Matin d'Hiver [PV Izaac]

Tranquillement, d'un pas léger et serein, tu avances dans les rues de Paris. Il est encore très tôt, et la brume ne s'est pas levée. Ce n'est plus dans ton habitude d'être aussi matinale, mais un horrible cauchemar t'a tirée de ton lit. Alors, tu vagabondes au sein de la Capital, profitant de l'air frais pour te changer les idées.

Air très frais, d'ailleurs. Tu sens que l'hiver n'est pas loin, et cela t'enchante autant que ça t'attriste. Tu aimes d'amour l'hiver, et les festivités qu'il apporte avec lui. Mais la neige te rappelle sans cesse à ton fils, et tu ne peux empêcher la nostalgie de gagner ton cœur. Peut être que cette année, ce sera différent. Peut être que tu arriveras enfin à faire le deuil de ton enfant. Tu souris tristement, le regard perdu dans le vague.

« Tu sais que c'est impossible, ma vieille Eugénie. »

Ton sourire disparaît, et durant quelques secondes, ton masque se brise. Mais heureusement, tu le retrouves bien vite. Après tout ce temps, c'est comme une seconde nature pour toi. Tu te remets en route, doucement mais sûrement. Tu n'as pas du but précis, pas de courses à faire ou de personnes à revoir. Tu veux juste te promener et voir où tes pas te mèneront. À ton âge, une telle aventure a quelque chose d'amusant.

Tu es perdue dans tes pensées – tour à tour tristes et absurdes – quand tu aperçois un jeune homme. Un peu surprise, tu te diriges vers lui. Il n'a pas l'air à l'aise, et tu te demandes s'il n'a pas froid. Alors, une fois à ses côtés, tu l'abordes doucement en lui tendant ton écharpe, un sourire chaleureux étirant tes lèvres.

« Tenez, ça devrait vous aider à affronter la froideur matinale. »

Le jeune homme n’a pas l’air à son aise, comme si quelque chose le tracassait. Tu ne t’en formalises pas le moins de monde et ne perds pas ton sourire.  A ton âge, on ne s’énerve plus de grand-chose. Surtout qu’il n’y a aucune raison pour perdre ton calme.

« Oh non, gardez votre écharpe madame. Je suis habitué au froid vous risquez d'attraper froid, vous. Le temps se rafraîchit. »

Ton sourire s’adoucit un peu plus encore – est-ce seulement possible ? – en entendant les inquiétudes du jeune Inconnu. Qu’elles soient sincères ou seulement de convenance, il n’empêche qu’elles viennent te réchauffer le cœur. Cela fait longtemps qu’on ne s’inquiète plus pour la vieille femme que tu es devenue.

« Ne vous inquiétez pas pour moi. J’ai connu des matins bien plus froid, vous pouvez me croire. Et puis, si je vous la propose c’est qu’elle ne me manquera pas. »

Et d’un geste délicat, tu enroules l’écharpe autour de l’intéressé.

« Elle vous va parfaitement qui plus est. »