Cette fois, il s'agissait d'une bonne vieille extermination d'akuma. Il avait, en partant du principe qu'il n'y en avais qu'un, été repéré dans une région connue pour sa gastronomie, la Bourgogne. Mais pas de doux fumet ou de bons petits plats pour moi: c'était une décharge à pestiféré que j'allais avoir le plaisir de visiter. Pour la bonne odeur, c'était raté. Et je doutais que ce que j'allais y voir me mettrait en appétit...
Mais je ne plaignais pas. Cette mission tombait à point nommé: c'était ça, ou me morfondre à Central, et perdre mon temps à soupirer sur cette singulière chasse au trésor que j'avais faites, à regretter que ce soit fini, à me convaincre que je devrais tout oublier, que ce genre de moments n'arrivera plus jamais: bref, à me lamenter stérilement sur mon sort.
En d'autres mots, elle me permettrait de me changer les idées. Ou, plus simplement, de ne plus en avoir, et de me contenter d'être une arme débile.
J'étais fait pour chasser les ordures, pas les trésors...
Et puis, réussir cette mission serait un bon moyen d'effacer l'échec de la précédente. Bien sûr, ce n'était pas ma faute s'il n'y avait jamais eu d'innocence, mais Central acceptait rarement les excuses: il leur fallait des résultats, point. Cette fois, ils en auraient. Même dans le cas où il n'y avait pas d'akuma, il y avait bel et bien des disparus, et une raison à cela: si je la trouvais, et réglais le problème, ce ne serait pas totalement une perte de temps.
Par contre, je n'allais pas faire cette mission seul. Le rapport indiquait que j'allais être accompagné d'un corbeau, un certain Peter Connoway. Jamais entendu parler. Ce devait être un nouveau, ou quelqu'un de trop peu doué pour être connu. Génial...
Enfin. En général, ils étaient moins agaçants que les exorcistes. Plus silencieux, déjà: ils n'avaient pas cette mauvaise habitude de poser des questions inutiles, ou d'essayer de "détendre l'atmosphère" en la replissant de nuisance sonore.
Ils étaient aussi plus pragmatiques: certains ne semblaient même pas dérangés par mon hybridation. Et, enfin, ils n'avaient pas cette vanité qui caractérisait les manieurs d'Innocence, convaincus de leur supériorité parce qu'un petit cube les avait élus...
Espérons qu'il en soit de même pour celui-là.
Je déposai le rapport sur la table, près de moi. Un dernier regard à la poupée de cire, et à la paire de lunettes à côté, et je sortis de ma chambre. Le rendez-vous était dans dix minutes, j'avais juste le temps d'arriver au lieu indiqué. De toute manière, je n'avais pas grand chose d'autre à faire...
Un regard sur mon futur compagnon suffit à m'agacer. Un gamin, tout juste sorti de l'adolescence. Et puis... Quelque chose me disait qu'il n'allait pas être si neutre -à défaut de bonne- compagnie que cela. Peut-être était-ce les multiples croix qu'il portait. Je savais que nous étions censés être du côté chrétien, mais ce n'était pas ces morceaux de fer qui allaient le sauver.
Peut-être était-ce aussi le sabre qu'il portait dans son dos. Les corbeaux étaient censés avoir été formés à se servir de lames aux poignets, une arme redoutable, bien plus qu'un vieux sabre: je n'aimais pas les fantaisistes. Un champ de bataille n'était pas une fête foraine où chacun affichait ses préférences.
Mais, surtout, ce qui me donnait un mauvais pressentiment à propos de la nature de notre future relation, c'était la tronche de constipé qu'il tirait, et le dégoût que je lus dans ses yeux quand il les tourna vers moi. Génial... Un de ces crétins qui n'avait pas encore compris qu'utiliser l'arme de l'ennemi contre lui était la meilleure façon de le vaincre.
En temps normal, cela m'aurait, au pire, irrité. Mais je ne m'étais pas encore réellement remis du contraste entre ma précédente mission et la chaleur de Lily, et la froideur de Central. Entre son sourire et la gentillesse au fond de ses yeux, et... Le genre de tête que tirait celui qui me faisait face. Du coup, j'étais déjà franchement énervé. Ce qui se traduisait, chez moi, par une pluie de piques et de sarcasmes.