Assis derrière une vieille charrette tirée par un robuste cheval de traie, Émile observait le paysage avec attention tout en caressant machinalement la tête de Buck, juste entre ses oreilles. De part et d’autre de la route se dressaient des collines d’un vert éclatant où paissaient paisiblement, de ci de là, quelques vaches. Les plus hautes pentes, celles qui dominaient largement les collines, étaient boisées et, par endroit, Émile pouvait voir une falaise abrupte briser la monotonie de la forêt.
Tout était si calme ici. C’était comme chez lui, de petites fermes isolées entre bois et collines, de larges prés à l’herbe humide et parfois, on apercevait une silhouette assistée d’un chien, patrouillant autour des troupeaux pour s’assurer de leur sécurité. Oui, s’il n’avait pas été en mission, Émile se serait cru de retour chez lui. Mais l’uniforme sombre qu’il revêtait, l’épée -bien dérisoire face à des akumas- qu’il portait dans le dos et le corbeau qui se tenait silencieusement à côté de lui ne lui rappelait que trop bien qu’il n’était pas là pour rêvasser ni prendre du bon temps.
Même si tout semblait indiquer le contraire, ils ne se trouvaient pas dans le Gévaudan si cher au cœur du garçon. L’Ordre noir les avait envoyés, lui et Buck, accompagné de la relative sécurité d’un limier de Central, dans le Jura suisse, au sud de Bâle. Il leur avait été rapporté des faits troublants. Dans cette vallée apparemment tranquille, plusieurs habitants avaient subitement disparu, soit la nuit, soit lorsqu’ils allaient se perdre dans les pâturages. La nouvelle avait rapidement fait le tour de la vallée jusqu’à remonter jusqu’à Bâle où la presse n’avait pas perdu une seconde pour faire paraître en gros titre :
Plusieurs disparitions inquiétantes dans des villages isolés
Lorsque le Grand Intendant avait montré la coupure de presse à Émile, ce dernier avait lamentablement étouffé un petit rire aigu. Ils savaient tous les deux très bien qu’il n’y avait jamais eu de véritable bête monstrueuse dans le Gévaudan et que celui qui correspondait le mieux à l’appellation "Bête du Gévaudan", ce n’était autre que Buck.
Néanmoins, comme il s’était révélé que les attaques relatées en Lozère étaient le fruit d’akumas, Komui avait estimé nécessaire d’aller sur place pour enquêter. Alors, comme un fait exprès, ce fut Émile qui fut dépêché sur les lieux, ce qui, il fallait le dire, ne lui plaisait pas spécialement. Après tout, ce serait certainement son premier combat et même s’il ne devrait s’agir que d’akumas de niveau I ou peut-être II, comment allait-il se défendre lui-même ? Ça faisait quelques temps qu’il s’entrainait à l’épée mais il n’était pas vraiment convaincu. Si les akumas décidaient de s’en prendre à lui, sa petite, ridicule épée ne lui serait d’aucun secours. Pas plus que le corbeau qui l’accompagnait.
La charrette se stoppa brutalement et l’homme qui la conduisait leur indiqua qu’ils étaient arrivés à destination : le village qui concentrait le plus de disparitions. Émile réveilla doucement Buck qui s’était endormi, bercé par les vibrations de la charrette et ils mirent pied à terre. Émile remercia chaleureusement le vieil homme qui ne put s’empêcher de lui dire :
« Une bien étrange destination, c’te village, si vous v’lez mon avis, dit-il en grognant. Faites bien att’tion à vous, mon p’tit gars. J’m’en voudrais d’vous avoir m’né à l’abattoir. »
« C’est promis, répondit le blond avec un sourire forcé avant de désigner Buck du menton. Mais ne vous inquiétez pas, j’ai mon ange gardien. »
Le vieux fermier grommela quelque chose qu’Émile ne comprit pas mais ça lui était bien égal. Il n’avait pas le choix, de toute façon.
Le garçon de ferme flatta le flanc du cheval de traie pour le remercier de les avoir mené jusque là puis rejoignit le corbeau qui l’attendait un peu plus loin, en retrait. Sans plus attendre, ils s’avancèrent dans l’unique rue du village où personne ne se trouvait. Ni enfants qui jouaient naïvement, ni vieilles grand-mères assises sur un banc à veiller sur eux d’un œil bienveillant.
Il régnait dans ce village une atmosphère pesante. Morbide.
- hors-rp:
- J'espère que ça te convient comme début