Crever de rire

Une mission facilement exécutée. Des akumas de niveau un, c’est trop facile à tuer. Pas de quoi te repaître, mais au moins tu ne restes pas au placard. Après tout, ton divertissement préféré restera toujours la guerre.
Il était donc l’heure de rentrer. A moins que tu n’aies encore le temps de flâner ? Il faut dire que tu es enfin dans le pays que tu as toujours rêvé de visiter. L’Egypte, patrie de ta chère mère. Seul pays dont tu as toujours voulu fouler les terres. Non pas que tu aimes le tourisme, simplement tout ce que te racontait ta mère dans ses histoires. Celles qu’elles te racontaient alors que tu étais encore un enfant plein de rêves et d’espoir.
Etrange, qu’un sanguin come toi ait pu un jour être un fils à maman.
Enfin, tu l’es toujours autant. Qui sait, peut être aurais tu fini autrement, si on ne te l’avait pas arrachée si violemment.
Mais les gens t’ont montré qu’ils étaient tous des décadents. Et la corruption, il fallait s’en débarrasser totalement.
Parfois, tu te demandes si ces trois jours de ténèbres ne le valent pas vraiment.

Tu n’as pas de soucis à te faire alors que tu déambules dans les rues. Central, c’est toute ta vie, l’idée de les quitter est pour toi incongrue. Ton golem est toujours allumé, s’ils le veulent, ils peuvent toujours te repérer. Dès qu’ils t’appellent, tu reviendras au pied.
Tu es devenu molosse, cerbère, à défaut d’être dragon. Autrement, l’humanité entière aurait eu du soucis à se faire.
Mais que vois-tu ? Un élément perturbateur qui vient gâcher ta vue.
Celle de deux hommes faisant tâche. Dont le style a un peu trop de panache. Ce qui n’est pas étonnant, car ceux-ci ne sont pas d’ici. En fait, tu les reconnais tout de suite.
Les jumeaux du lien, les Jasdebi.
Tu ignores pourquoi ils sont ici. En tout cas, tu ne peux pas laisser courir l’ennemi.
L’affronter ? C’était une possibilité. En fait, ton instinct crève d’envie de les trucider. Ta raison de soldat te susurre qu’il y a un protocole à respecter. Tu te caches dons pour contacter le QG.

-Sorcier Saleh. La vague d’akuma a bien été éliminée, mais j’ai croisé les Noés du Lien. Ils ne m’ont pas encore repéré. J’attends les prochains ordres.
-Suiviez-les mais ne les confrontez pas. Attendez que nous vous envoyons du renfort. Gardez votre golem allumé.
-Bien reçu. Je vais tenter de les tromper.

Et tu savais exactement comment procéder.

Tu retiens leur localisation. Vite, tu files dans une autre direction. Tu as la chance d’être à côté d’un marché. Après tout, ton uniforme est trop voyant, alors tu achètes de quoi te changer. Tu fourres ton manteau dans ton sac, bien caché. Aucun besoin de te maquiller : tu as la tête d’un local parfait. L’avantage d’avoir hérité des traits de ta mère adorée. Dieu merci, tu n’as rien du teint livide de ta demi-fratrie…
Tu reviens donc sur tes pas. Tu vois les jumeaux, qui sont restés là. Ton visage est inconnu de tes ennemis, ils ne pourront pas te reconnaitre.
C’est donc un autre masque que tu allais porter aujourd’hui – celui de la sociabilité.

-Bien le bonjour, messiers ! Vous n’êtes pas d’ici, je me trompe ?

Tu avais pris un accent très travaillé, le même avec lequel ta mère parlait. Pour entretenir les illusions, tu es le champion.
Homme charmant, au sourire si envoutant.
Langue acérée, au premier dos tourné viendra vous poignarder.

Oh, tu en aurais presque jubilé. Les deux Noés te regardent comme n'importe quel étranger. Alors que ce sont eux, à qui personne ne ressemblait.
Vraiment, ton déguisement est parfait. Il suffit que tu enlèves ton masque pour tous les tromper.
D'ailleurs, comédien, tu l'es. Bourreau, tu sais aussi aracher des cœurs. De la couleur et un sourire comme maquillage, voilà un parfait jeune homme charmeur.
Dommage, que tu sois plein de rancœur.

-Ouais, on vient faire un tour. Mais qu’est-c’qu’il fait chaud ici ! Toi, t’as pas l’air de t’en préoccuper. Tu fais comment ?

Un rire t'échappe, amusé. C'est qu'ils sont drôles, ces étrangers. S'attendaient-ils peut-être à un vent léger ?

-Ah, il est vrai qu'il fait chaud, ici. Évidemment, je suis habitué, mais j'imagine que ce n'est pas votre cas ?

Peau trop blanche et fragile, style typique de gens de la ville. Maquillage qui coulait, crétins ignorant tout des règles de sécurité. S'ils avaient pu cramer, tu serais resté là à juste rigoler. Dommage qu'ils soient plus résistants, en tant que Noé.
Ça ne voulait pas dire que tu allais les laisser s'en tirer.

-Allons, laissez-moi vous conseiller et vous guider. Après tout, j'imagine que c'est la première fois que vous venez ici, n'est-ce pas ? Déjà, vos vêtements ne sont clairement pas adaptés ! Trop serrés et étouffants ! Pauvres de vous, je comprends mieux que vous mourriez de chaud... Suivez-moi. Ici, nous portons des vêtements plus amples mais légers, pour nous protéger du soleil sans étouffer.

Et, tout en parlant, tu t'étais glissé dans leur dos, une main sur chacun d'entre eux, les incitant à te suivre. Aucun danger, simplement un local un peu trop excité. C'est comme ça que tu apparaissais. Même ton discours, tu l'as bien peaufiné. Étonnant, pour quelqu'un qui vient de tout improviser. Enfin, pas totalement : tout ça tu le tires des récits de ta maman.

-Oh, veuillez m'excuser, je ne me suis même pas présenté  ! Je suis Ilyès. Debitto et Jasdero, voilà des noms que je n'ai jamais entendus. D'où venez-vous ? Dites m'en un peu plus sur l'endroit d'où vous venez s'il vous plait : je n'ai jamais eu l'occasion de voyager ! Oh, ce doit être fascinant !

Prénom qu'encore une fois, tu viens de totalement improviser. Des noms, tu en as donné tout plein, à tes ennemis : Ilyès, Ulrich... Plus perturbant que de donner le même tout le temps.
Le leur ? Oh tu le connais bien. Au bureau de Central, tu as appris leur dossier par cœur.

Arrivant sur le marché, tu sais où te diriger. Tu viens donc flâner, te dirigeant vers les vêtements exposés.

-Patron ! Deux gelabiyas pour ces messieurs ! Ils sont venus visiter l'Egypte, ce n'est pas tous les jours qu'on voit des touristes ici !

Tu n'en sais rien, Seris - tu ne vis pas ici. Mais peu de touristes viendraient dans un village aussi petit.
Enfin, plus pour longtemps.
Car toi, tu sais comment gagner du temps.