L... Laisses-moi faire... J... J'aime te coiffer...
Oh oui. Nola adorait s'occuper de ses cheveux, les brosser pendant des heures et ensuite, lui faire des couettes ou des tresses puis, elle lui lançait un regard confiant, chose rare la connaissant. Elle attendait un compliment et quand elle l'obtenait, son visage s'empourprait d'embarras et de joie. Kin profitait de cet instant pour rentrer dans la chambre, parait de son plus beau sourire, félicitant Nola et ses doigts de fée...
Toc toc toc. La porte s'entrouvre, l'aubergiste lui souffle que le temps file, qu'elle risque d'être en retard. Emi quitte ses pensées, un peu trop brusquement, jette un regard vers l'homme, cache son envie de lui couper la langue par un sourire forcé. Un Merci franchit ses lèvres pulpeuses, elle se lève, attrape un sac remplit de documents divers, liés à sa fonction et quitte le bâtiment sans se retourner. S'il continue ainsi, elle risque d'avoir du mal à le laisser vivre...
Cette sombre pensée est instantanément effacée de sa tête lorsque son regard aperçoit les jeunes enfants qui s'empressent de rentrer dans l'école. Contrairement à l'Irlande, garçons et filles sont dans la même école -même si elle a entendu dire que certaines écoles n'adoptent pas encore ce changement. Emi passe les grilles de l'entrée et se rend dans la salle des professeurs où d'autres adultes sont réunis. Des discussions futiles autour d'un café -elle n'aime pas le café, elle n'en prend pas- avant que la cloche annonçant le début des cours ne sonne.
Chacun part à son rythme, certains moins pressés que d'autres. Emi se dirige vers sa classe, des jeunes adolescents qui attendent devant la porte, rangés par deux, droits comme à l'armée. D'un signe de main, elle leur fait signe de rentrer et ils se dirigent chacun à leur place, restent debout à côté de leur chaise. Elle ferme la marche et pousse doucement la porte avant de rejoindre le bureau. Sa voix douce mais ferme coupe le silence.
Ils s'exécutent, si sages, habitués à ce rituel de l'école. Emi sort la liste de son sac, commence à faire l'appel, chacun répond présent, une autre routine qui lui a permis de mémoriser les prénoms des vingt deux élèves. Pas facile au début. La jeune adulte farfouille dans son sac, sort un livre dont plusieurs morceaux de couleur dépassent, des pages. Elle le présente à la classe avant de continuer.
Toc toc toc. Toc toc toc. ... Une veine pulse discrètement sur son front, elle serre les lèvres et fronce des sourcils. S'il y a quelque chose qui l'énerve, c'est bien d'être dérangée dans son métier. Que ce soit celui-ci ou l'autre. Emi pousse un discret soupir avant de murmurer un Entrez, forcé. Le directeur, maigrichon sous le poids des années entre, suivi de quelqu'un. Par réflexe, les élèves se lèvent tous.
- Les enfants, saluez Monsieur Nakamura et asseyez-vous.
- Bonjour Monsieur Nakamura. ❞
D'une même voix, ils sont en choeur. Emi, quant à elle pouffe de rire derrière sa main refermée. Se retrouver face à l'auteur du livre, jamais elle n'aurait pensé assister à pareille scène. Elle se racle la gorge, tente de garder son sérieux malgré le regard pétillant d'amusement -et de folie?- de ses iris ambrés.
Emi lui tend le bouquin puis se recule sur le côté. Les paires de yeux des enfants se détournent d'elle, fixent intensément celui qui vient à peine d'arriver. Bonne chance pour les entraîner dans votre univers et ne pas les perdre, Monsieur Nakamura.
agora