Attrapant une chaise dans un coin de la pièce de musique, Cassidy l’installe près de son grand frère afin de pouvoir écouter les notes, les récits, la musique que peut dégager cet homme qui bizarrement semble pouvoir calmer la furie destructrice et révoltante de la Duchesse. Il est sans doute le seul mâle, l’unique loup à pouvoir apaiser la prédatrice et ce lien qui se construit peu à peu entre les deux Descendants de Noé procure un bien fou pour Lady Danvers. Assise sur cette chaise, mains jointes sous forme de prière entre ses jambes afin de les réchauffer, silencieuse comme jamais pouvant être considérée comme un décor de la pièce, l’albinos dépose son regard bienveillant sur Blasius Barnes. Scrutant son nez, son oreille visible, ses cheveux, la couleur de ses billes si unique, ses sourcils, ses joues… Un faible sourire se dessine alors sur le visage blanchâtre et pâle de l’hôte de Mordred. Comme c’est agréable de contempler cet homme, on pourrait le considérer comme un gardien d’Éden. Il dégage tellement une aura apaisante, réconfortante que la Duchesse aimerait poser sa tête contre son épaule afin d’y fermer ses lourdes paupières pour reprendre un peu de sommeil ou du moins rattraper ses nuits qui deviennent bien trop courtes pour dormir. Quel est donc ce sortilège ? Cet envoûtement que dégage abondamment la Maladie ? Est-elle malade pour être resté trop longtemps auprès de son grand frère ? Son cœur bat très faiblement, il se met à dormir tout en continuant de marcher sur le long parcours qui l’attend devant lui vu que l’Anglaise détient désormais une espérance de vie très élevée, très haute grâce à sa nouvelle nature de Descendante, d’Apôtre. Ô cher Blasius, il ne le sait pas encore mais la Louve Blanche est extrêmement heureuse de l’avoir rencontré pour de bon. La voilà qui pourrait ronronner de plaisir à la manière d’un chat qui se frotte aux jambes de son maître pour récolter des câlins, de l’attention. C’est un amour fraternel que ressent Cassidy comme elle l’a pour Adelheid Von Rosenwald qui à ses yeux est la sœur dont la mondaine a toujours rêvé d’avoir. Cependant, son désir de posséder un frère est tout proche désormais. Tout comme la Reine Révolutionnaire le voyait dans les balades en ville avec ses parents, la gamine demeurait jalouse en regardant constamment un jeune homme qui prenait toujours soin de sa petite sœur dans la boulangerie d’une rue. Cassie aussi, souhaitait avoir un frère dans sa famille, mais ce ne fut jamais le cas, pour la fille unique et seule héritière des Danvers, cette lignée qui reste pour le moment maudite…
Plissant ses iris de sang qui ne sont plus ceux de Mordred, embrassant ses lèvres en elle-même pour y former une ligne droite et rétrécir légèrement ses babines, l’Avocate du Diable repense aux paroles de Barnes qui lui a proposé d’être son secrétaire en second ou du moins son premier secrétaire car elle seule lit son courrier et personne d’autre, pas même Raven Williams. Pourtant, lui proposer un tel poste lui pince le palpitant. La Duchesse se sent gênée d’accorder une telle tâche à la Maladie. Pas qu’il soit incompétent, au contraire, la Conseillère y voit en lui un excellent diplomate. En fait, la bourgeoise, la noble, se sent honteuse de demander de l’aide à Blasius qui a sans doute des meilleurs préoccupations à faire. Elle ne désire aucunement l’importuné, surtout que sa présence lui permet déjà de se calmer, de se reposer, de s’apaiser, de s’adoucir, de ne plus montrer ses crocs bien aiguisés et d’abaisser ses babines. «
Je ne peux accepter ta requête, grand frère. » avoue sincèrement la Louve Blanche en fixant avec intérêt les touches de son instrument de musique, de son piano qui est un cadeau de son mariage arrangé avec le Comte Risewell. C’est son ex-mari qui lui a offert ce merveilleux bijou pour détruire les barrières protectrices de l’Héritière Danvers afin de la manipuler et de lui donner un enfant. Une fille, un adorable bébé…qui n’a pas pleuré en venant au monde, qui portait la même couleur de cheveux que sa mère, qui a disparu quelques heures après sa naissance. Morte, ce bébé, ce poupon, cet être si fragile est décédé dès sa première minute dans ce monde, d’après les dires malfaisants des parents de Cassidy… «
Je ne souhaite finalement pas t’importuner sur ton temps, tu as sans doute de merveilleuse chose à faire. De plus, je ne suis pas un cadeau, tu pourras le demander à Adelheid qui m’a appris à devenir une Duchesse exemplaire, même si je possède encore plusieurs lacunes à l’être. »
Puis, le doux et relaxant Blasius entame pour la première fois de sa vie, du moins si c’est le cas ou non, une mélodie proposée par la Duchesse. Son doigté, son touché, ses caresses sur les touches du piano apporte une nouvelle fraicheur et une tendresse inconnue aux oreilles de la Louve Blanche. Pourtant, même en se trompant quelquefois sur le morceau, Danvers est obligée de vérifier à deux fois si le musicien joue réellement la musique qu’a indiquée Cassidy. C’est bien le morceau, celui que la Conseillère jouait très souvent durant son enfance, mais pourquoi l’air est-il si différent ? Pourquoi cette musique provoque des larmes de tristesse aux yeux de la redoutable cowgirl ? Il n’y a aucune explication à donner, juste que Blasius Barnes est unique et le restera pour toujours et à jamais. Elle souhaite en vouloir à cet homme d’avoir osé la faire pleurer, d’avoir brisé ses barrières protectrices que cette dernière construit et répare chaque jour. Même l’Elf, la Dame Noire, le Souvenir de la Révolte, Mordred, ne dit pas un mot car elle vient de s’endormir paisiblement comme envoûté par ce que vient de produire la Maladie…
Lorsque tout se termine, quand le silence redevient maître en ces lieux, un baiser est déposé sur le crâne de Blasius. Il ne s’agit pas d’une tentative de drague comme l’albinos à l’habitude de procéder. Non, là c’est autre chose. Cassidy exprime ce petit geste intentionné comme remerciement, d’une sœur à son grand frère. Grâce à lui, l’Anglaise se sent plus légère, comme si tous ces foutus problèmes venaient de disparaître comme par magie. «
Thank you, my adored brother. » lâche la sœur de Blasius qui s’éloigne de lui pour relire la lettre que venait de lui donner le gamin qui travaillait pour elle. « Malheureusement, je dois partir me préparer. Le Conseil m’attend et j’aime être en avance. » De dos à la Maladie, ayant pris soin de cacher ses larmes qui ont été nombreuses à tomber, la doyenne des lieux remet correctement le haut de son col, renifle un bon coup pour faire remonter ses prochaines larmes puis s’apprête à partir. «
Tu peux rester ici autant que tu le souhaites, désormais la porte de ma maison te sera constamment ouverte. Mais préviens-moi à l’avance de tes prochaines arrivées, grand frère, histoire que je prévienne Lady Panabaker. »
Baissant son visage, fixant le sol, sortant un mouchoir de sa poche pour sécher ses larmes, elle finit par se retourner pour adresser un sourire bienveillant à son nouveau et premier grand frère qui restera l’Unique à ses yeux de sang, s’installant donc aux côtés d’Adelheid. «
Je te demande encore pardon pour avoir été aussi agressive tout à l’heure dans les jardins. Je tâcherais de me racheter à l’avenir Mister Barnes. Désormais, tu fais partie de ma famille et quiconque osera te faire du mal…subira ma colère. » Effectuant une révérence apprise par les soins d’Adelheid, la Duchesse quitte les lieux tout en demandant à son majordome Raven de rester à la disposition de Barnes si son Butler n’y voyait aucun inconvénient. Comme elle le pensait, Williams accepta avec plaisir la demande de sa maîtresse…