J'arrive malheureusement trop tard pour arrêter ma cible, moi la grande Sherlock Holmes que je suis. D’une petite pincée je manque d’attraper mon butin pour l’emmener directement à mon employeur. Peut-être que l’âge me ramollit et que cela vient aussi du fait de la douleur constante que j’endure par la perte de mon avant-bras droit. Ou bien des blessures causées par l’Akuma qui ressemble grossièrement à un phénix. Sans déconner, sa forme insulte les écrits des livres sur la légende de cet oiseau. J’ai tout de même eu très chaud de m’en tirer qu’avec quelques brûlures sur mon corps. Le moindre faux pas et j’étais bonne pour rejoindre le royaume des morts. Je me serais terriblement ennuyée dans les cieux, à ne point pouvoir élucider les mystères de ce monde, du moins ceux que je trouve intéressants. Je soupir bruyamment tout en ordonnant à mes chimères de revenir à mes pieds comme de gentils chiens. Au lieu d’avertir les autres combattants de cet échec inadmissible, je me contente pour le moment de trouver la raison de mon terrible échec. Instinctivement, mes pensées se tournent sur la beauté d’Adalie Elizabetch van Eyck qui n’est désormais plus à mes côtés. Aurais-je mentionné l’adjective beauté ? Je me fourvoie de ce ridicule mot qui ne signifie rien. J’ai toujours affirmé que la beauté est une construction fondée sur les impressions, influences et modèles de l’enfance. À croire que depuis ma jeunesse, j’étais choisi pour aimer les femmes et non les hommes. Sûrement parce qu’elles ont l’intelligence nécessaire pour me séduire ?
L’auteur de mon échec est doute la Noah, cela ne fait aucun doute. Sans elle, je serais arrivée à temps mais je souhaitais me servir de son Savoir pour améliorer mes chances de capturer mon énigme. Il faut croire que même la plus intelligente de ce monde se retrouve les mains vides, tout comme moi. Je la plains énormément, et je ne peux que la comprendre. Je l’imagine déjà geindre se plaindre en prévenant sa soi-disant famille.
Je grogne dans ma barbe en désactivant mes anneaux pour faire disparaître les formes aqueuses de mes chimères. Je laisse le soin à ma collègue aux deux couettes blonde de donner les résultats de cette mission qui est vouée à l’échec. Moi, je n’ai pas le temps de réaliser des bavardages inutiles à des prétendues collègues qui finiront soit par mourir soit par nous trahir. Il y en a des masses en ce moment et l’Ordre Noir devait faire quelque chose au lieu de fermer les yeux bêtement. Ainsi donc, j’entre dans les ruines où Sasha et Josef viennent de disparaître par l’intermédiaire d’une personne que je ne connais absolument point. Je n’ai même point réussi à extraire le moindre indice sur son apparence. Mon précieux palais mental était bien trop distrait par cette Noé dont mon cœur cesse de battre continuellement. Ah là là, je parle de traitre dans notre camp mais je pourrais très bien en être une à ressentir des sentiments pour cette femme. Moi qui répète continuellement que les sentiments sont une tare chimique pour les perdants. En effet, à l’heure d’aujourd’hui je suis une perdante. J’ai échoué contre ce novice qui s’est échappé dans le portail. Une chose dont j’ai horreur c’est de perdre et je suis extrêmement furieuse en cet instant. La moindre personne désireuse de m’aborder risquerait de subir toute ma colère sur le nez et je n’en serais point désolé.
De ce qu’il reste de mon uniforme, j’attrape un deuxième golem car le premier a été détruit en cours de route. Je le place dans la fréquence uniquement dédiée pour Central car je travaille pour eux et non pour l’Ordre Noir. «
Holmes au rapport. » commençais-je en posant mon derrière sur le morceau d’un bâtiment effondré. «
Sasha Sidorov accompagné de Josef Fisher s’est enfui par le biais d’une troisième personne. Impossible de savoir qui c’était je n’ai pas eu le temps de voir son visage. » Je coupe immédiatement la communication pour éviter d’entendre la voix de ma grande sœur Wanda. Je n’ai point le temps de bavasser pour des choses futiles surtout que je me doute qu’elle est en partie responsable de ma perte de mémoire. Je décide de replacer ce qui reste de mon masque sur mon visage et je reprends ma route en ne m’occupant nullement de Cristal Gomez. Rien qu’à voir sa coupe de cheveux, son regard, son uniforme et sa démarche, une dizaine d’indices m’indique son mode de vie ainsi que sa manière de pensée. Trop prévisible, à la manière d’un livre ouvert. Quand vais-je rencontrer une personne qui arrive à surpasser mes déductions ? Sûrement jamais. Dommage que ma perte de mémoire implique Xuan Ming que je trouvais dans le passé terriblement dangereux et redoutablement intéressant.
Sur mon chemin pour retourner au portail, je rencontre d’innombrables citoyens Allemands apeurés. Une femme vient même m’aborder pour me demander ce qui s’était passé. Elle en pleure, terriblement désespérée. Je hausse mes sourcils, mon regard maritime se glace à la vue de cette personne inintéressante. J’étudie les informations qui se dégagent de mon obstacle dont notamment du sang sur ses vêtements qui ne proviennent point de cette dernière. Pourquoi ? Mais n’est-ce pas évident en comprenant qu’aucune blessure trône à l’endroit où est déposé ce liquide rougeâtre. J’émets donc l’hypothèse que cette femme vient de perdre un proche, un membre de sa famille. Ses pupilles sont dilatées, ses tremblements correspondent à une maigreur de folie et l’anneau à son annulaire gauche signale qu’elle est mariée. Visiblement, elle a perdu son mari. Je n’émets pas l’hypothèse d’un enfant car j’aurai alors le couple à mes basques. Ou alors, le mari et l’enfant sont décédés mais j’opte pour le premier choix. «
Ne pleurnichez point. Ça n’a jamais arrêté la mort d’un défunt. Quel monde angélique ce serait ! » De ma main humaine, je repousse la désespérée tout en frottant la partie touchée par la femme à l’aide de mon autre paluche. Mon uniforme est déjà sale mais je n’aimerais point avoir plus de salissures.
Je finis par rentrer à l’Ordre Noir, la première ou non, peu importe, je m’en contrefiche. À cet instant, je me dirige immédiatement sur le chemin où se trouvent mes employeurs, mes supérieurs car j’ai un rapport assez amer à leur dédier. Dont notamment sur mon incompétence mais aussi d’informations à propos de l’Akuma en forme d’oiseau, de la traîtresse Tevak et pourquoi pas d’Ada van Eyck. Mais vais-je vraiment dire la vérité sur cette Noé ? Vous êtes bien trop bête pour y trouver la vérité.