A window to the past
Ft. Charlotte V. Lloyd
Voilà un peu plus d'un an qu'il voyageait entre Londres et sa ville natale, s'entraînant à l'arène pendant quelques temps avant de regagner sa place aux côtés des Noés et de ses congénères. L'Akuma avait une vie plutôt bien remplie, mais il lui arrivait de prendre l'air sans aucun objectif vicieux derrière la tête, sans qu'on ait attendu de lui quelque chose avant qu'il ne soit lâché dans les rues. Reboutonnant un peu plus son long manteau noir pour se protéger de la fraîcheur de la pluie, il sentit un frisson lui parcourir l'échine et plongea sa main libre dans sa poche. Ses yeux émeraude balayaient les rues qu'il traversait, le fracas des sabots contre les pavés résonnant à certains endroits, d'autres places laissées uniquement aux piétons. Il passa devant le marché, scrutant les passants dont certains lui frôlaient l'épaule par inadvertance. Tous se précipitaient à l'abri après avoir empressement donné la monnaie aux marchands qui pestaient contre la pluie survenue si soudainement.
Le sourire en coin, Felipe observait l'agitation de ceux qui n'avaient rien pour se protéger de la pluie, et ses pas évitant soigneusement les flaques qui se formaient, il emprunta une rue qu'il connaissait plus que bien. Une rue qu'il avait à chaque fois foulé de ses pas avec une certaine attente au bout du chemin. Les souvenirs grouillaient à quelques mètres d'ici et tout reprenait forme dans l'esprit du torero. Les murs entre lesquels il traversait étouffaient les voix tandis que les réminiscences se faisaient de plus en plus bruyantes et nombreuses dans son encéphale. C'était ici, ou plutôt devant ce bâtiment, là-bas, que ça avait commencé. C'était ici, qu'il l'avait connu, approché, et que son cœur s'était agité. Et c'est finalement avant de parvenir à la sortie opposée de la route qu'il l'aperçut, la silhouette venant tout juste de déboucher d'une allée perpendiculaire. Elle. Celle avec qui il n'avait plus eu de contact pendant longtemps – trop longtemps. Celle qu'il avait laissé derrière lui, avant que les ténèbres ne le côtoient, avant que la matière noire ne s'écoule dans ses veines. Oh, si elle savait ce qu'il était maintenant...
Elle lui tournait le dos, canne en main, sans parapluie, et continuait sa route. Le palpitant à moitié humain, à moitié mécanique du toréador manqua un battement à l'instant même où ses prunelles s'étaient posées sur cette stature aux cheveux long. Son sourire se fit plus grand encore, plus doux. Il l'avait retrouvé. Il l'avait retrouvé, et se souvenait sans mal de la vision de la demoiselle qui n'avait cessé, jour après jour, de se détériorer. Parviendrait-elle cependant à apercevoir les contours de cette carcasse qui n'était pas la sienne ? Elle ne connaissait que Felipe. Pas Jésus. Pas cet homme dont le corps était désormais pour lui. Ses yeux vert se mirent à briller. Et sa voix ? Son timbre était un peu différent désormais, mais il ne résisterait certainement pas à cet appel qu'il ressentait, au plus profond de lui-même, d'aller à son encontre. Felipe ne s'imposerait rien du tout. Pas pour ça. Il s'élança alors de nouveau, marchant précipitamment jusqu'à elle avant de la couvrir de son parapluie. « Señora ?! » souffla t-il en se plaçant devant elle, ses mirettes abaissées vers ce faciès qu'il redécouvrait après un an. Il avait encore du mal à décrire tout ce qui se passait en son sein à cet instant, tant les émotions étaient vives et nombreuses, embuant même ses mirettes. Le manque. La joie. Et ça. Il se sentait envahi de bonheur. Il ne l'avait pas oublié, mais qu'en était-il d'elle ? Il ne supporterait pas qu'elle ne se rappelle pas de lui. Non, il ne le supporterait pas, et le sourire arboré se dissiperait sous la colère.
Halloween
- edipe: