(Pas de chance pour Isidore, tu es aussi silencieuse que revancharde. Une fois retrouvé, ton mentor en verra de toutes les couleurs.)
(Tu es en colère, une colère froidre et terrible.)
(Mais comme à ton habitude, tu n’en dis rien, ni ne laisses rien paraître. Tu restes silencieuse et c’est ça qui est terrible. Le silence.)
Le train commence à entrer en gare. Tu enfiles ta veste légère, tu hisses ton sac sur ton épaule et tu te diriges lentement vers la porte du wagon. Tu as hâte de descendre pour pouvoir te délier les jambes ; tes muscles sont engourdis tant tu es restée trop longtemps assise. Tu te mords l’intérieur des joues nerveusement alors que les quais de la gare se dessinent par-delà les fenêtres du train. Et quand enfin celui-ci s’arrête, tu bondis sur tes pieds et tu te précipites vers l’extérieur. S’il y avait eu du monde, tu aurais piétiné des orteils et jouer des coudes pour t’extiper de cette prison de métal. Mais fort heureusement pour les autres, il n’y a personne à bousculer alors que tu cours presque sur le quai de la gare, que tu te précipites à travers la gare sans rien observer pour te jeter à corps perdu dans les entrailles de la ville. Tu ne sais pas où tu vas, pas vraiment. Tu n’as jamais fait de découverte sans la main chaleureuse du mentor pour te guider, sans la main chaleurese et pourtant si sévère et rude par instants. Tu paniques, Cassandre. Tu paniques parce que tu te sens brutalement si seule et que ces passants qui se pressent autour de toi sont si étrangers, ces passants qui t’observent avec de grandes yeux te sont si peu familiers. Alors tu marches vite, tu t’enfonces dans la ville comme pour te faire oublier des autres, comme pour te faire oublier du Monde. Ah ! Si tu pouvais disparaître dans les entrailles de Prague, tu le ferais certainement ! Mais tu ne sais pas comment. Isidore ne t’a pas appris à disparaître, le sale bougre. Et tu lui en veux un peu plus, ta colère se fait plus froide encore. Oh ça c’est certain, tu lui feras payer son affront.
(Tu ne sais pas où tu vas, tu n’as pas pris le temps de regarder un plan pour te retrouver dans cette ville étrangère.)
(Tu paniques et ça ne mène jamais à rien de bien, de paniquer.)
(Tu respires un bon coup, tu te forces à te calmer.)
Te voilà à nouveau face à la gare. Tu clignes bêtement des yeux. Ah. Tu as tourné en rond. Il y a cette moue contrariée qui vient tordre tes lèvres ; toi qui t’imaginais déjà être avalée par la ville, cachée du regard du clan et du Monde … Tu t’es fourrée le doigt dans l’oeil, uh. Ce n’est pas bien grave, que tu décides dans un soupir. Tu ne voulais pas vraiment disparaître de toute façon. Tu te laisses tomber sur un de ces bancs disposés devant la gare, laissant ton sac venir se fracasser à tes pieds. Heureusement que tu ne transportes rien de fragiles. Tu expires bruyamment, passant une main sur ton front. Tu es fatiguée et tu en as marre. Marre de courir après ce mentor indigne, après ces fantômes que tu ne rattraperas jamais.