver. Le Comte ne le permettra jamais, ne ferait que voir cette tentative de recherche comme une trahison certaine envers le clan Noé. Tu ne peux laisser l’hôte d’Arcanum se perdre sur ce chemin sinueux, tortueux. Sa main fermement tenue dans la tienne, tu tentes de le ramener à sa réalité douce-amère, de lui faire oublier ses rêves un peu fous de réunion. Tout doucement, tu lui demandes de se tourner vers toi, de te porter toute son attention. Dans son regard, tu ne lis que tristesse et souffrance. Et ton coeur se serre bien fort dans ta poitrine, tu ne peux que lui offrir un sourire tout aussi triste que la lueur brillant au fond de ses yeux. « Freja… Je sais que tu comprends ce que je ressens. » Tu ne le contredis pas, même si tu n’es pas certaine que cela soit vrai. Tu ne comprends pas toutes les nuances de son chagrin, de sa peine. Il n’y a qu’en ayant vécu les mêmes épreuves que l’hôte du Secret que tu comprendrais réellement. Mais tu ne le contredis pas, tu te contentes de lui offrir un sourire un peu plus large, un peu plus encourageant. Tu lui offres cette apparente compréhension, cette acceptation inconditionnelle dont il semble avoir tant besoin.

(Come back to me, Romain as-tu envie de souffler, come back to us.)
(Vite vite, le retenir avant qu’il ne parte trop loin, hors de ta portée.)
(Come back, Romain.)

Et sa main serre la tienne un peu plus fort. « Je te remercie d’être là. » Tu ne penses pas mériter des remerciements. Tu ne fais que ton devoir de sœur aimante, tu ne fais que ce que tu aimerais que quelqu’un fasse pour toi si tu te retrouvais dans une telle situation un jour. Alors de ta voix posée et douce, tu chasses ces paroles inutiles. « Pas besoin de me remercier, Romain. Tu sais que je serai toujours là pour toi. Pour vous. » Tu rappelles vos autres frères et sœurs à son bon souvenir, espérant que cela l’aiderait à s’ancrer à nouveau dans cette réalité qui est la votre. Tu le forces à se souvenir de cette trop large fratrie qui est la votre, de votre clan auquel vous êtes réellement obligés de jurer votre loyauté. Si tu le fais de bon coeur et sans la moindre hésitation, tu comprends les réserves du français. Toi, tu as toujours ton jumeau. Romain n’a plus que ses yeux pour pleurer. « Mon cœur et ma tête livrent un combat qui semble sans fin. Que ferais-tu à ma place, Freja ? » Tu aimerais pouvoir lui dire que tu resterais loyale au Comte et au Clan Noé. Mais ce ne serait qu’un vilain mensonge ; pour Niilo, tu marcherais jusqu’au bout du monde et plus loin encore. Tu déchirerais l’univers s’il te le demandait, tu décrocherais la lune juste pour le voir sourire. Tu hausses des épaules, un peu mal à l’aise. Tu restes honnête avec ce frère en plein moment de fragilité. « Je n’en sais rien, Romain … Je ne suis pas à ta place et je ne peux pas imaginer ce que tu ressens. Mais je sympathise. » avoues-tu dans un souffle. Tu marques une courte pause. « Je n’en mènerais probablement pas plus large que toi … Et j’aurais certainement besoin de quelqu’un pour me remettre les pieds sur terre. » Et tu ne le blâmes absolument pas pour son étourderie, pour son geste impulsif. Loin de là. Tu lâches sa main pour venir lui faire face. Tu encadres son visage de tes petites mains froides. « N’oublie pas que tu nous as, nous. » Toi, Niilo et tous les autres. Il n’est pas seul.

Le cœur déchiré de Romain ne cessait de battre fortement dans sa poitrine, comme s’il voulait lui donner la force de poursuivre ce dont il désire tant : sa sœur jumelle et son frère perdu. Une famille finalement dans laquelle il avait grandi et avait évolué. Une famille chère à son cœur. Mais les Noés comptaient, eux aussi ! Le Comte Millénaire était venu le chercher pour lui offrir une nouvelle famille, un nouveau cercle aimant. Arcanum était apparu à lui, et Romain n’aurait pas pu le comprendre, le dompter seul, comme le Comte lui avait appris à le faire. Arcanum était une moitié de lui qu’il lui aurait été compliqué d’accepter s’il n’avait pas rencontré sa nouvelle famille. Le français le savait : il les aimait tous comme des frères et sœurs du plus profond de son cœur. Freja était là, et en ce moment même elle tentait de le ramener à la raison.

Elle le comprenait. Elle avait souri, elle avait renforcé cette assurance-là, ce réconfort dont le jeune homme avait terriblement besoin.

Mais petit à petit, Romain laissait la place à Arcanum. Ce dernier était désireux de reprendre les rennes pour éviter la parjure auprès du Comte, de ce père nouveau qui était apparu à lui. La main qu’il serra plus fortement l’aida à rester connecter à la réalité. « Pas besoin de me remercier, Romain. Tu sais que je serai toujours là pour toi. Pour vous. » Cette phrase fait écho au désir du Noé de faire son apparition ; elle la motive davantage. Petit à petit, voilà que les cheveux de Romain perde les quelques reflets blonds qu’ils possèdent tandis que ses pupilles se changent en or. Freja s’ouvrit alors davantage, confiant à Romain l’entièreté de ses penses : « Je n’en sais rien, Romain… Je ne suis pas à ta place et je ne peux pas imaginer ce que tu ressens. Mais je sympathise. » Le cœur du jeune homme fit un bond. « Je n’en mènerai probablement pas plus large que toi… Et j’aurais certainement besoin de quelqu’un pour me remettre les pieds sur terre. » La peau de Romain gagna en couleur. « [color=#0f8390]N’oublie pas que tu nous as, nous. » Une légère brise balaya les cheveux du jeune homme.

Cette phrase fit soudainement déclic dans l’esprit de Romain, et Arcanum reçut le message cinq sur cinq. Ils n’étaient pas là. Eux, les êtres si chers à son cœur qui partageaient son sang. Pourquoi devrait-il être le seul à les chercher ? Ne pourraient-ils pas non venir à lui ? Pourquoi n’avaient-ils aucun signe d’eux ? Une douce colère naquit dans la poitrine du français. Freja avait parfaitement raison.

« Tu as raison, ma sœur. » s’exprima Arcanum au travers du corps de son hôte. « C’est vous qui êtes présents pour moi aujourd’hui. » Un sourire se dessina sur les lèvres de Romain. Arcanum poursuivit. « Ils ne connaissent pas mon existence, et semblent nier cette dernière. Je ne devrais pas leur offrir tant d’attention et encore moins d’affection. » termina-t-il. Cette phrase déchira le cœur de Romain. Comment deux parts de lui-même pouvaient entrer en désaccord et qu’il y survive ? Là n’était plus le problème, Romain. Bientôt, il faudra que tu choisisses ton camp, sinon le Comte le fera à ta place. Et cela risque de ne pas te plaire.

@Freja T. Lindqvist

Romain est au bord du précipice, tu le sais, tu le sens. Rester au bord de celui-ci ou se laisser tomber au bas de la falaise … Le choix reste totalement sien, mais tu ne cesse d’espérer que ton intervention pourra changer la donne, que tu pourras l’aider à y voir plus clair. Tu ne peux que te montrer forte pour vous deux, tu ne peux que supporter tout son poids sur tes frêles épaules afin qu’il ne se fasse pas mal en chutant. Tu fais de ton mieux, Freja. Oh oui, tu fais de ton mieux. Mais ton mieux sera-t-il suffisant ? Tu n’en sais rien. Tu espères que oui, tu espères que tes mots finiront par l’atteindre. Car il n’y a que ça que tu puisses faire en plus de le soutenir : lui parler, essayer de le raisonner. Tu fais appel à son sens de la famille, de votre famille en particulier. Il semblerait que tes mots le heurtent bien plus fort que ce que tu aurais pu escompter. Tu n’as pas prévu cela. Sa peau se teint d’un gris bien familier, son regard change de couleur et ses cheveux ne sont plus aussi blonds que quelques secondes auparavant. « Tu as raison, ma sœur. » La voix de Romain a un ton bien plus sombre et solennel qu’avant, un ton que tu n’entends que trop peu. Komos, qui somnolait jusque-là, s’éveille doucement à l’intérieur de ton être. Il ne fait qu’observer ce qui se passe, observer son frère sans faire son apparition. « Arcanum. » que tu dis tout simplement, dans un souffle. Tu ne sais que dire de plus. Si Romain refuse d’écouter, n’en a pas la force, tu ne doutes pas une seule seconde que Arcanum sera bien plus réceptif à tes arguments. Tu lui offres un sourire doux et sincère, la joie de Komos de voir son frère ainsi étant fort contagieuse.

(Arcanum écoute, Arcanum est attentif.)
(Tu es si éloquente, semble-t-il, que Komos ne prend pas la peine de s’emparer du contrôle.)
(Tu es face au Souvenir comme une sœur.)

« C’est vous qui êtes présents pour moi aujourd’hui. » Tu ne sais trop quoi répondre face à cela. Bien sûr que toi et Komos êtes présents, pourquoi ne le seriez-vous pas ? « Ils ne connaissent pas mon existence, et semblent nier cette dernière. Je ne devrais pas leur offrir tant d’attention et encore moins d’affection. » Tes sourcils se froncent alors que ton sourire se fane rapidement. Tu fixes le Souvenir du Secret avec un air sévère qui ne te va pas : l’air tendu et contrarié jure terriblement avec la jeunesse de tes traits, avec ce visage d’adolescente figé dans le temps à tout jamais. « Arcanum. » l’appelles-tu à nouveau sèchement, t’attirant ainsi un peu l’agacement de ton propre Souvenir. Tu ignores cependant l’Excès pour reprendre le Noé à tes côtés. Tu lâches sa main, tu fais un pas en arrière, instaurant une petite distance entre vous. « Tu es bien rude avec Romain. Que ferais-tu, à sa place ? » Tes yeux lancent des éclairs alors que tu prends la défense de l’hôte, lèvres retroussées pour laisser apparaître des dents bien alignées. « Peux-tu réellement le blâmer d’être ainsi attaché à ses frères et sœurs ? » Komos est agacé, mais bien trop paresseux pour prendre le contrôle. Tu lui lances un dernier regard noir, avant de fixer un point droit devant toi, que tu es la seule à pouvoir voir.

S’il était facile pour certaines personnes de lutter contre l’absence d’êtres chers, ce n’était pas le cas de Romain et de sa famille. En tout cas, lui avait beaucoup de mal à gérer ses émotions, et surtout les négatives. Mais que dire de tous ces frères et toutes ces sœurs d’armes qui avaient péri au combat ? Ceux-là lui manquaient également ; mais pas de la même façon. C’était moins profond, moins intime. Notamment parce qu’ils avaient passé moins de temps ensemble, et qu’ils se connaissaient peu, mais qu’ils n’avaient pas forcément vécu un moment fort entre eux. Romain ne pouvait énumérer les moments intenses de vie avec ses frères et sœurs de sang. Est-ce que cela signifiait que Freja, ici présente, comptait moins ? Non ; il le refusait catégoriquement. Il le refusait à tel point qu’Arcanum avait décidé de prendre le contrôle.

Il avait décidé de régler l’hésitation de Romain et d’éviter que tous les Noés soient au courant ; que le Comte Millénaire le traite en paria et l’exclut… Le tue. Parce que cela était bel et bien la punition qui attendait les traitres ici-bas.
Arcanum devait remonter le niveau, limiter la casse, redresser la barre. Il devait assurer un minimum parce qu’il ne voulait pas faire partie des renégats. Des exilés. Des rejetés. Pas lui. Pas Romain. Que se passerait-il après ça ?

La voix de Romain résonna dans les tréfonds de sa propre âme. « Aurais-tu peur toi-même, qui est capable d’impacter la mémoire des autres, de l’oubli ? » Il n’eut rien à dire, Freja l’appela froidement. Ses pupilles dorées fixèrent la jeune femme. Toute son attention se portait sur elle, il s’était enfin tu. Elle continua ; « Tu es bien rude avec Romain. Que ferais-tu, à sa place ? » Il plissa des yeux. Il n’était pas sûr de bien saisir non pas le sens de sa question, mais bien où elle voulait en venir précisément. « Peux-tu le blâmer d’être ainsi attaché à ses frères et sœurs ? »

Intérieurement, le Souvenir se permit d’esquisser un large sourire que seul Romain était capable de percevoir. Tandis qu’à l’extérieur, Arcanum fit la moue. Elle n’avait clairement pas tort, mais était-ce réellement aussi simple ? « Je suis moi-même attaché à mes frères et sœurs. » Il esquissa un petit sourire. « J’aimerais simplement que Romain se ressaisisse. Je ne peux pas comprendre l’importance du lien de sang ; je pense simplement que le lien du cœur devrait être le plus fort. C’est ce qu’on choisit, après tout. » Acheva-t-il.

Il aurait voulu faire appel à la fraternité, à cet autre Souvenir réfugié dans l’hôte que représentait Freja. Mais il n’avait pas envie d’être aussi fourbe. Elle avait beau être jeune, Freja savait se faire entendre. Et Arcanum l’avait bel et bien entendu. Il ne lutterait pas davantage, puisqu’elle avait su donner un avis juste. Cela aurait été de la mauvaise foi de penser le contraire. Arcanum n’était jamais vraiment de mauvaise foi. Il savait admettre ses limites. Il était simplement un peu déçu de les avoir atteindre aussi rapidement.

« Et Romain devrait être content et satisfait d’avoir une famille comme la nôtre à ses côtés. C’est tout ce que je veux dire. »
Puis il admit qu’il avait fait ce qu’il avait eu à faire et laissa la main à Romain. Après tout c’était son corps, mais pas uniquement sa vie. Il ne devrait pas l’oublier à l’avenir. Il n’est que l’hôte de deux vies desquelles il devrait s’efforcer de prendre soin. Arcanum ne le laisserait pas gâcher sa vie.

@Freja T. Lindqvist

Tu es loin d’être impressionnée par l’apparition du Souvenir du français. C’est même tout l’inverse. Tu es légèrement agacée et tu n’hésites pas à le faire savoir ; tu trouves Arcanum un peu trop rude et sévère avec son hôte. Tu comprends la lassitude et la mélancolie de Romain, tu sais que tu ne serais guère en meilleur état si Niilo n’était pas à tes côtés. Tu serais probablement en un bien pire état, tu ne cherches pas à le nier, mais c’est une possibilité que tu ne désires pas contempler ; ton coeur se serre trop dans ta poitrine quand tu penses à une existence sans ta tendre moitié. Tu préfères te concentrer sur la situation que tu dois affronter. Tu portes toute ton attention sur le blond, faisant de ton mieux pour ne pas le laisser te filer entre les doigts. Tu as toujours ta main sur son bras, tu restes toujours terriblement proche de lui. Peut-être un peu trop, tu n’en sais trop rien. Comme si un simple contact physique pourrait le retenir, pourrait l’empêcher de damner les Noés pour retrouver ceux qui lui manquent tant. Tu aimerais tant que la chose soit si facile, que par ta simple présence les doutes s’effacent de son esprit. Mais la vie n’est pas si aisée, elle ne l’est jamais. Malgré tout, tu fais de ton mieux pour être présente, pour qu’il ne se sente pas aussi seul qu’il pense l’être. Et quand le regard doré d’Arcanum se pose sur toi, tu ne frémis pas. Tu restes presque de marbre, ne penchant la tête sur le côté que pour mieux affronter son regard. « Je suis moi-même attaché à mes frères et sœurs. » Il esquisse un sourire auquel tu ne réponds pas. Là, tu restes de marbre. Tu es loin d’être impressionnée.

(Tu n’as jamais été très patiente, Freja.)
(Tu l’es encore moins quand il est question de Noé.)
(Ne sont-ils pas censés être bien plus vieux que vous ?)

Arcanum poursuit, tu l’écoutes attentivement. « J’aimerais simplement que Romain se ressaisisse. Je ne peux pas comprendre l’importance du lien de sang ; je pense simplement que le lien du cœur devrait être le plus fort. C’est ce qu’on choisit, après tout. » Tu lèves les yeux au ciel. Arcanum est encore plus impatient que ce que tu peux l’être par instant. Tu serres les dents, peu désireuse de dire quelque chose que tu finirais par regretter. Tu inspires profondément. « Romain a besoin de temps. Tu ne peux pas le presser à faire les choses selon ton emploi du temps. » que tu fais dans un souffle. Et Komos s’agace, que tu parles ainsi à son frère, mais tu n’en as que faire. Tu secoues doucement la tête pour chasser l’influence du paresseux de ton esprit. Komos commence à t’agacer autant qu’Arcanum, il semblerait. « Et Romain devrait être content et satisfait d’avoir une famille comme la nôtre à ses côtés. C’est tout ce que je veux dire. » À nouveau, tu secoues doucement la tête. Et tu aurais aimé lui répondre, le rabrouer doucement, mais la peau grise se fait à présent blanche, signe que Romain revient sur le devant de la scène. À la place, tu soupires lourdement, avant d’offrir un large sourire au français. « Ne laisse pas Arcanum te dire ce que tu dois ressentir ou non, Romain. » dis-tu chaleureusement. « Tu as le droit d’être triste pour tes frères et sœurs … Juste, ne pars pas trop loin, d’accord ? » Tu marques une courte pause. « On est là pour toi, tu sais. » Et tu n’as pas grand-chose d’autre à ajouter, alors tu restes silencieuse. Tu espères que cela sera suffisant pour le retenir.