Try again and fail better || Saphira

Vide. C’était ce qu’elle avait pu constater. La maison était vide de toute vie, grisonnante et poussiéreuse. Les meubles avaient perdu de leurs couleurs, les toiles d’araignée s’étaient déjà installées depuis un temps. Tout était vide, silencieux. Ce n’était pas sa maison, ça. Sans bruit, sans choses qui traînent par-ci par-là. Tout était bien trop vide, comme si rien n’avait réellement existé. Saphira aussi, elle est vide. Vide de tout. Elle avait placé tant d’espoir dans cette expédition. Elle se disait qu’il devait forcément y avoir une explication rationnelle derrière cette absence de nouvelles. A court d’encre, de papier, grève de la poste, n’importe quoi. Ce qu’elle ne voulait surtout pas, c’était de tomber sur une maison vide, absente de ses résidents. Elle ne voulait pas de ce genre d’explications. Elle refusait de l’accepter. Et pourtant, l’évidence était là.

Elle s’était pourtant éloignée en partie pour les protéger, elle avait pris ses distances pour que les ennemis se séparent, pour qu’ils puissent tenter de revivre, un tant soit peu correctement. Et c’était ça le résultat ? Une maison abandonnée, laissée pour compte ? Tout était encore à sa place, juste le temps qui commençait déjà à prendre sa place. Beaucoup trop de place. Il n’avait suffi que de deux mois, deux mois de trop pour Saphira qui ne comprend pas, qui ne veut pas comprendre.

Elle voulait pleurer, hurler tout ce que son cœur lui disait, tout ce qui la pesait. Mais elle n’y arrivait pas. C’était bien trop lourd, bien trop dur à accepter. Alors elle ne dit rien. Elle laissa ses pieds traîner en silence dans la maison, à la recherche de quelque chose, n’importe quoi. Mais rien, il n’y avait rien. Il n’y avait qu’elle au milieu de ses souvenirs qui lui revenaient à la vue d’une photo, à la vue d’un dessin de Colin tombé au sol.

Gwen l’avait accompagnée, durant 10 jours dans ce voyage. Et la finalité c’était ça. Rien. Elle s’en voulait d’avoir emmenée Gwen dans cette quête, pour au final tomber sur un cul-de-sac. Où pouvait être sa famille maintenant ? Où avaient-ils bien pu partir ? Que leur étaient-ils arrivés ? Et le pire de tout : étaient-ils encore en vie ? A cette simple pensée, sa gorge se noua. Elle ne devait pas y penser. Pas une deuxième fois.

Alors elles étaient parties. Saphira ne disait rien, elle réfléchissait. Ses pensées ne voulaient pas se taire, rien de positif ne lui venait en tête. Elle se faisait et refaisait tous les scénarios possibles et imaginables en tête. Elle était anéantie. Où étaient-ils donc passés ?

« On devrait être à l’abri ici. Je doute qu’ils aient des oreilles dans un tel endroit. Tu n’as rien à craindre. »
Elle lui sourit, et le Papillon lui rend un sourire, hochant doucement la tête. Actuellement, l’état de l’auberge lui importait peu. Elle voulait juste que tout s’arrête, qu’elle se réveille le lendemain, se rendant compte que tout cela n’était qu’un mauvais rêve. Mais c’est ça, sa réalité : un mauvais rêve.

L’odeur de l’auberge miteuse lui prend au nez et elle ne peut réprimer sa grimace. Les rires gras s’élèvent tandis que sans un mot, elle s’en va à la table que la Pacificatrice lui désigne. C’est dans ce genre de moments qu’elle aimerait disparaître, devenir invisible. La peur qu’un allié de l’Ordre Noir ou de Central se trouve dans les parages la suit constamment, l’angoisse lui prend le ventre. Maintenant qu’elle sait que son père a disparu, plus rien ne semble sûr.

« Eh. Ça va aller ? »
Gwen s’assied à son tour alors que Saphira soupire. Non, tout va mal, c’est ce qu’elle aimerait dire, tout va mal depuis des mois, elle qui était pourtant si joyeuse et positive. Tout va mal car face à ce monde en guerre constante, face à ce monde où le danger est constant, elle se sent perdue et désemparée. Elle ne sait plus quoi faire. Alors elle secoue la tête.

« Je ne pensais pas que nous allions faire ce genre de découverte… enfin, je ne voulais plutôt pas y croire » commence-t-elle alors, ce nœud dans la gorge qui refuse de se défaire « c’était une promesse qu’on s’était fait avec papa. Toujours se donner des nouvelles, même si on est loin l’un de l’autre. Mais depuis que je suis partie, je n’ai jamais reçu une seule lettre » continue-t-elle, fixant la table devant elle tout en jouant avec une de ses mèches de cheveux, par nervosité « c’est pas la première fois qu’on est séparé de la sorte pourtant mais… à chaque fois, j’ai fini par le retrouver. Sauf qu’ici… ici, je sais vraiment pas où aller. Je suis perdue, je suis désolée, je sais vraiment pas. » finit-elle dans un soupir. Perdue Saphira, c’est ce qu’elle est, perdue dans ce monde qui l’a fait grandir trop vite, ce monde qui l’a obligée à devenir une adulte tout à coup, mettant ainsi tous ses rêves d’enfant dans ce placard verrouillé, au coin de sa mémoire.