Suzanne observe un couple tout en buvant une tasse de thé. Ses yeux clignent plusieurs fois, essayant de comprendre pourquoi la madame se fait désirer plutôt que de tout de suite accepter les avances qu’elle reçoit.
Franchement, ils aiment se compliquer la vie.
Suzanne sort sa montre à gousset de sa poche, observe les aiguilles qui tournent. Elle va devoir mettre un terme à son observation sous peine de faire attendre Anja. Et elle n’aime pas être en retard, bien sûr, cela lui arrive puisqu’elle n’a pas un très bon sens de l’orientation mais à Londres, difficile de se perdre. (Surtout parce qu’elle a étudié la route au préalable).
Vêtue d’un long pantalon noir et d’une chemise beige, Suzanne marche à grandes enjambées dans les rues. Son regard ne peut s’empêcher d’être attiré par les échanges que partagent des humains entre eux, ici et là. Pour peu, elle s’arrêterait sauf qu’elle ne peut pas. Vraiment pas.
Au croisement d’une ruelle, ses yeux émeraude repèrent sa victime qui l’attend. Un sourire éclot sur son visage, une de ses mains tient sa sacoche et l’autre lui adresse de grands signes de mains alors qu’elle s’écrie.
La discrétion ne fait pas partie de son vocabulaire. Ce n’est pas parce qu’elle se fait entendre que l’Histoire subira de grandes modifications. Elle rejoint la demoiselle au teint hâlé, ne tenant pas sur place, elle piétine d’un pied sur l’autre, impatiente à l’idée de lui montrer ses progrès.
Suzanne inspire un bon coup, fronce légèrement des sourcils pour se remémorer de ce qu’elle a vu et le reproduire à la perfection. Elle bombe la poitrine, s'approche d'un pas rapide et elle la plaque contre un mur, son visage se rapproche du sien, alors qu’elle prend un accent espagnol complètement foireux.
Il s’écoule un blanc pendant lequel Suzanne admire sa propre performance, toute fière, elle croise ses bras contre sa poitrine et lève le menton. Parfait. Fidèle à ce qu’elle a aperçu. Rien à redire. Elle glisse un clin d’oeil à son amie, bouche bée par ses talents d’acteur, c’est sûr et certain. Ce n’est certainement pas sa stupidité qui la met dans cet état.
Faut-il vraiment commenter cette piètre réplique lourdingue et ridicule ? Apparemment, oui.