Al ferme le dossier avant de raccompagner son patient à la porte. Il le gratifie de son éternel sourire avant de s'enfermer. C'était le dernier de la journée, Al allait pouvoir souffler. Il retourne à son bureau, range le dossier dans le tiroir fermé, avec les autres puis le blond prend ses affaires personnelles qui rejoignent un autre tiroir du bureau. Son tiroir à lui.
À peine ouvert que la branche de cerisier dessinée bien des jours plus tôt lui saute aux yeux. Pas encore de couleur et un unique bourgeon dessus. D'ordinaire, Algiz remplissait une feuille pour chacun de ses patients, y notant les progrès, suivant l'évolution à chaque visite.
Le psychologue ne le faisait pas pour Akira. Ou du moins pas sous la forme habituelle. Al avait dessiné, dessinait toujours, au fil des visites. Une esquisse à peine croquée qui se paraît lentement de formes harmonieuses. Différent et semblable. Et voilà qu'il avait changé la place du dossier la dernière fois. Presque instinctivement. Pas avec les autres mais avec ses propres affaires comme si cette histoire lui tenait plus à cœur qu'il ne voulait l'admettre. Comme si l'exorciste n'était plus vraiment un patient, ou en tout cas de moins en moins considéré comme tel.
Al n'émet pas un bruit alors qu'il sent un mal de tête venir. Il enlève sa blouse, défait quelques boutons de sa chemise et s'allonge sur son divan, un bras sur le front et ferme les yeux, pensant.
Son aberration. Al l'avait découverte assez tôt, pendant son adolescence. Pas si innocent pour certaines choses. Mais ce n'était pas correct, ce n'était pas normal. Alors il avait essayé, plusieurs fois, tantôt son problème, tantôt ce qui était dans l'ordre des choses. Sans se fixer, espérant que tout ceci n'était que passager.
Un leurre.
Al le sentait bien. Son mauvais penchant. Il le craignait, en était terrorisé. Alors il s'éloignait, un adieu, c'était si simple, si facile. Et derrière ce bureau il pouvait se cacher, mettre une bonne distance, s'isoler sans créer de lien. Un au revoir une fois la porte fermée. Rien de plus ce qui lui permet de garder au fond de lui cette chose. C'est facile, si facile.
Alors pourquoi ce n'était pas si simple cette fois ?
Un sourire ironique s'étend. Il s'était mis tout seul dedans, dès le départ. Dès le début il a entrouvert la porte et maintenant, il ne pouvait plus la fermer.
Ou ne voulait pas la fermer.
Un oeil s'ouvre et fixe le plafond. Alors le second problème était là : il ne voulait pas. Dans quoi est ce qu'il allait se fourrer cette fois ? Ce n'est pas comme si……
Une grimace. De pire en pire donc. Ou était-ce trop tôt ? Oui, ça ne pouvait qu'être ça, trop tôt. Une erreur, il confondait forcément.
Il ne pouvait pas y avoir d'autre réponse qu'une bête confusion.
Car c'était impossible n'est ce pas ?
Impossible.
Pourquoi alors cette chanson qui résonne dans sa tête ? Comme un rêve ? Alors que le mot espoir n'existe pas, alors que sa seule chance est de vivre ?
Pourquoi il ne fait pas machine arrière ? Ne remet pas bien en place ses barrières ? Pourquoi dans le fond écoute t'il cette petite voix lui intimant de continuer à avancer ?
Trop de questions sans réponses.
À cet instant, Al se sent à l'étroit dans son bureau. Il a besoin d'air, de l'extérieur. Sortir pour y voir clair mais la tête lourde n'est pas du même avis et lentement les yeux se ferment pour le plonger dans le sommeil.
C'est le bruit d'un poing sur la porte qui le tire de son sommeil noir.
Porte ?
Non, vitre.
Al ouvre un œil et se perd quelques minutes dans la contemplation du paysage avant de tourner la tête vers celui qui l'avait réveillé. Ils arrivaient, le train ralentissait son rythme. Al remercie d'un signe de tête encore groggy par le sommeil et ses souvenirs d'avant départ.
Il s'étire puis ajuste sa capuche ne laissant qu'une simple mèche dépasser. Pour l'occasion, le psychologue avait mis la tenue de l'Ordre. Au cas où, Al avait prit une blouse neutre où n'apparaissait pas l'insigne. On ne sait jamais.
Une fois dehors une vague de nostalgie le prend. L'Autriche. Ce n'était pas loin de sa terre natale. Comment allaient ses parents ? Le cabinet ? Son village était il lui aussi en proie aux akumas ?
Al soupir et s'enfonce plus dans son manteau et sa capuche son sac quelque peu rempli sur le dos.
Retrouver un exorciste . Il ignorait qui mais ce ne devrait pas être compliqué. Un peu d'air, de changement loin de ce qui le tracassait. Al secoue la tête et reprend son sourire si connu.
S'il savait….