i remember everything
Tes yeux parcouraient le document que tu avais construis au fur et à mesure de tes recherches concernant ce Brooker qui semblait un peu suspect, et si tu n'avais pas un dossier parfaitement rempli, tu avais pu remonter quelques pistes intéressantes. Autour de toi, les conversations résonnaient tout comme le bruit du verre qui s'entrechoque aux autres, mais tu étais désintéressé de tout cela, te concentrant uniquement sur ce travail qui occupait tes journées et ta vie en générale. Préoccupé par les possibles informations qui t'avaient échappées, tu réfléchissais encore et encore, gribouillant sur tes feuilles des questions, entourant des éléments, et ton thé se refroidît bien vite, la serveuse venant te tirer de ton travail. Tu relevas les yeux vers elle, faisant simplement un signe négatif de la tête pour lui dire que tu n'en voulais plus et elle te ramena bientôt l'addition, sans jamais essayer de s'intéresser à ce que tu faisais car tu le lui avais déjà fais comprendre par ta manière d'être et de faire que tu n'aimais pas les regards curieux sur ton travail. Rangeant tes affaires, tu laissas un pourboire et finit par sortir du salon de thé, plongeant une main dans ta poche alors que tu tenais ton dossier de recherche de l'autre. Tu n'avais pas vu qu'une partie de la journée s'était déjà écoulée et il te fallait rentrer chez toi.
Une journée comme une autre. te disais-tu, ta silhouette se mêlant aux passants. Tu avais l'allure toujours aussi rigide et blasée, contrastant avec les sourires que tu pouvais percevoir et les rires que tu pouvais entendre. Tes yeux bleu-vert s'attardaient parfois sur des robes et des costumes luxueux et la richesse qui émanait de ces habits te ramenait sans cesse à ta couronne envolée, à ta richesse perdue et à ta famille qui n'en était plus vraiment une. Les couleurs de ton monde s'étaient ternies et tu laissais celui-ci te guider çà et là, la mélancolie dévorant ton cœur. Tu rentrerais, Olga et Anya te faisant la fête avant que tu n'ailles grignoter quelque chose et t'occuper un peu avant de dormir. Ta vie était morose et un goût amer te restait toujours en bouche – toi qui aurais pu avoir bien plus – et d'un regard attentif, tu guettais les rues dans l'espoir de ne croiser aucun chat noir ni aucune autre source de malheur. Marchant tranquillement, tu te faufilais dans les ruelles et tu finis par traverser un parc, les oiseaux gazouillant au-dessus de ta tête. Des enfants accompagnés de leurs parents couraient dans tous les sens, et ton palpitant finit par rater un battement lorsque, parmi toutes ces personnes, tu en reconnus une. Tu sentis ton corps tout entier tressaillir.
A quelques mètres de toi se tenait celui que tu considérais comme le responsable de la mort de ton père. Comment oublier son visage ? Tu l'avais vu de tes propres yeux et le souvenir s'était ancrée dans ton esprit. Il avait fait s'écrouler les fondations de ta maison secondaire et alors que tu avais fuis, la main entrelacée à celle de ta mère, tu avais vu la mort frapper ton géniteur et le responsable était reparti comme il était venu. La colère t'avait rongée, la rancœur aussi. Tu ne pardonnerais jamais à cet homme ce qu'il avait fait et ton poing libre se serra. Tu savais cependant que laisser libre la haine que tu ressentais à son égard ne t'aiderait pas dans tes affaires – pas ici, pas maintenant – et si cela te demanderait de gros efforts pour contrôler cet élan de violence qui pulsait dans tes veines, tu décidas de t'avancer vers lui, te stoppant à deux mètres de sa silhouette que tu jaugeas avec une méprise non dissimulée, ton attitude pourtant toujours aussi détachée et disciplinée. « Quelle coïncidence. Je ne m'attendais pas à vous croiser ici après tant de temps. Vous souvenez-vous de moi ? » soufflas-tu d'un ton sec, les réminiscences défilant dans ton esprit. Tu n'avais rien oublié de ce cauchemar que tu avais vécu et maintenant que tu avais croisé à nouveau sa route, tu étais bien décidé à accomplir ta tâche avec autant d'ardeur que toutes celles que tu t'étais décidé à remplir. Amak ne s'en sortirait pas comme ça.