La vie de fuyard n'était pas évidente, et pour tenter de trouver un peu d'argent, le misérable ne cessait de chercher, encore et encore, hanté par ce passé qui lui tordait douloureusement le cœur et ce futur qu'il voulait fleurissant mais dont il ne voyait que peu les contours. Seul avec un Souvenir qui l'avait obligé à quitter la seule personne qui ne l'avait pas rejeté, plongé dans des tourments qui avaient creusé des cernes en dessous de ses yeux, Blasius avait tenté
malgré toute la malchance dont il était victime de demander à la belle si elle n'avait pas de travail pour lui. Après tout, elle semblait riche, impeccable et peu importe le travail qu'elle pourrait lui demander, l'hôte de la Maladie était prêt à le faire. Pourtant, la femme – sublime – qui s'était crochetée à son bras n'avait rien à lui donner et ce qu'elle faisait semblait être aussi dangereux que le fait de signer un pacte avec le Diable.
N'importe quoi mais pas là-dedans. avait-elle dit, et Blasius ne se doutait pas qu'il s'agissait d'un travail en lien avec la Guerre Sainte dont il faisait désormais partie. Il ne se doutait pas que cette femme qui l'avait pris la main dans le sac n'était autre qu'un pion parmi tant d'autres du Comte qu'il finirait par rejoindre grâce à Illness.
La curiosité grandissait dans sa poitrine, mais son cœur s'était serré en entendant les propositions de la demoiselle au teint halé.
Café, commerce. Blasius avait déjà tenté, mais beaucoup d'entre eux l'avaient rejeté parce qu'il n'était qu'un misérable, un chien errant et le joueur de harpe secoua ainsi doucement la tête de gauche à droite.
« Peu nombreux sont ceux qui acceptent de tendre la main. Je suppose que je vais devoir faire avec. » dit-il calmement, un sourire encore perché sur ses lèvres alors qu'à l'intérieur la douleur le dévorait encore et encore, sans jamais relâcher la pression qu'elle exerçait sur son palpitant en peine. La partenaire de l'homme qui avait rejoint celui qu'il avait volé restait en tout cas mystérieuse et si les questions défilaient dans son esprit, le Noé ne demanda pas de détails, conscient qu'elle ne lui donnerait rien de plus – elle avait dans son regard une façon de s'exprimer que Blasius parvenait à comprendre et si elle ne disait rien de plus, alors mieux valait ne pas insister. Pouvait-elle au moins lui donner son prénom ? Le jeune homme se présenta en premier, et sans attendre, sa partenaire de quelques instants prononça ces deux noms qu'il n'avait encore jamais entendu jusque là.
Asiye Yagmur. « Enchanté, Asiye. » dit-il en inclinant légèrement la tête, son regard scrutant ce sourire qui s'était dessiné sur les lèvres de la prisonnière, avant de figer à nouveau ses yeux devant lui.
A son tour, Asiye montrait une certaine curiosité et Blasius ricana légèrement, amusé par la réflexion de la demoiselle. Lui, connaître ce pays ? Malgré le temps passé sur ce territoire, il n'avait pas eu l'occasion de tout découvrir et les quelques plats qu'il avait pu manger n'avaient pas tous été des spécialités d'ici. La population lui était encore étrangère bien qu'il s'y soit mêlé à quelques reprises, mais Illness occupant désormais une part de lui avait rendu son quotidien plus difficile et le garçon s'était davantage reclus qu'exposé aux yeux de tous.
« Je ne pourrai malheureusement pas vous servir de guide. Je peux simplement vous dire, d'après mon séjour ici, que leurs spécialités sont délicieuses et qu'il doit y faire bon vivre quand on parvient à s'intégrer aux autres. Peut-être y parviendrez vous. Pour combien de temps restez-vous ici ? » demanda t-il, les yeux luisant de curiosité s'égarant sur ce visage aux traits délicats – presque aussi beaux que ceux de Sua (Analéa) – et son cœur se serra à nouveau, son esprit torturé rapidement captivés par la voix de l'originaire de Constantinople.
L'Empire Ottoman. Constantinople. Voilà un territoire que Blasius n'avait jamais eu l'occasion de fouler et pendant un instant, il se demanda si sa fuite allait durer encore longtemps et s'il allait, durant son périple, pénétrer sur ces terres dont il ne connaissait rien. A quoi pouvait bien ressembler la vie, là-bas ?
« Je n'y suis jamais allé. Mais vous pourrez peut-être me parler de votre culture autour d'un repas, dans ce restaurant ? Je suis curieux de connaître les différences. » dit-il, ses yeux ayant repéré l'enseigne qui l'attirait depuis déjà quelques jours, et son attention tourné vers Asiye, il ne put empêcher d'autres mots de dépasser la barrière de ses lèvres.
« S'ils n'en ont que faire de vous, je serai tout ouïe. » souffla t-il, l'espoir qu'elle ne refuse pas dansant dans son cœur. Elle le tirerait encore un peu de sa solitude et peut-être que lui parviendrait à lui changer les idées – cette femme dont il n'oubliait pas le dégoût affiché sur ses traits délicats.
Halloween