Je veux un autre verre de lait !

Je suis assis sur un trône, de l’or à mes pieds, une canne du même matériau à mes mains, je porte même une couronne sur la tête. Je suis un Roi, j’ai beaucoup de trésors à mes pieds, je me sens heureux et je peux même constater qu’Eclipse est sur le dos dans un tas de pièces précieuses, il s’amuse avec une pelote de laine, mon chat est tout heureux tout comme moi. Je croise ma jambe gauche sur la droite, je me mets à rire fièrement car je suis à présent riche ! Je peux enfin me la couler douce et arrêter de voler les gens car je peux vivre grâce à l’argent que je possède. Fini les journées avec l’estomac dans les talons. Terminé les nuits à la pleine étoile ou plutôt dans le brouillard froid et répugnant de Londres. Aurevoir les rats qui servaient de voisin. Désormais, je peux enfin m’acheter ma propre maison, peut-être même avoir un ou plusieurs domestiques qui s’occuperont du ménage mais surtout de papouiller le prince Eclipse qui demande toujours autant d’attention alors qu’il ne sait même pas chasser une simple souris ou mouche. Je me lève de mon siège, je plonge la tête la première dans un immense tas de pièces en argent, je tente de nager dedans mais ça ne marche pas vraiment, je manque même d’avaler une pièce par mégarde. Je prends plusieurs de ces choses dans mes mains et je les lance en l’air pour exprimer ma joie. Il est donc temps de mettre en retraite le grand et brillant Black Cat. Il est désormais l’heure de raccrocher pour couler des jours heureux. Je me saisis d’un verre à pied en or, je fais mine de trinquer avec Eclipse. « Au futur Roi des voleurs Bleddyn, et à son fidèle compagnon félin Eclipse ! »

Une vive douleur me réveille de mon merveilleux rêve qui ne se réalisera jamais. Je sens mes cheveux qui sont humides et machinalement je passe ma main sur mes mèches châtains pour constater que mon gant prend également l’humidité. Je me redresse de ma chaise pour m’adosser contre le dossier de cette dernière. Je me masse la nuque et soupire ou plutôt j’effectue un petit râlement d’être réveillé. J’aurai tellement voulu que mon rêve se réalise mais la réalité est toujours dure à accepter et surtout douloureuse. Je sens mon estomac gargouiller car je n’ai pas mangé depuis hier matin. En fait, j’ai préféré nourrir le chat plutôt que moi car Eclipse m’aide à tenir le coup sur ma petite vie misérable. Peut-être que je n’aurai pas dû quitter la maison de ma mère tout comme ma sœur l’a fait pour rechercher un fantôme. Mes billes jaunes qui sont comme les félins se posent sur la personne qui vient de renverser sa bière sur mes cheveux. Gros, chauve, poils sous les aisselles, une haleine nauséabonde à faire réveiller un mort,  je me recule avec ma chaise en faisant grincer les pieds de cette dernière sur le sol en bois. « Pourquoi avoir gâché ta boisson sur moi ? Je vais sentir comme toi à présent. » Lâchais-je en effectuant un sourire en coin provocateur.

Le balourd me soulève avec une facilité extrême en me prenant par le col de ma chemise, je peux même entendre un craquement de tissu qui veut dire que soit je me rends chez un couturier pour recoudre mon vêtement soit je dois en racheter ou plutôt en voler une. « Mon pote, il dit que tu as une sale gueule. » crache mon agresseur en prenant un malin plaisir à me décoiffer avec sa main crasseuse. « C’est vrai que tu as une sale gueule en fait. » Je hausse mes épaules pour lui signaler que je n’y suis pour rien si mon visage ne lui réussit pas. Mais bon, j’ai horreur qu’on me dise ce genre de chose car je ressemble beaucoup à ma mère et ma daronne est la plus jolie maman de tout l’univers. Elle est et restera mon seul parent, mon seul pilier qui me fera toujours sourire et me maintiendra en vie. « Tu t’es vu dans le miroir ? Tu rivalises avec la bouse de vache. »

Cette petite accroche, j’aurai peut-être dû la garder pour moi car je reçois rapidement un violent coup de poing dans l’estomac qui me coupe automatiquement le souffle. Mon agresseur me relâche ensuite et je m’écroule sur le sol, limite en position latérale de sécurité. Je n’ai absolument pas réfléchi aux conséquences derrière, mais j’espère au moins qu’il arrêtera de me critiquer par la suite. Malheureusement, je reçois un crachat sur ma joue en guise de réponse pour mon petit pic sur sa gueule d’ange. Dommage que je n’ai pas avec moi mon katana car je n’aurai pas hésité une seconde à prendre son âme. Je ne vole pas que l’argent, je vole aussi l’âme de mes ennemis et ce dernier vient de s’ajouter à la liste. Je suis rancunier, c’est un de mes défauts et peut-être qu’un jour je regretterais de ne pas avoir corrigé ce désavantage. Alors, lentement, et en toussant à cause du violent coup que j’ai reçu, je me réinstalle sur ma chaise, j’essuie ma joue avec mon épaule puis je bois cul sec mon verre de lait. Eclipse n’est pas avec moi aujourd’hui, il chasse les souris et les mouches et je suis certain qu’il reviendra les pattes vides. « Un autre verre de lait. » Exclamais-je en levant mon verre vide.

Je suis à nouveau assis sur ma chaise à vouloir attendre mon verre de lait mais voilà qu'une chose imprévue vient faire son entrée. Je ne peux que constater un type qui prend mystérieusement ma défense. C'est super gentil de sa part mais contre le gros balourd, mon prétendu sauveur risque de compter ses dents. Bon, si jamais ça se produit, je compte au moins l'aider à ramasser ses chicots pour lui rendre sa gentillesse mais hors de question d'être fautif sur ça. Après tout, je n'ai pas du tout demandé d'aide. Je préfère gérer les choses seul car au moins je n'aurai pas de dettes ou de services à rembourser. Mais voilà que l'inconnu se fait saisir par le col. Oula ça risque de chauffer encore plus et je me sens coupable, à tel point que je cache mon regard de félin sous mon chapeau haut de forme pour faire genre de ne rien voir sur ce qui va se passer.

La curiosité prend le dessus et je relève discrètement la tête pour y voir un coup de boule du sauveur qui s'écrase sur le gros pif recouvert de points noirs du gros sac. Le blessé recule de quelques pas et j'écarquille mes billes jaunes. Bon Dieu...son coup était très puissant pour avoir réussi à faire reculer le salopard. D'ailleurs, je ne suis pas le seul impressionné au vu de la tronche que tirent les autres membres du groupe de la nouvelle victime. Ils décident donc de se préparer à attaquer en groupe pour le type. Craquement de doigts, de nuques, rires moqueurs qui veut dire "je vais te régler ton compte", bref le gars qui a voulu me donner un coup de main va en prendre dans son calibre. Vais-je l'aider ? Aucune idée, je n'ai pas réfléchie à la question. En plus, si jamais je lui tends ma petite main de malchanceux, le karma va nous retomber dessus...

Comme à mon habitude, j'ai laissé mon katana maudit chez moi, dans ma planque, je ne peux donc pas user de cette arme pour calmer la tension. Lancer Éclipse dans le groupe n'est pas d'actualité car lui aussi est absent. En fait, si jamais je compte aider le type, je vais devoir user de mes poings et coups de pied pour tenter de calmer le jeu. Enfin...comme-si la bagarre pouvait résoudre des problèmes... Je m'adosse donc à ma chaise en bois, j'y croise mes bras et je ne fais rien. « Viens pas sur notre chemin, gamin. » gronde le gros tas plein de soupe en parlant du nez à cause de sa blessure. C'est en l'ayant entendu que je me mets à trembler de partout. Je grimace de douleur car j'ai tellement envie de rire en l'ayant entendu parler du nez. Puis, au moment où les agresseurs s'apprêtent à riposter contre mon prétendu sauveur, j'explose fortement de rire en tapotant plusieurs fois ma main sur la table faisant trembler mon verre vide qui attend patiemment d'être rempli de lait. « Chef...il se moque de vous là. » exclame un des types du groupe qui frappe son poing gauche dans sa main droite, prêt à se battre.

Je finis par tomber de ma chaise et rouler de gauche à droite sur le plancher en bois en continuant de rire de plus en plus fort. Je n'y peux rien, je ne m'attendais pas à cette voix non crédible sur le gros tas. Mais bon, mon rire s'arrête quand la victime de ma petite moquerie me prend par le col pour me soulever dans les airs. J'essuie mes larmes de joie et tout à coup, mon pied se loge dans les noix du bonhomme. On pourrait presque y entendre le bruit de castration, presque. « Je vais...te...tuer !! » hurle d'une voix très aiguë et non grave le grassouillet en sautillant et tenant l'endroit de son pantalon où se trouvent ses parties. Je me retape un fou rire tout en esquivant un coup de poing d'un autre agresseur. Je prends du coup une chaise par ses pieds pour l'abattre sur le castrer afin de l'envoyer tout droit dans le monde de l'inconscience. Oups, la chaise se brise par l’impact, voilà le karma arrive et je vais devoir rembourser le barman.

« Bon, visiblement j'aurai pas mon verre de lait à cause de vous. » Je fronce mes sourcils ayant la même couleur que mes cheveux et je me positionne à côté de mon sauveur. « Je suis le Black Cat, merci de ton intervention l'ami. » Je souris au vagabond qui a l'air bourré et je frotte le bout de mon nez avec mon index. « Je crois que j'aurai besoin de ta botte secrète du coup de boule car nos amis ont l'air de vouloir nous donner des cadeaux, si tu vois ce que je veux dire... »