Il effectue les cent pas depuis plusieurs minutes. Mains jointent derrière son dos, regard pensif, le Grand Intendant ne sait quoi répondre face à un rapport détaillé que viens d’écrire sous une encre rouge la Maréchale Cloud Nine. L’homme se remet à lire le bout de papier, s’assoit lourdement sur son siège de bureau et soupire. Le voilà qui tapotent ses doigts sur le bois du bureau et soupire doucement. Il est observé par la blonde, qui assise sur un fauteuil, jambe croisée, déguste un merveilleux vin de France en tenant le verre à pied de sa main valide. Lentement, ses lèvres se marient avec ce breuvage sucré et délicieux qui empêche la femme de se concentrer sur Komui Lee. En ayant pris une petite gorgée, la balafrée fait tourner son vin grâce à des petits mouvements de sa fine main. Voilà bien plusieurs jours que cette affreuse mission en Écosse vient de se terminer. Malheureusement, l’Américaine n’a pas réussi à revenir indemne. Déjà blessée pendant le début, elle en revient encore plus mal en point que la dernière fois. Cloud Nine ne se plaint pas, comme elle le dit toujours, c’est le risque du métier. De plus, ces quelques jours de repos ont pu être bénéfique pour son corps meurtri. Elle ne ressent plus les douleurs suite à son combat au Danemark grâce aux soins professionnels des membres de l’Infirmerie et des Scientifiques. Normalement, la femme devrait être allongée dans un lit à se reposer si les soins de l’Ordre Noir n’étaient pas si avancés. Toutefois, elle ressent des effets indésirables dont la difficulté à trouver le sommeil, des vertiges, des maux de tête.
Le Grand Intendant lui demande une nouvelle fois si Cloud est sûre et certaine de vouloir vraiment transmettre ce rapport. Elle ferme les yeux, et hoche la tête silencieusement. Ce bout de papier mentionne une mutation d’une de ses élèves : Risa Holmes Drake. Pour la blonde, sa chipie trouvera des réponses à son deuil et à son passé tourmenté en allant dans l’unité d’Apollinaire De Buzancy. Ayant parlé avec ce respectable Maréchal, ce confrère, qui sort de l’ordinaire face aux autres hommes qu’elle a rencontrés, ce dernier sera plus en mesure d’aider l’Anglaise. Bien entendu, ce rapport est écrit à contre-cœur, devoir se séparer d’un de ses enfants est vraiment douloureux et puis, Cloud se sent une Maréchale incompétente de ne pas réussir à pouvoir faire tourner la page à Risa.
« Cette Exorciste n’a plus rien à apprendre des leçons que je lui ai enseigné. » annonce d’un ton calme et posé la blonde en fixant droit dans les yeux Komui Lee. « Apollinaire De Buzancy pourra gérer cette petite tête brûlée qui regorge d’une intelligence assez terrifiante. Au vu des précédents événements, je me suis rendu compte que mon aide pour cette jeune fille est inutile. Je peux la protéger, mais je suis malheureusement incapable de lui faire tourner la page. Encore une fois, me voilà incompétente sur ce genre de domaine. Il me reste encore beaucoup de choses à apprendre visiblement. »
La porte du bureau de Komui s’ouvre brusquement laissant apparaître sa secrétaire tenant un dossier entre ses mains. Elle interpelle l’homme et le prévient que ce document est assez important. Lee se met donc à lire, ses orbes effectuent des mouvements de gauche à droite, ses sourcils se froncent et une goutte de sueur froide coule le long de sa tempe. Cela intrigue intérieurement la Maréchale qui ne dit pas un seul mot, elle devient une partie du décor bordélique de cette pièce et cligne seulement des yeux pour ne pas être identifiée à une statue de cire. Puis, le voilà qu’il se redresse de son bureau, plaque ses mains sur la table en bois et fixe fermement la dompteuse. On lui demande si la femme est apte à retourner en mission car aucun Maréchal ne répond présent à l’heure d’aujourd’hui pour x raison. Bien entendu, Nine ne refuse pas mais demande à être accompagnée en seule condition. On l’informe que des traqueurs ont aperçu une personne sortant de l’ordinaire du quotidien. Il se cacherait dans le désert syrien au fin fond d’un village reculé et tranquille de la vue de tous. Peut-être que cette ombre étrange est un Akuma, un Noé ou alors un compatible. Si l’Ordre Noir découvre ce fait étrange, il est évident que le camp adverse est également sur les lieux ou le sera prochainement. Il faut donc, que Cloud arrive la première et découvre la vérité sur ce rapport étrange. L’Américaine termine son vin de France, salut respectueusement l’homme et la femme d’un simple hochement tête.
L’heure est venue d’aider la Maréchale à sortir de son repos forcé pour retourner au travail. Mais avant tout, la blonde compte réunir une petite équipe.
Les heures passent, les minutes se défilent, et la mission débute déjà en terrain inconnu pour la plupart mais pas pour la dompteuse. Malgré la chaleur atroce, la blonde n’est pas dérangée par ce changement de climat si soudain, par contre Lau Shîmin supporte beaucoup moins. Muni d’un turban autour de sa petite tête adorable, il respire rapidement, tire la langue pour exprimer qu’il supporte mal la chaleur et se met à supplier par des petits gazouillements sa maîtresse pour avoir encore de l’eau. L’animal tire doucement une mèche de cheveux de la blonde pour l’interpeller mais sans succès. Après tout, le petit vient juste de boire il y a à peine cinq minutes, à ce train-là, la gourde d’eau de Nine risque de s’épuiser trop rapidement. Patience petit capucin, le village est proche c’est du moins ce que se dit l’instinct de la Maréchale. Bien devant Adélaïde Thompson qui fait partie de son unité et d’Éleanor Ferreira qui est dans celle d’Apollinaire, la blonde fronce subitement ses sourcils. De ses yeux de lynx, l’amoureuse des animaux remarque quelque chose d’étrange, de suspect sur la jeune Éleanor.
« Ne bouge surtout pas. » ordonne-elle à la jeune femme.
Lentement, Cloud saisit son fouet accroché à sa ceinture puis d’un mouvement sec et très professionnel, la lanière en cuir de l’arme s’abat à quelques centimètres de l’Exorciste pour enlever un scorpion qui montait sur la botte de l’uniforme d’Éleanor. La dompteuse enroule la lanière de son arme puis l’installe à nouveau sur son ceinturon. Par curiosité, la femme s’approche de cette petite chose appelée : le rodeur mortel. Elle soupire doucement en constatant que le scorpion est toujours en vie puis le repousse avec sa botte pour l’éloigner du groupe.
« Soyez prudente les filles. » prévient-elle en reprenant la route. « Le désert syrien ne pardonne pas aux étrangers. »
Enfin, elles arrivent dans ce village magnifique et reculé des curieux. Le trajet fut long, très rude, éprouvant mais c’était nécessaire pour éviter d’attirer trop l’attention. De toute manière, voyager dans différents endroits n’a jamais dérangé la Maréchale. Au contraire, Cloud adore découvrir de nouveau lieu, loin de la Congrégation de l’Ombre et surtout pouvoir être en paix et en symbiose avec la nature. Ça lui rappelle ses moments où elle se promenait dans les plaines avec son lion et ses tigres. Cette douce pensée sur ses défunts animaux ne dure que quelques instants lorsque son élève ouvre la conversation, elle qui avait si sage depuis le début du voyage, d’ailleurs la blonde s’inquiétait un peu car Adélaïde n’est pas une alliée du mot silence. Est-ce donc ce terrain indomptable qui a réussi à la rendre muette comme une carpe ?
« Oui, une personne qui se démarque des autres habitants au niveau physique. » répond-elle d’une voix neutre et à peine audible aux oreilles des deux jeunes femmes. « Tâchons de ne pas dégrader cette tranquillité dans ce village comme il y a quelques jours en Écosse. »
Rien que de penser à Édimbourg, les cheveux de Cloud s’hérissent légèrement comme-ci sa colère souhaitait s’exprimer. Non, la femme espère ne pas revoir ce tragique destin sur ce village ne faisant qu’un avec la paix. Tous ses habitants ont l’air de vivre heureux malgré la pauvreté qui saute énormément aux orbes aigue-marine de la dompteuse. Tout à coup, la Maréchale repère au même moment que son élève, un individu qui s’enfuit à leur vue. Elle plisse ses iris, respire calmement et ne répond pas tout de suite à l’aventurière. Cloud est méfiante, hésitante, sur cet étrange fait, puis ses paupières se ferment lorsque sa décision souhaite sortir de ses lèvres délicates.
« Allons à sa rencontre. » finit-elle par dire.