Trève tendue

Enfermée dans mon bureau, à nouveau. Encore. Cette fois-ci, pas toute seule car Mase m'accompagne, je l'ai autorisé à rester avec moi. Depuis les évènements en Allemagne il y a quatre jours... je n'aime pas rester seule. J'ai l'impression qu'Apocryphos peut se pointer à tout moment pour m'achever. Et cette trace sur mon cou qui ne part pas... je me vois obligée de porter une écharpe en plein mois de juin. J'ai bien vu les regards interrogateurs mais aucune parole n'a été prononcée à mon égard. C'est bien normal, ils savent que s'ils me posent ne serait-ce la moindre question, je les enverrais voir ailleurs si j'y suis. Mais si je ne cache pas cette marque... les regards seraient encore plus inquisiteurs. Une brûlure en forme de main, ça ne passe pas inaperçu je pense. De plus, j'ai été habituée à la régénération des Noés. Sauf que les blessures de ce monstre ne guérissent pas, en tout cas, à vitesse humaine. Enfin, je suppose... j'espère. Mais je ne sais plus combien de temps prend une brûlure de ce genre pour guérir. Sinon, je devrais faire toute une mise en scène d'agression dans la rue à l'aide d'akumas et de Mase qui me sauve... je n'ai pas envie. Ce serait du temps gâché pour rien. Alors autant attendre avec mon écharpe jusqu'à ce que la trace disparaisse. Potentiellement...

- Mase, combien de temps ça prend pour guérir une brûlure normalement?

Je le vois lever le nez de son bouquin, du coin de l'oeil. Je suis appuyée contre le dossier de ma chaise de bureau, le regard rivé vers le plafond, bras croisés comme en pleine réflexion.

- Ca te tracasse autant que ça?

Je baisse la tête, me redressant légèrement sur mes appuis, cherchant une réponse dans son regard.

- Un peu, oui. Tu aurais vu ce qu'il a fait à la Discorde... on a rien pu faire. Absolument rien.

Et je ne peux m'empêcher de m'en vouloir. Peut-être que si j'avais été plus forte, si j'avais pensé autrement... si j'avais établi une autre stratégie... peut-être que Wil ne serait pas dans cet état à l'heure qu'il est. Vraiment, qu'est-ce qu'on peut faire contre cette chose à part subir?! Ca m'énerve à un point. Je déteste être impuissante ainsi. Je dois à tout prix trouver un moyen pour contrer Apocryphos et le combattre. On ne peut pas rester là les bras croisés à attendre qu'il annihile tous les Descendants de Noé, il en est hors de question. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour lui rendre la monnaie de sa pièce à l'Innocence autonome.

Et alors que je replongeais dans mes pensées, l'on frappe à ma porte. Je demande à la personne d'entrer et l'un des sous-directeurs rentre, visiblement très embêté. Je l'interroge du regard, un sourcil levé. Il est rare qu'il fasse cette tête, encore plus en ma présence.

- Mevrouw van Eyck... Vergeef me voor het ongemak maar we hebben een probleem. Een indringer kwam de fabriek binnen.

Mase comprend alors que c'est en vérité lui que l'on appelle et voilà le brésilien qui se lève, posant son livre sur la table. Cela ne doit être rien de grave alors lorsqu'ils repartent tout deux en fermant la porte, je prends une pile de papiers et un stylo pour commencer à lire et à travailler un peu, histoire de me changer les idées.

Néanmoins, je n'ai même pas le temps de terminer de lire le premier paragraphe que Mase rouvre la porte. Je lève la tête vers lui et l'interroge à nouveau du regard. Ca a été si rapide? Pourquoi ne rentre-t-il pas?

- Ada, tu devrais venir. Mais je te préviens, ça ne va pas te plaire du tout.

Je me lève alors de ma chaise, abandonnant toute ma paperasse là pour suivre Mase. Je sors de mon bureau et me retrouve dans les couloirs, aux côtés du grand basané. Je vois au loin tous les sous-directeurs rassemblés, comme s'il s'agissait de la nouvelle de l'année qu'un intrus est entré dans l'usine.

En arrivant à la fin du couloir, nous sommes en hauteur des ateliers et j'inspecte donc, à la recherche de ce fameux intrus. Et là, là. Quelle surprise, mais pas surprise dans le sens agréable, surprise dans le sens dernière chose que je souhaitais voir sur cette planète. Qu'est-ce qu'il fout ici bordel?! Je jette un regard à Mase et il peut voir ma colère sur mon visage. Il pose alors une main sur mon épaule et je me reprends. Je dois faire comme si je ne le connaissais pas. Je ne suis pas liée à la Guerre Sainte, je ne le connais pas.

- Allons-donc à sa rencontre.

Je descends donc en première les escaliers, suivie de près par Mase, lui-même suivi par les sous-directeurs. Mes talons claquent sur le sol, le bruit caché en partie par les bruits des machines. Je me dirige vers ce fameux inconnu, cet Exorciste que je déteste du plus profond de mon coeur.

Nakamura.

- Is het hij?

Les sous-directeurs hochent de la tête, évidemment que je le savais. Je croise alors mes bras sous ma poitrine, me contrôlant du mieux que je peux malgré la présence d'un Exorciste et donc d'une Innocence sur mon territoire. Je garde cet air froid, neutre. Jouer mon rôle.

- Je peux savoir en quel honneur vous vous permettez de rentrer ici? Les visiteurs sont interdits.

A ça de lâcher un "surtout pour les gens comme vous" mais je me suis retenue à temps. Purée, j'espère qu'il n'est pas venu pour en découdre car il est hors de question que je sacrifie tous mes ouvriers, toutes mes machines, toute mon usine et mon travail juste pour ses beaux yeux.

Ca, il peut toujours rêver.

Oui, ça m'énerve de devoir me déplacer pour un inconnu qui se croit dans un moulin. Y'a rien à voir ici, pourquoi prendre la peine de rentrer dans une usine de textiles si ce n'est pour mettre le bazar? Étant donné le nom connu de mon entreprise, je devais m'y attendre. Néanmoins, je ne m'attendais pas à ce que l'on m'appelle en personne pour venir voir... comme si j'avais que ça à faire. C'est pas eux qui vont devoir s'occuper de tous les dossiers administratifs et qui vont prendre du retard dessus hein. Mais bon. Tant pis, s'il faut à tout prix que je vienne, alors j'y vais...

C'est comme ça que je me suis retrouvée dans cet attroupement d'abrutis, face à ce putain de vampire. Sérieusement. Dieu. Sur toutes les personnes de cette planète, il a fallu que LUI se pointe dans MON usine, juste après les évènements en Allemagne. Quelle merde. Rien que de le voir de dos, il me soûle. Et dire que je ne peux pas le planter ici et maintenant devant tout le monde, ce n'est pourtant pas l'envie qui m'en manque.

-Tiens tiens. Une Noé ici. C'est bien, tu m'arraches une belle épine du pied : la cause de toutes ces disparitions vient directement à moi.

Je hausse un sourcil. Mais il est vraiment débile ma parole. C'est pas à l'Ordre Noir qu'on leur dit de préserver les civils de la Guerre bla bla bla? Ils ne comprendront pas de toute façon, mais il est vraiment bête. Malgré tout, je dois toujours faire comme si je ne le connaissais pas, comme si je ne comprenais pas ce qu'il dit et alors mon haussement de sourcil se transforme en un froncement lorsqu'il se met à s'approcher de moi avec ce sourire. Mon coco, tu vas vite le retirer, ne crois pas pouvoir m'atteindre si facilement. C'est mon territoire ici.

-Je ne sais pas à quel jeu tu joues. Mais je me contrefiche de détruire cet endroit, pour t'éliminer.

Je recule alors, Mase venant se placer entre Nakamura et moi. Tu penses vraiment je vais te laisser détruire mon lieu de travail? Néanmoins, quelque chose dans sa phrase me fait tiquer. "La cause de toutes ces disparations"? De quoi il parle? Je n'ai pas eu vent de disparitions en Amsterdam, et si les Noés en étaient la cause, je serais bien la première au courant. Je me tourne alors vers un des conseillers, l'air suspicieuse.

- Il y a eu des disparitions en Amsterdam dernièrement?

Le conseiller en question se racle la gorge, venant ouvrir un des dossiers qu'il tient dans sa main. La tête qu'il fait ne me plaît pas.

- Plusieurs oui. Cela fait quelques jours que certains ouvriers ne se présentent plus au travail.

- Oh. Et donc, je suppose qu'il était trop hardu de me mettre au courant? C'est pourtant votre travail.

- J'ai voulu ma-

- Pourquoi je vous paie au juste? Donnez-moi une seule raison de ne pas vous renvoyer sur le champ, dis-je alors en haussant le ton, visiblement plus qu'agaçée par la situation, laissant un silence planer avant de reprendre, c'est bien ce qu'il me semblait.

Je soupire bruyamment du nez. Et merde. Ce n'est pas relaté aux Noés, peut-être des akumas qui font les petits fous dans les rues d'Amsterdam. Ou alors une cause parfaitement humaine. Et si l'Ordre Noir commence à venir mettre son nez dans ma vie privée, ça va vraiment pas me plaire. Encore moins si c'est l'autre qui débarque mais quel enfer. Sur ce, je me tourne vers Mase et lui, tentant d'évaluer la situation. Tous les regards sont rivés sur nous, et rien ne se passe. Justement. Rien ne se passe. C'est Mase qui attire mon attention, me chuchotant discrètement en portugais que ses capacités ne fonctionnent pas. Je fronce les sourcils encore. Comment ça?

Je sors alors un miroir de poche et l'ouvre, tentant de faire apparaître discrètement mes yeux dorés, me cachant derrière la carrure de mon akuma personnel. Et effectivement. Rien ne se passe. Je suis plus qu'agaçée là. Je sais pas à quel jeu il joue LUI mais ça doit cesser. Immédiatement. S'il a apporté un machin permettant d'annuler les pouvoirs de la matière noire, je suis en danger. Je sors de derrière Mase, l'air vraiment frustrée.

- Écoute, tu me soûles déjà. Prends tes affaires et dégage d'accord? J'ai pas le temps de jouer avec toi, j'ai plus urgent à régler.

J'inspire et expire un coup, histoire de ne pas trop m'énerver. Si lui peut activer son Innocence et que je ne peux rien invoquer, ça risque d'être très difficile.

- Connecte tes neurones. Si c'était moi, tu penses vraiment j'irais prendre dans les gens qui travaillent pour moi? Comme si ça avait un quelconque intérêt pour moi, même. Sur ce, je t'invite à prendre la porte et à ne plus jamais revenir ici, merci bien.

Putain mais qu'est-ce qu'il me souleeee. C'est vraiment pas le moment là, je me remets des combats en Allemagne, d'Apocryphos et de toute cette merde et il faut qu'il pointe son nez, qu'il vienne faire son petit malin avec moi. Je compte pas me battre ni maintenant, ni ici, ni aujourd'hui. C'est pas le jour pour ça.
Et je sais pas ce qu'il fout. Je sais pas ce qu'il a apporté avec lui. Mais le fait que je ne puisse pas utiliser mes pouvoirs ne m'enchante absolument pas, encore plus en sa présence. Mase non plus semble impuissant. Ca m'effraie beaucoup à vrai dire, je me méfie énormément. Et d'après ce que je peux observer... ça n'a pas l'air de l'enchanter non plus?..

Quoi? Il va me faire croire que ce n'est pas SA faute?! Alors qu'avant qu'il ne se pointe, tout se passait parfaitement bien? Laissez-moi rire. Je n'y crois pas une seule seconde. Surtout vu l'air qu'il arborait il y a à peine deux secondes. Il était prêt à répandre le chaos sur mon lieu de travail juste pour avoir ma peau. Exorciste, soldat, sauveur de l'humanité... que de beaux mensonges pour cacher la vraie réalité. Ca me dégoûte. Moi au moins, je ne m'en cache pas. Je suis honnête avec moi-même, et la plupart des Noés aussi. On sait ce qu'on fait. On ne se cache pas derrière une sainte cause. Mais bon, allez dire ça à des crétins aux cerveaux lavés, c'est mission impossible. Ils sont trop encrassés dans leur cause que pour ne pouvoir ouvrir les yeux.

-Jouer ?

Mais qu'est-ce qu'il me soûle. Je fronce les sourcils, et mon air indique qu'effectivement, je n'ai pas envie de jouer. Pourquoi il peut pas juste prendre ses clics et ses clacs et se barrer?

- Oui jouer, car t'as envie de faire joujou là. Tu déranges le travail d'honnêtes ouvriers qui gagnent leur salaire. T'as envie de possiblement détruire leur sale gagne-pain dans la ville. Donc casse-toi, je vais pas te le redire en cinq langues.

Et puis... il se met à rire. Mais y'a quoi de drôle?! Va rire ailleurs c'est pas possible ça. Je ris pas avec toi moi Nakamura, j'ai du travail à faire et si tu veux faire le gamin égoïste, grand bien te fasse mais va le faire ailleurs. Mon dieu.

-C'est vrai. Qu'est-ce que tu t'en fiches, que des gens qui meurent, ha ? Après tout, tu les tues bien toi-même.

Je souffle bruyamment du nez. On va pas retomber dans ce débat. Il est vraiment juste venu pour me provoquer ou quoi? Surtout que je viens d'apprendre qu'il y avait des disparus dans les travailleurs de mon usine et que je n'en ai pas été informée. Donc oui, la provocation là, c'est pas vraiment l'instant pour.

- Je me débarasse des gens comme toi, obnibulés par leur cause à la noix. Néanmoins, je suis pas là pour parler de ça, t'es trop bouché que pour pouvoir ouvrir les yeux.

Et puis il se tourne. Vers mes employés, commencant à leur dire que je ne suis qu'un monstre blabla tuer des gens blabla, qu'est-ce que je suis sanguinaire olala c'est terrible. Je ricane un instant, croisant les bras sous ma poitrine. Déjà, ils ne le comprennent pas. Et en plus, ils ont confiance en moi. Pas en lui.

- T'as juste l'air d'un f-

Je n'ai pas le temps de terminer ma phrase. Lui non plus d'ailleurs. Un cercle de feu vient nous entourer, Mase, Nakamura & moi. Qu'est-ce que c'est que ça encore?! Je vois que l'Exorciste a l'air aussi surpris que moi. Joli jeu d'acteur mais ça ne prend pas. Il me prend pour une débile? Il pousse le vice plus loin et essaie de m'attraper. Oh, n'essaie même pas. N'y pense même pas Nakamura. Je recule et tente de lui foutre un coup de pied, juste pour le faire reculer également.

-Mais à quoi tu joues !?

- Tu peux arrêter ton jeu d'acteur au cas où, plus personne ne nous voit tellement les flammes sont hautes. T'es vraiment un idiot, tu le sais ça?! Tu vas tout faire brûler pour ton simple EGOÏSME?! Éteinds ça immédiatement, tu vas vraiment me faire sortir de mes gonds, je commence à être saoûlée de toi et de ta sale face.

J'essaie de regarder autour de nous. Il n'y a rien. Je remonte mon écharpe jusque mon nez pour ne pas avoir à respirer les vapeurs toxiques de la fumée. Noé ou pas, ça reste pas très bon pour les poumons. Mase ne le fait pas, il est déjà mort. Je le vois chercher après quelque chose à terre qui pourrait lui être utile étant donné que lui non plus n'a pas d'accès à ses pouvoirs.

- Mase, qu'est-ce qu'on fait maintenant?!

J'essaie de crier parce que je n'en ai aucune idée. Il n'y a pas d'eau, rien d'assez puissant pour éteindre cet immense brasier et franchement... j'ai pas envie de voir tous les investissements de deux générations partir en fumée à cause de Nakamura.

Putain. Putain de merde. Qu’est-ce qu’il fout là ? Qu’est-ce que je fous là ?

Ce n’est vraiment pas mon mois le mois de juin en fait. D’abord Bonnie qui est enlevée par l’Ordre Noir, l’attaque sur Central, les Sorciers, Apocryphos, Risa et puis lui. Vraiment, il ne manquait plus que ça. J’ai des problèmes plus importants à gérer que lui, ses états d’âme et son dévouement aveugle envers l’Ordre Noir et tout ce qui peut s’y rapporter.

Comment peut-il encore croire une seule de leurs paroles après tout ce qu’il s’est passé ? Après tous les mensonges qui furent proférés ? Toutes les vérités qu’ils ont cachées ? Comment, mais vraiment comment les Exorcistes font-ils pour ne pas tous se retourner contre leurs grands dirigeants ? Je suis très sérieuse en posant cette question : maintes fois durant l’humanité, les Hommes ont démontré leurs capacités révolutionnaires dès que quelque chose ne leur convenait pas ou que les pouvoirs dirigeants cachaient trop de choses.
Mais eux non. Eux, ils préfèrent baisser la tête et obéir.

Je pense que si un ordre établi est mauvais, il faut le renverser pour rétablir quelque chose de stable et de solide pour l’évolution future. Tout ce que l’Ordre Noir n’est pas. Ils ne sont que mensonges, manipulations et endoctrinements.
Alors dis-moi Nakamura, comment peux-tu encore te battre à leurs côtés ?

Enfin, pour le moment, j’ai un peu plus urgent à régler. Genre ce gigantesque cercle de feu qui est apparu. Au milieu de mon usine. Sérieusement. Tout va bien.

Pourtant, je ne parviens pas à garder mon calme. Trop c’est trop. Et mes pouvoirs de Noé qui ne s’activent pas… je suis vraiment, vraiment dans de beaux draps. Alors je lui crie dessus d’arrêter comme s’il allait m’écouter. Mais merde, cette usine c’est mon héritage familial ! C’est une industrie néerlandaise qui produit des tonnes d’emploi ! Je ne peux pas me permettre de la perdre.

« Arrêter ? Certainement pas. Cette fois tu vas brûler, et il n'y aura pas de seconde chance, Noé. »

Non mais je rêve ?! Il se prend pour qui celui-là ? Il a cru qu’on était au Moyen-Âge, à l’époque où on brûlait les femmes accusées de sorcellerie, c’est-à-dire les femmes qui dérangeaient un peu trop les hommes ?

« Sérieusement, tu n’as pas trouvé mieux comme accroche ? »

Mais il y a autre chose qui m’inquiète. Je ne perçois pas son Innocence. En fait, si. J’en perçois une, mais mon ressenti est trop faible pour que cela soit la sienne. Puis, réfléchissons rapidement. Je connais bien son Innocence. C’est tout simplement impossible que cela soit la sienne qui ait produit ce feu. De plus, si cette attaque était de lui, il en aurait déjà profité pour dégainer ses griffes de sang et me sauter à la gorge, monsieur « je me contrefiche de détruire cet endroit pour t’éliminer ». Je peux également déduire que son arrivée ici n’était pas préméditée étant donné qu’il ne s’attendait pas à me voir ici.

Un jet d’eau me sort de mes pensées, je vois Nakamura courir dès que possible à l’opposé de ma position. Je fronce les sourcils. Son comportement va dans le sens de ma théorie. Il n’a sûrement aucun moyen de se défendre, tout comme moi.

D’accord, bon. C’est déjà ça de pris. Petit problème : si l’Innocence ne vient ni de lui, ni d’un de ses potentiels alliés, d’où vient-elle ?

Oh. Les disparitions. Les disparus, c’étaient des employés de mon usine. Et ce cercle de feu, la désactivation de mes -enfin, de nos- pouvoirs… tout ceci ne peut pas être une coïncidence.

Je me dépêche de sortir de ce maudit cercle de feu et me précipite vers un des sous-directeurs, complètement paniqué et décontenancé par la situation. Décidément. Quel incapable.

« Évacuez l’usine tout de suite, il ne doit plus rester personne à l’intérieur de ce bâtiment. » Un échange de regards et chacun se met au travail. Néanmoins, je sens des yeux tournés vers moi. Je souffle. Merde, ma justification. « Je dois rapidement chercher des papiers, il est hors de question qu’ils brûlent ! Sans eux, nous sommes perdus. » Rapidement, ils voient qu’il n’y a pas matière à discuter et chacun s’en va. Je me tourne alors vers Mase « S’il te plaît, va à l’Arche et appelle du renfort. Quelque chose ne va pas ici. Je dois faire vite avant que la situation ne dégénère. Il y a potentiellement une Innocence ici, je dois la trouver avant l’Exorciste. Fais vite. » Un signe de tête à nouveau et il s’en va.

Allez Ada, il est temps d’agir maintenant. Je retrousse les manches de ma veste rouge et souffle un bon coup, me mettant à courir dans l’usine. C’est énorme une usine, l’Innocence peut se cacher n’importe où !
En plus, j’ai perdu la trace de Nakamura. Peut-être s’est-il mêlé à la foule pour m’échapper. Tant mieux, je travaillerais plus efficacement si je ne l’ai pas dans les pattes.

Et soudain, j’entends un bruit. Des bruits de pas. De pas lourds. Des pas… métalliques ? Ils résonnent dans toute l’usine qui semble d’un coup bien silencieuse. Je suis incapable de dire d’où ils proviennent. J’essaie alors de me cacher, cherchant les bruits ET Nakamura des yeux. Et là je la vois. Une silhouette, énorme, empaquetée dans une armure noire. Deux seules lueurs échappant du haume, une énorme hache d’arme noire à la main.

Je reconnais très bien cette figure. Dominus m’en a déjà parlé. Pire que ça : Dominus m’a déjà mise en garde contre ce personnage. Il s’agit d’une de mes invocations, tellement puissante que je n’en ai pas encore la maîtrise. Absolument instable. Et le pire dans tout ça ? Je ne l’ai absolument pas invoquée. Je n’en ai pas les capacités.

Je deviens blanche. Je suis dans une sacrée merde. Je détourne les yeux, faisant le moins de bruit possible. Et là, je retrouve Nakamura. J’essaie de capter son regard et tente de lui intimer en silence, avec des gestes, d’être le plus silencieux et discret possible.

Pitié, comprends que t’es tout autant dans la merde que moi si on se fait choper. Le temps de la trêve est peut-être venu.