il y avait eu un temps avant la guerre. Des années d'insouciance. D'ignorance. Raeliana suivait ses parents dans leurs voyages. L'Irlande lui semblait si petite, quand elle était avec eux. Elle apprenait. Elle prenait soin de sa famille. Et puis, ça lui permettait de connaître tellement de monde. Alors elle était heureuse, d'être avec eux. De voir le monde, de voir de nouvelles personnes. Peut-être même qu'elle reprendrait le commerce familial, après le décès de ses parents, ou s'ils ne veulent plus s'en occuper et partir se reposer ailleurs. C'était la voie qui l'attendait. C'était la voie que ses parents voulaient qu'elle prenne. Et c'était une voie qui ne la dérangeait pas (et c'était la voie qui l'attendait (mais ça, elle ne le savait pas encore)). Et aujourd'hui, Raeliana n'était pas si loin de chez elle. Toujours en Irlande, en route pour la capitale. Et sa tête, posée sur la vitre du train, qui filait à toute allure vers leur destination. Et elle tourna la tête. Ses parents parlaient de leurs livraisons, de marchandises. Sa soeur et son frère étaient restés à la maison. Et un doux sourire ornait ses lèvres. Ses parents s'aimaient toujours autant, plus que le premier jour. Et elle rêvait d'avoir une telle relation, plus tard (et si elle savait (elle n'aurait pas autant rêvé de cela (peut-être n'aurait-elle pas fait cette erreur))). Elle reporta son attention à la fenêtre, les paysages de son pays qu'elle aimait tant défilaient sous ses yeux. Dublin n'était plus très loin, tout comme la famille qu'ils iraient visiter. Raeliana était également là pour rendre visite à une famille qu'elle appréciait beaucoup. Elle les avait rencontré par l'intermédiaire de ses parents. Ils devaient aider la famille Mac Dubghaill à trouver des remèdes pour leur fille aînée. Et malheureusement, aujourd'hui, ils n'avaient toujours pas trouvé. C'était pour cette raison qu'ils étaient là aujourd'hui. Les visiter pour avoir de leurs nouvelles en personne mais aussi pour apporter un nouveau remède. Et puis, ça faisait toujours plaisir à Rae d'aller voir les enfants de cette famille, parce qu'elle s'entendait bien avec eux et qu'elle pouvait dire qu'ils commençaient à être tous amis. Du moins, elle l'espérait. Et la voilà devant les grandes portes du Manoir Mac Dubghaill, avec ses parents. Ils furent conduits à l'intérieur par un majordome, qu'ils connaissaient bien maintenant aussi. Menés au salon, les parents s'avancèrent pour s'assoir sur un des canapés présents. La demoiselle s'était attardée sur la composition du salon, rien n'avait changé. Elle aimait prendre le temps d'observer les choses, pour les garder en mémoire et ne pas oublier. Mais elle entendit du bruit à l'extérieur et fila s'asseoir près de ses parents. Les Mac Dubghaill étaient en chemin pour les accueillir. Et c'était avec un sourire aux lèvres qu'elle les attendait. |
we go way back. (emi)
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Re: we go way back. (emi)
A ses treize ans, les premiers symptômes sont apparus. Sa santé dégringole, à une vitesse que personne ne peut comprendre, même le plus expérimenté des médecins. Du jour au lendemain, Emi ne tient plus debout, elle n'a pas compris. Son corps vacillant, s'effondrant. Un rire s'échappe de ses lèvres pour détendre l'atmosphère et elle essaye de se relever. Mais rien à faire, elle est devenue incapable de marcher. En plus de ses jambes, ses membres supérieurs lui posent soucis. Il lui arrive fréquemment de faire tomber ce qu'elle tient entre les mains, comme si ses bras étaient trop faibles pour supporter le poids d'un objet, même le plus léger.
Son quotidien change radicalement. Emi arrête l'école, elle est incapable de s'y rendre. C'est à peine si elle peut circuler dans le manoir de la famille. Nola pleure, Nola s'agrippe à elle, ne désire pas s'éloigner mais son aînée ne lui laisse pas le choix. Elle lui répète que ce n'est pas grave, qu'elle sera vite remise. Dès que sa fratrie est dehors, elle cesse de sourire, elle réunit toutes ses forces pour atteindre la bibliothèque et étudier. Elle a des responsabilités en tant qu'héritière, un devoir à accomplir et de petits problèmes d'équilibre ne vont pas mettre fin à ses ambitions.
[...] Deux ans se sont écoulés et les petits problèmes d'équilibre n'ont pas cessé. D'autres se sont rajoutés, des difficultés respiratoires, une acuité visuelle en baisse, des palpitations cardiaques. Vivre est douloureux. Une épreuve quotidienne qui l'essouffle. Ses parents font tout leur possible pour trouver un remède, ils n'hésitent pas à partir toujours plus loin, dans leurs recherches, avec l'espoir de trouver un miracle pour l'aider à souffrir moins, pour l'aider à guérir.
Aujourd'hui, après une grâce matinée, Emi ouvre ses prunelles en sentant le corps de Nola l'enserrer un peu plus fort. Elles dorment ensemble, comme toujours. Parce qu'ainsi, sa cadette est au courant de son état et peut veiller sur elle. C'est plutôt le contraire, Emi se redresse péniblement, elle glisse quelques mèches blondes derrière l'oreille de l'endormie, l'appelle plusieurs fois avant de murmurer.
Les yeux de Nola s'entrouvrent difficilement, elle papillonne, émerge de ses songes. Quand elle se rend compte qu'elle est observée, ses joues s'empourprent et elle quitte le lit, bredouillant quelques bégaiements.
- Je peux encore me changer moi-même, ne t'inquiètes pas ! ❞
Nola, rassurée, hoche plusieurs fois de la tête et s'empresse de quitter la pièce, d'un pas rapide, elle referme lentement la porte, veillant une dernière fois sur son aînée. Emi attend quelques minutes, s'assure d'être seule avant de lâcher un soupir. Se préparer... Cela fait un moment qu'elle n'a pas pu la voir, il faut qu'elle fasse un effort. Il faut qu'elle sauve les apparences. Tout n'est pas aussi dramatique... N'est-ce pas ?
Emi inspire profondément, pose un pied au sol, avec prudence, elle se lève et se dirige vers la penderie. A son approche, ses jambes se dérobent, elle se rattrape contre le meuble, se pince les lèvres. Ce n'est rien. Cela arrive. A cet instant, la porte s'ouvre, la silhouette élancée de sa mère apparaît. Beibhinn, les cheveux tirés en un chignon sévère, le regard peiné de ce spectacle s'approche, elle soulève avec douceur son enfant, l'aide à se relever pour l'asseoir sur le lit. Ses mains se posent sur ses joues avec une tendresse maternelle que sa fille a toujours aimé ressentir.
- Je... Je me reposerai ce soir, Raeliana sera là... J'aimerais la voir... ❞
Sa mère acquiesce à sa demande, rares sont les fois où elle lui refuse quelque chose. Elle l'aide à enfiler une longue robe pourpre, sans aucun corset ni autre objet la restreignant. Beibhinn tresse joliment les cheveux de sa fille, dans des gestes délicats. Une fois prête, elle se lève sur ses jambes fragiles. Un pas après l'autre, elle avance au rythme d'un escargot pour ne pas rencontrer le sol. Elle atteint le couloir, s'affaisse sur le mur pour ne pas tomber. Dond, son père, la rattrape. Il échange un regard avec sa femme, un regard qui signifie « Pourquoi ne l'as-tu pas empêché ? Il serait plus sage qu'elle se repose... » puis il réalise que si c'est la volonté de leur fille, ils ne peuvent pas lutter.
La voix de Dond est grave, sa stature fait penser à celle d'un ours brun. La famille avance dans le couloir, apercevant les deux membres manquants. Nola joue avec ses doigts, Kin s'amuse avec un ballon qu'il abandonne dès que ses parents sont à son niveau. Il prend le relais de ses parents, soutient sa soeur, en même temps que Nola. La marche les mène dans le salon, le patriarche ordonne aux domestiques d'apporter le thé avant d'ouvrir la marche. Les salutations sont formelles, Emi attrape les pans de sa robe, essaye de faire une révérence en même temps que sa soeur. Ses mains tremblent, elle feint un sourire, laisse les adultes discuter, son attention est dirigée vers la brunette qui a presque son âge.
Le vouvoiement de la noblesse, avec ses parents présents, Emi préfère s'y contraindre. Elle contourne le canapé pour s'installer à coté d'elle, Nola et Kin demeurent derrière elle, comme ses anges gardiens, scrutant le moindre signe de faiblesse qu'elle pourrait montrer. Emi n'en tient pas rigueur, elle est habituée à prendre sur elle, tant qu'elle est assise, elle ne devrait pas avoir de soucis.
Elle y croit vraiment, elle le désire. Pouvoir voyager dans le pays et plus loin. C'est un de ses objectifs, une fois qu'elle sera rétablie. Son père interpelle Kin, ce dernier grimace et bougonne. Il s'éloigne, entraîné dans des discussions d'adultes, d'obligations et de devoirs. D'un regard derrière elle, Emi observe Nola, lui adresse un sourire pour lui signifier qu'elle peut rejoindre leur mère et ne pas s'inquiéter autant. Nola hésite, fixe le sol, sa soeur, le sol et concède à lui laisser de l'intimité. Même si elle sait qu'il n'y a qu'un sujet qui requiert cette confidence. Emi reporte son attention sur son invitée, murmure discrètement.
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Re: we go way back. (emi)
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La jeune fille prit le temps d'observer son amie, bien trop heureuse de la voir debout pour venir la saluer. Elle avait tout de même peur qu'elle ait usé trop d'énergie mais les regards de Nola et Kin la rassurait, elle était, évidemment, entre de bonnes mains. Ils s'inquiétaient tant pour Emi, Raeliana ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter aussi, de trop loin, elle était trop loin de son amie. Elles s'échangeaient des lettres, fort heureusement, mais ce n'était pas suffisant. Pour elle, du moins. Elle aimerait avoir plus de nouvelles. Ce temps était trop lointain, et seul Dieu savait ce qui leur arriverait ; un drame, des drames. Mais il ne fallait pas être morose, ce n'était pas l'heure. Emi s'enquérait de ses nouvelles, de nouvelles contrées qu'elle avait visité ; Rae le voyait à ses yeux, elle y croyait, elle le voulait. Et elle aimerait tant l'emmener dans tous les pays qu'elle a visité, qu'elle visitera, elle aimerait tant qu'elle soit en bonne santé pour voir ce que le monde avait à offrir, que les rêves deviennent réalités. Nous sommes allés en Islande, une nouvelle fois, c'est tellement beau, vous adoreriez Emi ! Des paysages à couper le souffle, je m'y sens tellement bien, il fait encore plus froid qu'ici mais cela vaut le coup, je vous souhaite d'y aller. Mes parents sont allés une nouvelle fois en Suède, j'ai hâte d'y aller moi-même. Ils ont beaucoup aimé, aussi froid que l'Islande, mais ils m'ont décrit un pays paisible. Ô Emi, vous n'allez pas en revenir ! J'ai hâte de vous emmener avec moi ! Et c'était vrai, elle avait hâte, elle ne savait pas quand Emi irait mieux et quand elle serait totalement guéri, mais il fallait parler du futur, de l'avenir et de l'espoir. J'espère que vous vous portez mieux, comment vous vous sentez ? Kin s'éloigna puis ce fut le tour de Nola. Et Emi lui demanda, ce qu'elle pensait, des pistes sur sa maladie. Raeliana n'avait pas de bonne nouvelle à lui annoncer, pas à ce moment là. Elle avait une maigre avancée, mais était-ce une bonne idée de lui donner de l'espoir ? Elle ne voulait pas lui mentir, elle ne voulait pas non plus la plonger dans le désespoir, mais il fallait qu'elle sache qu'ils n'avaient pas abandonné, qu'ils abandonneraient jamais (et pourtant, si tu savais Raeliana, si tu savais). Pas encore, malheureusement... Mes parents ont rencontré des médecins en Suède et ont parlé de votre condition, nous attendons des nouvelles par courrier mais nous n'avons aucune idée de combien de temps ça prendra... Je suis navrée de ne pas pouvoir faire plus pour l'instant, chère Emi... Elle attrapa discrètement ses mains pour les serrer avec douceur, pour lui montrer qu'elle était là et qu'elle n'abandonnait pas. Nous n'abandonnerons pas les recherches, je vous le promets. Et elle regardait son amie dans les yeux, pour lui montrer, pour lui faire comprendre, même si elle devait déjà le savoir. Murmures cachés, pour ne pas inquiéter, mais ils savaient tous, elle le sentait, leurs yeux sur elles, de regards furtifs ; ils s'inquiétaient tous pour Emi.
Re: we go way back. (emi)
Il en sera de même, même quand elle ne fera plus partie de la trame.
Car ce jour finira par arriver, Emi en a conscience. Tout ce qu’elle peut faire, c’est le retarder le plus possible afin de ne pas voir de larmes couler sur les joues de son entourage. Qu’ils puissent sourire jusqu’à la fin et qu’elle s’en aille sans qu’ils ne le remarquent. Qu’elle s’éteigne lorsque Raeliana sera loin, dans un merveilleux endroit, loin d’elle, loin au point d’oublier son existence et de ne pas être attristée de sa perte. C’est tout ce qu’elle souhaite.
En attendant, son sourire est rayonnant, sa voix est claire, lumineuse, pleine d’entrain.
Un petit oups franchit ses lèvres en se rendant compte qu’elle vient spontanément de la tutoyer. Elle se couvre la bouche de ses mains, rit gaiement. Un rire qui fait chaud au cœur, qui atténue sa bêtise et convint les adultes de ne pas venir les interrompre pour leur rappeler l’étiquette. Ils ont beau être sévères, ils préfèrent l’entendre rire et passer un bon moment avec une enfant de son âge que de la disputer pour quelque chose qu’elle pratique, en temps normal, à la perfection. Ce n’est pas si grave. Ce n’est pas si important.
Aux récits de la belle irlandaise, les yeux noisette de l’aînée se parent d’étoiles et de rêves. Elle s’imagine les décors d’un pays inconnu comme elle les voit sur les toiles de peintures apportées dans sa chambre. C’est le seul reflet qu’elle a de la réalité.
Emi ne peut s’en empêcher, c’est plus fort qu’elle de veiller au bien-être des autres, aînée d’une fratrie, elle a toujours gardé un oeil sur Kin et Nola. Et elle continuera de le faire. A la question de Raeliana, elle continue de lui offrir ses plus belles paillettes, lui en mettant plein les yeux.
Ah… C’est vraiment ce qu’elle veut lui dire ? Son sourire se courbe, fatiguée de devoir mentir, à elle, à ses parents, à son frère, à sa soeur. Ce n’est pas ce qu’elle ressent. Ce n’est pas ce qu’elle veut dire. Cependant, si elle cesse d’y croire, comment pourra-t-elle regarder ses proches dans les yeux ? Eux qui font tant pour l’épauler. Ses mains se serrent sur ses jambes, froissant sa robe.
Sinon, à qui sont destinées toutes ses prières ? Si ce n’est envers Dieu, qui peut-elle implorer de mettre fin à son calvaire, d’enfin trouver un remède ? Ses parents le font, tout le monde le fait et rien ne fonctionne. Encore une fois, ce sera le cas. Elle n’ose plus espérer un résultat déjà couru d’avance et pourtant, Raeliana lui attrape gentiment les mains, la soutient encore et encore. Le sourire revient sur son visage, chassant la peine passagère.
Ce n’est pas amusant de l’être, Emi ne peut rien faire seule, elle est constamment obligée d’être aidée dans tout ce qu’elle entreprend. Malgré cela, Raeliana ne s’en plaint jamais et ne la délaisse pas. Elle continue de venir, encore et encore, faisant serrer sa poitrine de reconnaissance. Emi n’a jamais été seule et c’est là sa plus grande chance.
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