Sabah était sublime dans cette robe et si Delsin avait été un peu plus bavard et un peu plus vivant, sans doute lui aurait-il fait la remarque – sincère – mais rien ne dépassa la barrière de ses lèvres et il ne suffît que de quelques mots de sa part pour que le Noé auquel il était soumis le reprenne. Pas de
Maître, lui dit-elle mais il était un peu compliqué pour la machine de se dépêtrer de ces formalités – après tout il n'était qu'un servant parmi d'autres, un soldat qui devait le respect aux Apôtres de Noé et il suivait comme l'âme déboussolée qu'il était la ligne conductrice qu'on lui imposait (celle de se plier aux ordres du Prince et des hôtes des Souvenirs).
« Sabah. » souffla t-il en hochant doucement la tête, une mèche de cheveux dévalant sur son épaule comme un filet d'eau. Il avait prononcé ce prénom dans un presque murmure, ancrant ce joli prénom dans sa mémoire. Elle lui avait demandé de l'appeler par son prénom, et Delsin obéissait docilement, se souviendrait de cette absence de formule hiérarchique en présence de la Déchéance. Et sans attendre, il laissa la Noé lui attraper le bras et passer le portail, la joie qui s'extirpait de sa gorge comme un feu d'artifice résonnant en écho dans l'esprit en ruine de l'Akuma.
A peine un instant plus tard et le manoir Boleyn se dessina devant le duo – splendide, faiblement illuminé mais transpirant de bourgeoisie. L'âme en peine scrutait la demeure avec une certaine curiosité, lui qui n'avait jamais goûté à un tel mode de vie – lui qui préférait les terres sauvages des Black Hills et l'odeur des chevaux plutôt que celui du luxe – et son attention finit par se porter sur le visage souriant de Sabah. Etait-il prêt ? Prêt à récupérer le Coeur et rendre service au Comte – au détestable Prince ?
« Prêt. » assura t-il de sa voix monotone, ses yeux luisant naturellement d'une espièglerie qui ne brillait que dans ses prunelles – jamais dans son cœur – et il se dirigea en direction du manoir, commençant déjà à se mêler aux riches couples qui avaient eu l'opportunité d'accéder à cette réunion secrète, tous excités à l'idée de se rendre à cette soirée. De ses yeux bruns, Delsin les observait quelques instants avant de reporter son attention sur d'autres individus, mettant sans mal en avant la possibilité de devoir les tuer si la situation l'exigeait – si l'un d'entre eux tenterait de prendre le Cœur à leur tour – et bientôt, ils montèrent les marches, leur élégance se mêlant à celle des autres invités.
Personne ne pouvait se douter que rôdait au sein de leur bergerie luxueuse deux loups prêts à récupérer ce qui devait leur revenir – une voleuse et un errant entre la vie et la mort – et arrivant devant la porte, un homme semblait attendre les cartes d'invitations. Delsin plongea la main dans la poche intérieure de sa veste et en tira les deux cartons. L'homme les laissa finalement entrer, et l'Amérindien scruta toutes ces parures dont était ornée le manoir Boleyn. Les invités s'étaient regroupés, et Delsin se sentait de moins en moins à l'aise au milieu de tous ces gens. Ses muscles se tendirent légèrement, mais il gardait bonne figure et ses yeux bruns observèrent discrètement le personnel, tentant de trouver parmi toute ce concentré humain le supposé détenteur du Cœur.
« A quoi ressemble t-il, exactement ? Cet homme que nous cherchons. » souffla t-il dans un murmure en se rapprochant de l'oreille de Sabah. Et bientôt,
bientôt, le Cœur serait entre leurs mains.
Halloween