be as one | pv Romain

Peut-être qu'ici, tu arriveras à trouver ce que tu cherches depuis tout ce temps? Es-tu réellement sûre de vouloir faire cette mission? Tu ne sais pas trop. C'est la première fois que Central te laisse filer en Espagne, c'est qu'il doit y avoir une raison, c'est ce que tu penses, parce que tu es peut-être une arme mais tu n'es pas bête Madalia, tu n'es pas idiote. Même si tu penses que tu as été choisie en dernier recours, tu te doutes bien qu'il y a une raison sur le pourquoi on ne t'a pas laissée revenir ici au cours des vingt-et-une dernières années. Vingt-et-une années où tu as vécu dans l'ombre, dans le noir total sur qui tu étais, sur ton histoire.

Mais as-tu réellement envie de retrouver qui tu es vraiment? As-tu envie de retrouver ton identité? Car au final, en retrouvant ton identité, n'as-tu pas peur de découvrir des choses qui t'effraieront? Des choses qui te détourneront de ton destin, de ce pourquoi tu es programmée, de pourquoi tu te bats, de pourquoi tu es une arme qui ne ressent rien, sans aucune émotion, aujourd'hui Madalia?

Tu te poses tant de questions, des questions qui peut-être, n'auront jamais de réponse, parce que peut-être, on ne te laissera plus jamais y réfléchir si tu oses désobéir à ce qu'on te dit. Mais au fond, tu peux effectuer la mission, mais tu peux traîner aussi. Chercher dans les mauvais coins oups tu n'as pas fait exprès t'adresser aux mauvaises personnes même oh c'est ballot, ce n'était pas prévu et toi tu seras là, tu sauras que c'était un mensonge mais au moins, tu sauras qui tu es. Une famille? Des familles? Pourquoi on t'a abandonnée? Est-ce que tu as des frères et soeurs? Quel est ton nom de famille, ce nom que tu n'as jamais pu porter, exhiber, parce que tu ne t'en souvenais pas, parce que tu étais trop jeune que pour être quelqu'un à cette époque?

Ce sont des questions qui te trottent dans la tête depuis ton adolescence, et c'est peut-être ta seule chance d'y répondre.

Mais tu verras sur le moment ce que tu feras.

Car là, maladroite comme tu es, étrangère dans ton propre pays, tu as heurté quelqu'un, de manière assez violente enfin, ça c'est toi qui le dit.
Tu te précipites vers lui, parce que ton but ce n'est pas de blesser les civils, toi tu dois les protéger, pas être là à les pousser, ce n'est pas ton rôle, tu laisses ça aux Noés et aux Akumas. Les civils se font déjà trop malmener par tes ennemis, il ne faudrait pas que tu t'y mettes aussi.

- N-ne vous inquiétez pas ! Je vais bien. Je n’ai rien !

Tu es rassurée, et tu fermes les yeux durant une fraction de secondes. Tu es soulagée, tu t'en serais énormément voulue si quelque chose lui était arrivé, oui même une simple égratinure, c'était déjà de trop pour toi. Après cette inquiétude et ce soulagement, tu reprends donc ton air fermé, froid, celui que tu dois arborer parce que Central t'as dit que tu devais le faire, alors ça fait vingt-et-une années que tu le fais, sans broncher, sans remettre cette pratique en cause parce qu'elle te paraît normale. Plus que normale, tu l'as assimiliée maintenant, et sourire serait pour toi la chose anormale à faire.

- Vous n’avez rien ?

Tu secoues la tête en guise de réponse négative. Non tu n'as rien, comment aurais-tu pu avoir quelque chose, regarde-toi, tu es taillée pour ne pas flancher, pour ne pas tomber. Même avec quatre épées dans le corps, tu serais toujours debout, parce que c'est ce que tu dois faire, c'est comme ça que ça marche. Tu es entraînée pour survivre, entraînée pour te battre, alors ce n'est pas un homme lambda dans la rue qui va te faire mal penses-tu, penses-tu seulement que cet homme est un homme lambda.

- Je n'ai rien, merci de vous en inquiéter.

Tu souris alors, brièvement, par simple formule de politesse, car ce sont les gens normaux qui font ça. Et toi, tu dois passer pour un gens normal aujourd'hui alors tu fais ce que font les gens normaux.
Et tu continues à parler en anglais, alors que tu pourrais très bien parler en espagnol, mais tu penses t'adresser à un étranger, et puis tu n'as plus parlé espagnol en mission depuis au moins des siècles, alors ça vient comme un vieux réflexe.

- Pardonnez ma question indiscrète mais… Vous n’êtes pas d’ici, non plus ?

Tu clignes des yeux quelques secondes. Il est vrai que tu n'as pas le faciès typique de l'espagnol, aux belles courbes harmonieuses, au joli visage basané, aux longs cheveux bruns ondulés et bien coiffés, aux yeux noisette pétillants de joie de vivre. Non, ce n'est pas toi, tu es même tout le contraire. Tu as l'air bien étrangère dans ce pays qui pourtant, fut le tien il y a une vingtaine d'années.

- Ah hmm.. c'est un peu compliqué. Je suis née ici, j'y ai grandi un peu puis... j'ai déménagé. J'ai parlé anglais par réflexe, et j'ai l'impression d'avoir... bien fait?

Tu te montres hésitante sur ta dernière phrase, parce que tu as peur de te tromper, tu as peur de vexer, car si ô grand malheur tu venais à avoir faux, ce serait terriblement gênant.

Et en vérité, tu ne sais pas lancer les discussions, pour cette raison justement, parce que tu es hésitante, et tu as peur de te tromper. Et peut-être un peu aussi parce que tu n'as pas beaucoup l'occasion de converser à Central, mais c'est une autre histoire.

- Qu'est-ce qui vous amène donc ici? dis-tu en remettant tes mains dans les poches de ta veste.

et toi, qu'est-ce que tu fais ici?
Oh, c'est simple.

Je cherche mon identité.

Je cherche ma liberté.

En vérité, tu avais un peu envie de te détacher de ce masque que tu portes constamment, sans relâche, sans cesse, depuis tant d'années. Ce masque qui, au final, ne te va pas. Ce masque qui cache qui tu es. Mais on t'oblige à le porter, comme s'il était une nécessité. Comme si les sentiments étaient un frein à la victoire.

Pourtant, tu vois les Exorcistes sortirent victorieux de leurs combats, de leurs batailles lorsque leurs sentiments éclatent. Tu vois également Rhian, qui doit être un des seuls Semi-Akumas à se laisser porter par ses sentiments parfois -même s'il s'est amélioré dans ce domaine (peut-on parler d'amélioration?). Puis il y a toi. Toi qui cache tes sentiments, et qui rate, qui échoue. Qui te fait reléguer au second plan parce que tu ne sais rien faire, rien faire de bien.

Tu as l'impression de réussir lorsque tu es avec Destiny parce qu'avec elle, tu abandonnes un peu ce masque. Ce masque rempli de méfiance, parce que tu lui fais confiance, elle est ton amie, ton alliée et tu le sais. Peut-être devrais-tu te confier à elle sur ce que tu ressens? Sur ce que tu aimerais vraiment être?

Oui, mais tu as peur. Peur que l'on t'entende, que l'on aille tout raconter aux supérieurs de Central, peur de te faire remettre à ta place, encore une fois. Une de plus. Tu ne veux pas, c'est humiliant de te faire crier dessus parce que tu es un peu trop toi-même. Mais que ne comprenne-t-il pas dans "ils n'arriveront jamais à te changer, à te briser, peu importe les moments"?

Pourquoi veulent-ils à tout prix te transformer en quelqu'un d'autre, Madalia, tu refuses ça, tu luttes contre, et tu es terrifiée à l'idée qu'un jour, tu n'aies plus la force de te battre contre eux, et que tu te laisses simplement emporter par leurs pensées et leur formatage. C'est ça ta plus grande peur en vérité.

Alors, peut-être que se confier à un inconnu serait une bonne idée?
Mais y arriveras-tu seulement.
Auras-tu seulement le courage d'essayer?

- Oh je vois. Vous connaissez donc un peu la ville ? Ou cela fait trop longtemps que vous êtes partie ?

Il te parle d'une voix douce, gentiment, ce qui te surprend d'un coup. Et ça te rassure, ça laisse tes doutes s'envoler. Car d'habitude, lorsque tu te fermes, lorsque tu revêts ton masque, tu te reprends ta froideur de plein fouet. Mais ici, c'est tout le contraire.

- Je n'ai fait qu'un bref tour... je reconnais quelques rues, qui me semblent vaguement familières. Mais sinon, c'est un peu comme une découverte.

Tu te détends, tout va bien, tu le vois, tu l'entends. le masque s'abaisse un peu plus. Après tout, tu leur as caché la vérité une fois, à Central, alors pourquoi pas aller contre les règles, une fois encore, comme au bon vieux temps de ton adolescence?

Alors tu souris, brièvement, très brièvement. C'est un peu forcé, mais pourquoi ne souris-tu pas plus souvent? ça te va pourtant si bien Madalia. Va plus souvent contre les règles. Bats-toi pour toi, plus pour eux.

- Je suis venu ici parce que la pluie a failli avoir raison de moi. L’Angleterre est un beau pays, mais parfois trop gris.

Tu hoches la tête, tu ne peux qu'affirmer, tu y es allée plusieurs fois en Angleterre -trop de fois- et tu peux comprendre son sentiment par rapport à la morosité du temps. Tu préfères le soleil -et ça peut en étonner plus d'un vu ton faciès toujours froid- parce qu'il est chaud, et que du froid -des gens froids- tu en croises tous les jours alors bon.

- Oh, excusez mon impolitesse, je m’appelle Romain. Et vous ?

Tu te dis que c'est un joli prénom Romain, alors qu'il te tend la main. Au moins, il ne se présente pas avec son nom de famille, tu n'auras pas à dévoiler que toi, tu n'en as pas. Alors, tu lui serres la main -ça te paraît tout à fait normal, c'est comme cela que l'on fait à Central pour se présenter (ou alors on s'incline, dans tous les cas, ce n'est pas ce que les gens font d'habitude).

- Je m'appelle Madalia. Enchantée.

Madalia, quel joli prénom tout de même, quel prénom inconnu aussi. C'est peut-être là une des seules choses qui te rattachent encore à ton passé d'ailleurs.

- ça vous dirait de discuter ailleurs qu'en pleine rue? Je pense que nous gênons un peu la circulation.

Tu jettes un oeil vers les gens tentant de vous éviter du mieux qu'ils peuvent et tu ne peux empêcher ce sourire mesquin de naître au coin de tes lèvres.

Quand on y pense, tu peux vraiment être une sale gosse quand tu le veux.

C'était comme si tu voyais à nouveau la lumière. Comme si ce masque que tu affichais chaque jour occultait cette lumière. Non, pire encore : comme si l'on t'avait posé des oeillères depuis tant d'années. "L'on"? Ou plutôt "TU"? Impossible de le dire.

Est-ce Central qui t'a posé ces limites? Ou alors est-ce toi qui te limite et qui te retient, depuis tant d'années? Par peur? Par manque de confiance? Par réflexe? Tu ne sais pas, et tu ne le sauras jamais.

En tout cas, ce que tu sais, c'est qu'il est temps que cela cesse.
La clé de ta réussite réside dans le fondement de ton existence, tu en es persuadée, au plus profond de ton être. Et tu te dois de le trouver. Si tu échoues encore une fois... tu ne sais pas ce que tu deviendras. Mais le déshonneur sera tel que tu seras sûrement une simple coquille vide, sans fondements ni valeurs.

Quelle horreur.

- Je vois. Cela doit être déroutant, cette familiarité mêlée à l’inconnu.

Tu hoches la tête et sourit brièvement, soufflant du nez comme pour évacuer une pression qui te pèse. EN vérité, parler avec autre chose qu'un mur de Central ou qu'un Corbeau froid, ça te fait du bien.

- Oui, oui c'est vrai ça l'est. C'est la première fois que cela m'arrive alors c'est d'autant plus déroutant.

Surtout qu'il y a quelque chose qui te chiffonne Madalia. Si tu es réellement née à Barcelone, tu devrais au moins avoir quelques souvenirs qui te reviennent en tête en voyant les rues, certains bâtiments qui n'ont pas bougé... mais il n'en est rien.

Rien ne te revient. Rien ne semble réel.

C'est si étrange, et si embarrassant. Etant donné le très peu d'informations que tu connais sur ta vie passée, tu comptais sur les possibles souvenirs qui pouvaient remonter à la surface pour t'aider à te remémorer, à retrouver une trace, n'importe laquelle. Mais comme d'habitude, il n'y a que toi, face au monde.

Comme d'habitude.

A ta remarque sur la potentielle gêne que vous pouvez représenter pour les passants de cette rue, ton interlocuteur se met à rougir. Tu fronces les sourcils, ne comprenant pas trop -tu as toujours du mal à décoder certaines réactions humaines après tout. Pourquoi rougit-il? As-tu dit quelque chose de mal? As-tu fait quelque chose de travers?

- O-Oui, bien sûr ! Je crois qu’il y a un endroit dans lequel nous pourrions nous sentir bien !

Oh, voilà quelque chose d'intéressant. Au moins lui, il a eu le temps de faire du repérage, pas comme toi.

- Je vous suis dans ce cas.

Et pourtant à Central, on t'a toujours appris à ne pas suivre les inconnus dans la rue. Et pourtant, tu refais toujours, toujours les mêmes erreurs. Mais bon, même si tu restes toujours sur tes gardes -tes défenses ne s'abaissent jamais, même chez toi-, tu te laisses tenter par quelque chose de nouveau, car tu as envie d'essayer, de tenter. De vivre, quoi.

- Ce sera aussi plus confortable pour nous. Étrange d’avoir une longue discussion dans la rue.

C'est vrai. Même si toi, tu as l'habitude de tout ça. Les longues conversation où tu ne participes pas vraiment, à rester debout, observer les échanges sans rien dire... c'est ton boulot. C'est ton quotidien.

- Je ne dis pas non à un peu plus de confort, même si je ne pourrais pas me poser trop longtemps je pense. Je suis ici pour le travail, pas pour faire du tourisme -malheureusement.

Tu aurais trop peur que quelqu'un te tombe dessus. Mais plus important que tout ça encore.

Tu as une vie à retrouver.