Et toujours. Toujours plus de rues (petites, grandes, quelle importance. Elles se ressemblaient toutes dans cette tourmente). Toujours plus de visages (et tout autant -davantage- de sentiments qui les animaient, qui étiraient leurs traits, qui faisaient briller leurs yeux dans la foule). Toujours plus de bruits (les mêmes, habituels, à chaque horreur. Comme une habitude qui pourtant, ne devrait pas -jamais- s’installer). Toujours plus d’inquiétude (la sienne, surtout, qui rongeait son esprit, insatiable, sans jamais s’arrêter).
Et autour d’elles. Comme un prélude. Au chaos. Comme un prélude -toujours aussi détestable- à tout ce qui se faisait de pire lorsque la guerre se répandait et corrompait les cœurs. Et autour d’elles. Les pas qui se pressaient, qui se bousculaient, qui se précipitaient. Guidés -dans tant de directions différentes- par ces sons qui se propageaient, tels les échos glaçants d’un futur cauchemar. Les sons. Ceux des affrontements. Ceux des destructions. Ceux de la haine. Ceux du désespoir. Alors qu’elle se sentait -presque- oppressée par ce ressenti, instauré par tous ces regards -et elle les voyait, elle les imaginait, fixer l’épée qu’elle tentait de cacher, l’accuser de tous les maux alors que- accompagnée par la simple peur de toutes ces personnes étrangères.
Et, vainement -inutile de la camoufler-, comme pour espérer échapper au prologue, elle réajusta son manteau sur l’arme -encore une fois-. Sa propre angoisse guidant son geste. Même si. Toujours. Inutile. Car elle savait. Elle connaissait. Le futur inévitable qui allait se jouer -une nouvelle fois, une fois de trop- dans cette ville -et peut-être est-ce déjà un présent et non un futur proche-. Et. Toujours. Inutile. D’espérer l’arrêter cette fois, avec son Innocence hors de contrôle. Même si. Toujours. Elle aurait tant voulu.
Mais l’espoir. N’était pas suffisant. Jamais. Pour empêcher.
Il n'empêcherait pas Bonnie et son amie de prendre part à un nouveau combat (et si c’était déjà le cas ?). Il n’empêcherait pas -jamais ?- d’autres tourments, d’autres pertes, d’autres douleurs, d’autres larmes. Il n’aiderait pas à reprendre le contrôle de Falchion. Alors. Avant. Qu’il ne soit trop tard. Qu’elle ne soit complètement inutile -dangereuse ?-. Avant. D’oublier l’évidence -car tout allait bientôt s’aggraver, encore plus- avant un nouvel événement ; retrouver ses camarades. Retrouver Lavi et Saphira. Coûte que coûte. Même si, l’Oiseau, toujours à ses côtés.
Mais. Les bruits -toujours plus violents, toujours plus proches-. Les combats. Des camps qui s’opposaient. Qui s’affrontaient. Mais. Des explosions, toujours plus proches.
Alors. Inconsciemment, suivant celle qui autrefois avait été une amie, elle accéléra le pas, restant ainsi à sa hauteur. Car. Elle aussi, avait eu ce réflexe, en entendant, en voyant. Mais. Pourquoi ? Pour se mettre à l'abri ? Pour aider ? Pour combattre ?
« Dis, tu as des gens à retrouver ? Un point de repère ? » s’inquiéta-t-elle.
Car. Retrouver ses camarades. Mais. Pas en abandonnant le Corbeau à son sort -jamais et quoi qu’elle en penserait-. Car. Elle l’avait déjà trahi une fois (et combien d'autres personnes ?). Elle avait déjà abandonné Bonnie (et combien d’autres personnes ?). Alors, aujourd’hui. Pas une de plus. Elle la conduirait en lieu sûr, avant de la quitter. Mais. Maxence qui ne parlait toujours pas. Ou plutôt. Qui ne répondait toujours pas. Car. Ses petites mains qui pressaient contre son dos, l’obligeant à gagner -une nouvelle fois- les ombres d’un bâtiment. Et seulement. Quelques minces explications.
« Célania, attention. Des exorcistes là-haut. »
Alors, comprenant la situation, elle disparût -une nouvelle fois- sans un mot, observant l’Oiseau les interpeller. Alors, seule -une nouvelle fois- avec cette arme qui refusait d’obéir. Seule. Mais toujours avec tant et tant de questions qui accaparaient ses pensées. Pourquoi ? Pourquoi Maxence l’avait-elle aidé ? Son attitude jusqu’ici en témoignait, la jeune fille semblait la détester. Et pourtant, encore une fois, elle prenait sa défense, la dissimulant aux yeux du camp qu’elle avait quitté. Aucune réponse. Elle ne comprenait pas. Et ces exorcistes. Moins de questions, mais quelques-unes, encore. Était-elle devenue une ennemie, après leur intervention à la Congrégation ? Pous tous ?
Et. Maxence qui ne revenait toujours pas (mais il ne s’était écoulé que quelques secondes. Quelques secondes que l’inquiétude avait transformé en de longues minutes). Alors. Un coup d’oeil hasardé, pour essayer d’apercevoir les combattants mentionnés. Et. À présent proches de l’Oiseau, deux visages qu’elle connaissait bien. Alors. Comme un soulagement -comme un poids qui venait subitement de disparaître- qui libéra quelque peu son coeur alors qu’elle sortait de l’ombre pour les rejoindre.
« Saphira ! » Et, arrivant à sa hauteur, elle la prit dans ses bras. Rassurée de l’avoir retrouvé -avant que-, rassurée de constater qu’elle se portait bien, rassurée de la trouver en compagnie d’un ami de confiance (rassurée aussi, de ne plus être seule ?). « Tu es là, quel soulagement… » Et enfin, elle la relâcha, comme pour s’assurer de son état. Et un froncement de sourcil. Car Brave, activé, également. Alors, encore des ennuis ? « Tu vas bien ? »
Et après sa réponse. Un regard et un sourire vers l'exorciste (le seul à arborer l’emblème si voyant, le seul à lui rester fidèle, le seul à pouvoir en porter le titre, le seul à pouvoir réellement aider Maxence -et ça lui aurait brisé le coeur de le reconnaître-). Même si. La situation ne se prêtait -encore une fois- pas à la discussion.
« Décidément, on se croise toujours dans les pires moments, » et un sourire désolé sur son visage. Parce qu’elle ne pouvait que l’être pour lui et pour le manque d’explication qu’elle lui avait donné. « Tu n’es pas blessé ? »
Et. Se souvenant trop tard -la faute à cet instant de flottement- de comment -pourquoi ?- le Corbeau l’avait protégé, elle s’empressa de lui expliquer ce qu’elle avait surement déjà compris.
« Ce sont des amis, pas d’inquiétude. »
N’est-ce pas ?
|