Ca fait toujours du bien, de voir qu'il y a des nouvelles recrues.
Enfin... je devrais m'en réjouir, oui. Je devrais me réjouir qu'on se soit réunis à nouveau, qu'on ait vu notre "chef" pour la première fois.
Tu parles. Le chef, il s'en bas les couilles de la fin de la guerre. Retrouver son frère, c'est bien, c'est honorable.
Comme tout le monde, parmi les disciples. Au final, ce qui le distingue des autres disciples, c'est ni son but, et encore moins sa capacité à diriger. C'est juste son pouvoir.
Alors je doute un peu, malgré ce nouveau petit espoir. Je doute parce que j'ai peur que lui aussi, il soit aussi déçu comme je l'ai été.
Alors pour ça, pas de secret.
Le frérot, c'est moi qu'il va voir, pas Néah. C'est moi qui vais lui présenter nos objectifs, pas ceux de Néah.
Comme ça a toujours été le cas, d'ailleurs.
Beathan ! Un nom qui m'est pas inconnu. J'avais déjà essayé de le recruter, le coco. J'avais vu en lui un bon potentiel. Mais à l'époque, il devait pas encore se sentir prêt.
Il faut croire que j'ai un bon instinct.
Un grand pirate ! Si ça fait pas rêver ! Et un banni, en plus ! La recette parfaite de la personne ayant eu de grands rêves mais rejeté par la société - ou la guerre. Bref, il a tout à fait sa place parmi nous. Après tout, on est tous de grands rebelles désillusionnés, qui ont pas peur de frapper pour gagner.
Alors c'est avec un grand sourire que je l'accueille quand je vois qu'il répond présent à mon invitation.
-Je commençais à croire que vous n’alliez pas vous montrer, capitaine.
Je saisis sa main dans une poigne ferme et amicale, avant d'exploser de rire.
-Capitaine ? J'aime bien ça, moussaillon ! Mais appelle moi Ayden, tu veux ? Je préfère les familiarités.
Ouais, j'ai toujours été comme ça. Je rejette pas toute forme de hiérarchie - c'est toujours important quand même, pour donner la direction du bateau, pour parler dans son langage - mais pas avec des balais dans le cul. On peut très bien fonctionner tout en étant amis.
-Un café ?
-Mais carrément !
C'est que je vais pas dire non à une proposition. Un petit whisky aurait pas été de trop à cette heure ci... mais on va pas donner tout de suite mauvaise impression.
Alors on passe commande. Tranquillement, presque normalement.
Mais ça dure pas longtemps. Parce qu'on est justement pas venus ici pour discuter du bout de gras.
-Ça fait plaisir, de te voir parmi nous... ton oncle a enfin pêché le poisson, haha ! On va pas trop faire traîner la conversation en banalités, hein ? Je sais que t'es pas venu pour ça. Et pour être honnête, moi non plus, même si j'aurais vraiment aimé ça.
C'est vrai. Ça me manque trop, ces conversations simples, ces discussions autour d'une boisson, discuter de la pluie et du beau temps. Ce que j'ai fait pendant quarante ans, quoi. Ou un peu moins. Faut dire que je buvais pas non plus dès l'âge de cinq ans.
Mais la guerre, ça transforme radicalement les gens.
Je place mes bras derrière la tête, me mettant à l'aise - et essayant de le mettre à l'aise par la même occasion.
-Alors dis moi, gamin. Qu'est-ce que tu sais exactement de nous ? On t'a mis au parfum ? Si non, compte sur moi. C'est un peu mon job, tu vois.
C'est mon job. De vous donner un vrai but, de vous aider dans le votre.
Pas de vous demander de faire le mien.