So tell me, where should we go ? To the left where nothing’s right, or to the right where nothing’s left ? — anja

C’est la première fois que tu fais ça, Pilar. Être assis à même l’herbe, à regarder — à défaut de savoir contempler — un coucher de soleil. Et tu voudrais y voir quelque chose de beau, quelque chose qui fasse battre ton cœur, quelque chose qui fasse naître une pointe d’émerveillement tout au fond de ta poitrine mais hélas — hélas — tu ne ressens rien de tout ça. C’est un spectacle que tu as vu mille fois mais que tu n’as jamais pris le temps de véritablement regarder, et tu ne peux pas t’empêcher de te dire que c’est une perte de temps. Le soleil se couchera exactement de la même façon le jour suivant, et tous les jours d’après, et comme tous ceux d’avant.

Ce qui est nouveau en revanche, c’est que c’est la première fois que tu observes un coucher de soleil en compagnie de quelqu’un. Anja est assise à tes côtés et si tu la trouves bien silencieuse pour le moment, tu le vois à ses yeux qu’elle ne pas tarder à t’expliquer tout un tas de choses — tu sais ce qu’elle sait — à propos de ce que vous regardez. Et, vraiment, tu ne devrais peut-être pas, c’est peut-être un peu lui mentir, mais c’est elle que tu regardes — bien plus intéressante que l’astre solaire. Tu ne peux pas t’empêcher de te demander comment cela fait de percevoir le monde à travers ses yeux, d’aimer les choses passionnément, d’aimer les choses tout simplement. De peindre ce que les choses ne voient pas, ce que toi assurément ne verra jamais — d’avoir envie de le faire, de ressentir de la joie.

Ce n’est pas que tu ressens rien, Pilar
c’est que tu ressens différemment
parfois rien parfois autrement
et tu ne sais pas bien souvent
comment le dire savamment
sans que cela ne paraisse étrange
aux autres gens

Alors tu regardes Anja
qui regarde le soleil
et tu te demandes un instant
lequel des deux
t’éblouit tant
elle de son vivant ou bien
l’astre qui s’en va
tu ne sais pas

mais tu ressens décidément
quelque chose à l’intérieur
pas très loin de ton cœur

Et quand elle te demande si tu trouves cela ennuyant tu veux presque l’interrompre pour lui répondre que oui — c’est ta réponse par défaut dès que cette question t’est posée car absolument tout en ce monde te semble ennuyant et c’est justement ça qui est
ennuyeux
enfin tu l’écoutes et plus elle parle et plus tu l’envies toi ça te fatigue déjà de t’imaginer penser à autant de choses et d’avoir la force l’énergie et l’envie de les dire et puis surtout réussir car malgré son blabla presque incessant tu comprends ce qu’elle essaye de te dire et tu aimerais lui répondre que tu en ressens tout autant mais la vérité c’est que
tu es vide Pilar
vide comme un pilier de verre
petits grains de sable

«

I think I understand what you mean, but… doesn’t that apply to everything ? At the world’s scale, everything stays unchanged, day after day. Buildings will always be there too, humans, plants, trees, roads, rivers, oceans, wars won’t be ended and humanity will still act as… humanity. Nothing ever changes. I don’t find that comforting. I find that it is proof that we are all doomed, if I can be honest. Same mistakes will be made… we just find news ways

. »

Et tu vois bien à sa tête que ce n’est pas exactement la réponse qu’elle attendait
ou peut-être au contraire précisément celle-ci tu ne sais jamais lire les visages
le sien encore moins il est beaucoup trop
beaucoup trop quelque chose tu ne sais pas quoi
enfin tu la regardes et tu souris car de compagnon tu n’en fais un pas bien joyeux
alors tu dis:

«

B-But, yeah… the Sun is beautiful. I… I think I like its colors. It’s the same everyday, but it is still a beautiful sight ! I think…

»

Tu n’es pas vraiment sûr que c’est ainsi
que l’on parle de ces choses-là
les choses que l’on aime et les sentiments
c’est toujours un peu plus compliqué pour toi

«

Oh ? What is your idea

? »

et cette fois-ci
aucune curiosité feinte
tu es vraiment intéressé
par ce qu’elle veut te proposer
alors tu continues de la regarder
en vérité tu ne l’as jamais quitté des yeux
ici des deux
c’est elle ton petit soleil et tu te dis
en la voyant souriante impatiente et colorée
que c’est un surnom qui lui irait bien
petit soleil

et tu aimerais bien je crois
qu’il te couve encore un peu
avant d’aller se coucher.

Oh Pilar
quand tu as posé la question
tu ne t’attendais à rien c’est vrai mais
quand même pas à ça
toi et elle elle et toi
tous deux dans la même chambre
des couleurs plein les doigts
de la peinture je crois
et tu l’écoutes t’expliquer
comment tout cela fonctionne
comme tout cela a un sens
comme même cela obéit à certaines règles
et si tu devais être tout à fait honnête
tu dirais que cela te fascine un peu
pour toi ce ne sont que des couleurs
pour elle c’est tout un univers
avec ses propres lois et ses propres travers
ses libertés et ses choix
et les choses qu’on ne doit pas
qu’est-ce qu’elle disait déjà ?
cinq couleurs
pour créer toutes celles du monde
tu es bien curieux Pilar
saurais-tu refaire
celle de tes yeux ?
Peut-être y verrais-tu un peu mieux
ce que ton coeur te cache désespérement
et si c’était dangereux ?
Ton coeur ou bien
ce que vous faites là
tous les deux

«

I’ve never done anything like this before, you know ? I barely know how it works, even with what you said. You make it sound so simple, but I’m at loss, to be honest

,

mais ce faisant tu mets un peu de rouge
sur le bout de tes doigts
et tu dessines tes premiers traits
sur ton canva
oh tu sais tout de suite que ce n’est pas ce qui fera battre ton coeur mais
c’est intriguant
reposant
apaisant
et un peu drôle aussi, si tu dois être tout à fait honnête

«

What… what should I be drawing ? Doing ? What do you usually paint and how do you know what you want to paint

? »

ça fait beaucoup de questions
tu te sens comme un enfant
ou plutôt un apprenti à nouveau
dans un monde où Anja serait ton mentor
et qu’elle aurait entre ses doigts
de l’Or

Sur ton canva deux traits se croisent
forment une croix
tu ne sais pas vraiment pourquoi
tu as fait cela
tu ajoutes un peu de jaune et tu peints un soleil
pour cela
tu as un bon modèle
tout près de toi
si près de toi…
oh

«

Nevermind, I think I have a better idea

. »

Sourire mutin
sourire mâlin

Oh
tu n’aimes pas tellement les choses
que les mots ne peuvent pas décrire
d’expérience
cela a toujours donné prétexte aux hommes
pour faire le pire
oh je ne savais pas
il n’y avait pas mot
pour me dire c’était quoi
tu as vu trop de guerre
trop morts
trop de gens morts
de manière que tu sauras décrire à vie
pour des choses
que les mots ne peuvent pas décrire

alors tu le décides à cet instant
tandis qu’elle t’explique
que ce n’est pas un talent
mais beaucoup de travail et beaucoup d’années
les mots grattent la surface hein ?
alors tu continueras à creuser
avec tes ongles s’il le faut
ou plus généralement avec un pinceau
des tableaux
et d’autres choses que tu trouveras peut-être beau
bref t’y mettras des couleurs oui
mais surtout des mots
voilà ce que tu veux peindre
des mots
un peu pour ceux qui sont morts
pour quelques uns de trop

mais pour le moment tu as d’autres idées
et quand elle te parle tu te dis
qu’elle ne doit de rien ne se douter
tant mieux
ce sera encore plus drôle comme ça
pour toi en tout cas
you just have to try it huh?
Après tout c’est ce qu’elle t’a dit
alors tu t’exécutes
et avant qu’elle ne puisse réagir
tu te jettes sur elle et la barbouilles de peinture
drôle de texture drôle de mixture
un peu comme de la confiture
sur son visage qui ne s’y attendait pas
tu en es sûr.

«

You said anything could be a canva, right

? »

tu lui susurres presque à l’oreille
fier comme un pou
de ton petit coup.

Indeed
she is very good at that

c’est ce que tu te dis quand à son tour
elle te barbouille de peinture te refais les contours
et partout sur ton visage étale du bleu
oh Pilar ça te rend curieux
à quoi ressembles-tu ainsi ?
Sans la cicatrice qui fend ton visage en deux
et te rappelle à chaque fois pourquoi tu es parmi eux
changerais-tu d’histoire si tu changeais d’apparence ?
et surtout pourrais-tu y croire
croire à d’autres hasards
Pilar ?

Mais voilà pas le temps de te perdre en contemplations
pas le temps de refaire le monde
tu dois le prendre pour ce qu’il est
tel qu’il est
c’est l’essence même de ton devoir
et tu ne te feras pas avoir
par de jolies couleurs et un autre miroir
parlant de couleurs tu es fier de ton oeuvre
du rouge du jaune du vert et un peu de noir
Anja est méconnaissable
mais tout aussi adorable
tu la regardes d’un air amusé
un peu essoufflé par votre bataille de pinceaux
tu trouves qu’elle a l’air d’un gâteau
un peu trop sucré

«

It’d be more fun if you’d just let me do my thing

,

demi-sourire
petit air de défi
tu ne penses pas ce que tu dis

—

instead of acting like a feral cat ! You didn’t warn me that canvas could be so rebellious

, »

tu dis ça en riant un peu
discrètement
ton rire n’est pas fort
à peine audible
mais ton sourire est bien là
caché sous le bleu de tes joues

—

I think I’ll just go and ask for a refund

, »

tu fais mine d’être déçu
tu forces un peu trop le trait
pour que l’on y croie une seule seconde
mais elle n’a pas tort tu dois bien l’avouer
it is fun, after all

and maybe it is
because it’s you

either way
I wouldn’t know

«

Oooh, you’re a special brand now ? Really

? »

Tu la regardes comme un prédateur observe sa proie
prêt à fondre dessus au moindre faux pas
il y a un peu de taquinerie dans ta voix
et beaucoup de joie
oh tu sais que ça ne durera pas
ça ne dure jamais longtemps
tu le sais à présent
ton coeur est comme ça
il ne sait pas ce qu’il aime
il ne sait pas ce qu’il perd

et tu t’égares un instant
sur son joli minois
et ses manières d’enfant
et tu te demandes
est-ce qu’elle pourrait changer ça
Anja ?

Après tout tu t’amuses avec elle
elle ne t’embête pas
elle écoute ce que tu lui dis
comme si tes mots avaient une quelconque valeur
elle s’émerveille d’un rien
prends ce que tu lui donnes
enregistres les irrégularités de ton coeur
mais où trouve-t’elle la place pour tout ça
derrière ses petits pinceaux et ses grands canvas
où trouve t-elle la place
pour toi

Dis-moi Jun
quelle drôle de fleur
as-tu soufflé vers moi ?

«

I want to paint on the sky

,

cela te vient comme ça
sans réfléchir
ton coeur s’il ne bat pas
ne sait pas mentir

—

color it pink and green

,

Tu te laisses tomber un peu dramatiquement sur le sol
et tu fixes le plafond
comme si tu pouvais y voir ton oeuvre
tu pointes un petit coin du doigt
fais de grands gestes avec ta main
les yeux rêveurs
la voix tiède
et basse

—

and then watch it all day

… »

and it’d be
a rainy day
and you’d be here
with me

«

I know. But I’d want it pink in daylight. That would be a sight

… »

Tu te perds dans tes rêveries
plus trop sûr de ce que tu dis
ni si cela a vraiment du sens
là tout de suite
ça n’a pas d’importance
tu t’accordes un moment pour te reposer
et songer à une autre vie
un autre destin
qui t’aurait fait prince
ou moins-que-rien
qui t’aurait fait tâche d’encre
dans les pages de l’histoire
oui voilà tu rêves d’une vie
où tu aurais eu ta place
quelque part

Tu ne te l’autorises pas souvent
mais avec elle c’est différent
elle a cet air de liberté
attaché à ses traits
un je-ne-sais-quoi qui te donne envie
d’apprendre à voler
à lâcher prise et tomber
et n’atterrir jamais
oh si seulement !

Anja s’allonge à tes côtés
observe ton canva y pointe quelque chose du doigt
tu souffles amusé
elle t’a déjà si bien cerné
tout en restant un mystère

«

You’re absolutely right

,

dis-tu d’un ton enjoué
embrumé

—

What would a sheep do in the sky anyway

? »

en disant cela tu te redresses légèrement
juste assez pour te coucher sur le ventre
les coudes appuyés sur le sol — tu la surplombes un peu
tu l’observes un moment sans rien dire
scrutes les traits de son visage

«

How come you know me already and you’re still a mystery to me ? It’s not fair. Tell me about you, Anja

, »

dans les moindres détails
conte moi mille et une merveilles
au creu de mon oreille
mon petit soleil

Et tu l’écoutes
encore et toujours
plus que ses mots
c’est le son de sa voix
qui éveille quelque chose en toi
un je-ne-sais-quoi
un je-ne-sais-pas
pourquoi
je veux que tu restes là
tout près de moi
Anja
ne reprends plus la mer
ne me laisse pas amer
de n’avoir pas su
prolonger l’éphémère
ne repars plus en guerre
oublie les flots
qui t’ont portée hier
oublie même l’eau

oh

je me suis encore égaré
sur tes mots

who am i, really ?
c’est ce qu’elle te dit
et tu as la dangereuse envie
de lui dire: i want you to be
my
(...)

oh Pilar si seulement tu savais
différencier le pinceau de l’épée
et l’encre du sang
dans ton coeur les battements
sous ta plume les biffures
ligaments

dis Pilar est-ce le vent
qu’en fait tourner les pages
ou est-ce tes vieux rouages
huilés de sentiments ?

«

You can’t be, and be nothing at the same time, you know

?

oh tu as bien compris ce qu’elle voulait dire
mais si tu devais la décrire
tu noierais le papier sous tes mots
et tu sais d’expérience
d’aventure et de ratures
que cela suffit à faire d’Anja quelqu’un
ou ne serait-ce que quelque chose

un petit soleil

—

You’re definitely something to me, at least

. »

something i can’t
quite define
just yet

tu replaces une mèche de ses cheveux
enfin tu ne la replaces pas vraiment — tu la déplaces un peu simplement
pour éclaircir son visage
te perdre dans ses mirages enfin
en vérité
tu voulais juste la toucher
alors tu l’as fait
juste comme ça

«

I was asking about the one you’re willing to share

,

with me
right now

, »

oh

tu l’as dit à voix haute ?

Et ses mots dessinent un chemin
sur lequel tu te promènes
près d’un champs de verveine
ou d’une allée de jasmin
abreuvée par ses yeux d’eau
de pluie
te berce au creux de ses nuages
gris
souffle si près de ta peau
que tu pourrais lire sur ses lèvres
même avec les yeux clos

que tu pourrais tracer sur la sienne
avec tes doigts d’orfèvre
quelques arabesques
chauds

évidemment qu’elle te prend au mot
évidemment que tu l’écoutes
et bien qu’elle assemble des syllabes
déjà toutes prononcées
décortiquées
détricotées
par le passé
(ta mémoire le sait)
sa voix a le goût des choses nouvelles
et tu te dis

oh

qu’est-ce que ça la rend belle
j’irais bien cueillir chaque voyelle
à la commissure de sa bouche

singularité

simple curiosité
bien gardée

tu songes à ce que tu vas lui répondre
comment la confondre
la faire
fondre

et pourtant quand elle te demande
what am i to you
les mots restent sur ta langue
tant et si bien
que tu n’entends presque pas la fin
tu n’écoutes
que ta faim

the forbidden one
tout cela a le parfum de l’interdit
et tu voudrais savoir quel goût il a
cet air là

son sourire mutin
ses yeux taquins

oh comme tu voudrais comprendre
tous les détours et les méandres
toi le gardien du souvenir
incapable de retenir
les chemins qui mènent au plaisir

à jamais piégé entre les choses que l’on sait
et celles que l’on apprend
créature d’habitudes
drapé de servitude

dis Anja
si tu reprenais la mer
laissais derrière toi la terre
sa misère

mes prières

m’emmènerais-tu avec toi
loin de la solitude ?

oh comme tu voudrais lui tendre
tes bras et attendre
(...)

«

I like it when you blabber nonsense

,

tu lui souris
et tu t’éloignes à contre-coeur
oh juste un peu
pour ne plus avoir peur
de tomber dans ses yeux

—

I wouldn’t know the difference, anyway

. »

que tu me parles d’Anja
ou d’une autre que toi
comment saurais-je si tu mens
si tu te dévoiles
vraiment

«

I want to know, though. What is so forbidden about the you that exists right now

?

chassez le naturel et (...)
tu la regardes à nouveau
de très près je dirais même
d’un peu trop
tu la regardes et tu sèmes
au fond de tes yeux une question germe
lequel de nous deux
tombera de plus haut

—

What you do

?

et tu prends sa main
la pose sur ton coeur
places doucement tes doigts
tout près du sien

—

or what you feel

? »

et tu voudrais lui faire savoir

si tu fautes avec moi
j’en garderai le secret
j’effacerai nos péchés
du reste de l’Histoire

«

Come on, Anja

,

tu as commencé tout ça
ne te défile pas déjà
je ne te laisserai pas
filer entre mes doigts

—

Show it to me. The real you

,

come on
let me bask in your light
my little sunshine
let me hold you tight
mine mine mine
revel in your delight
alright

—

show me what you are

,

what you want to be
what you could be
if only

—

to me

. »

and only me.

Elle parle
parle encore et
parle toujours

et tu l’écoutes Pilar
comme si t’avais peur
de devenir sourd

pendu à ses syllabes
pendule de ton coeur
tic tac sonne l’heure
et en ton sein l’aorte
déjà t’exhorte
(...)

bientôt l’oiseau chanteur
ouvrira la porte

Mais Pilar tu es un être simple et ennuyeux Pilar les mots n’ont rien de poétique à tes yeux ils n’expriment rien que des faits ils n’aident pas à comprendre simplement à trier classer ranger ouvrir le tiroir puis le refermer un peu oublier enfin tu n’oublies vraiment jamais mais

parfois tu mets de côté
double tour de clefs
jette-les

ne plus y penser

ne plus penser
ne plus penser
ne plus penser

panser
dis Anja saurais-tu
panser mes plaies ?

sauras-tu d’abord les trouver
je les ai bien cachées
il paraît

moi j’en sais rien tu sais
j’fais que ça
les chercher

je sais qu’elles sont là
quelque part sur mon corps
tu sais j’les sens encore
sous mes doigts
parfois

dis Anja si c’était tes mains
est-ce qu’elles trouveraient le chemin
de mes chagrins

elle te dit
que vos coeurs battent parce qu’ils sont vivants
comme vous
comme toi

dis,
c’est vrai ça ?

«

Its alive because it’s beating. It’s just a simple biological res

—

et tes mots s’arrêtent là
elle vient de poser sur toi
ses dix doigts maladroits
et pourtant si habiles
à l’ombre de tes cils
tu te sens
fébrile

Pilar ça te serre le cou
te tord l’estomac
de violents remous

—

…ponse. Anja

… »

et tu sais je voudrais comprendre
pourquoi toutes mes réponses
finissent par un point d’interrogation
pourquoi mes parce que
sont toujours ponctués d’un mais
de si
et seulement

beaucoup de question
d’un coup c’est trop
tu te noies sous le flot
de ses assauts

terrible tempête
dans un verre d’eau

tu sens sa peau
sur tes os
brûle des sillons
en ailes de papillons

et juste comme ça Pilar
tu fonds sur Anja
comme un prédateur sur sa proie
comme un pécheur sous le poids
de sa foi

Et ta joue contre la sienne tu restes comme ça tes yeux clos et un morceau de ton visage lové contre son image tu inspires respires transpires tu ne vis pas Pilar mais

tu veux réussir
rien qu’une fois
juste cette fois

alors tu la serres contre toi
et tu murmures, tout bas
plus bas

«

I’m sorry. That was… a lot of questions, just right now. It kinda… put my brain into short-circuit

. »

et quand j’observe le monde
je ne lui demande pas comment
mon regard est indifférent
je ne questionne pas le monde
je l’écris sur un bout de papier
blanc

«

I can’t answer you, Anja. Believe me, if I knew… I mean, if I could

,

trust me
if only

—

I would, but… right know, I just– I just feel you

,

only you
all of you

you
you
you

—

and it feels… good

. »

je ne peux pas te dire pourquoi
ni comment
mais je me sens bien avec toi
là, maintenant

et puis un sourire dans son cou
souffle qui dérange
ses cheveux d’ange

«

You smell like dried paint

. »

and a little bit
like me
too