Dans la Maison, vous allez perdre vos repères, votre nom et votre vie d’avant.
Dans la Maison, vous vous ferez des amis, vous vous ferez des ennemis. D
ans la Maison, vous mènerez des combats, vous perdrez des guerres.
Dans la Maison, vous connaîtrez l’amour, vous connaîtrez la peur, vous découvrirez des endroits dont vous ne soupçonniez pas l’existence, et même quand vous serez seul, ce ne sera jamais vraiment le cas.
Dans la Maison, aucun mur ne peut vous arrêter, le temps ne s’écoule pas toujours comme il le devrait, et la Loi y est impitoyable.
Dans la Maison, vous atteindrez vos dix-huit ans transformé à jamais et effrayé à l’idée de devoir la quitter.
— la Maison dans Laquelle, Mariam Petrosyan.
XXX
Et avant que Lora ne puisse répondre quoi que ce soit, la Bleue prit son arme et la lança vers Sylaë. «
NON ! » Lora s’écria furieuse, et se précipita sur Célania pour la rouer de coup (règle écrite enfreinte : Lora ne peut causer de mal directement à une personne, la réalité va maintenant être modifiée pour entrer en adéquation avec la règle écrite) «
NON ! » Lora s’écria furieuse, en laissant tomber mollement sur contre son ventre son poing serré en une sphère condensée et colérique — sérieusement ? Feilen ? «
Non mais sérieusement ! Même ça, je peux pas ? » Lora ne s’adressait à personne en particulier, et gesticulait sur place, mais elle avait l’air vraiment en colère et
inquiète. L’arme terrible était déjà ré-apparue dans les mains de la Bleue. Et Lora de jurer et de prendre un air vraiment en colère et de se diviser en 5, encore.
très bien alors
voyons voyons
nous sommes énervés
Lora la voyageur va te montrer comment nous procédons
humain XXX
Avant de pouvoir répondre, Empire cracha du sang : un sang noir comme l’encre de sèche. Il observa en sourire doux les bulles noires s’échapper de ses lèvres et rouler en l’air pour monter vers le haut de la pièce, apparemment ignorantes des lois de la physique les plus élémentaires. Le Foyer est deux faces : il y a le Foyer, et son Envers. Dans l’Envers, personne ne vous entend crier. Dans l’Envers, il ne faut présager de rien. Empire regardait Cheveux avec tendresse, alors qu’elle était plongée dans son livre —
un écrivain met toujours de lui-même, un peu, dans chacun de ses personnages — Cheveux en avait-elle conscience ? Il lui semblait qu’elle commençait à le voir (le voir dans son Ombre vivante, le voir dans cette pièce sans fin le voir dans son Envers en forme de tour d’ivoire pleine de livres). Cheveux était tombée dans son Envers, et elle ne pouvait plus en sortir. Empire piqua du doigt distraitement une des bulles charbonnées que son être avait produit, et observa la flaque tomber brusquement à ses pieds et tacher — marque indélébile — le beau tapis poussiéreux et épais. Ce morceau de son propre Envers ne pourrait pas longtemps subsister ici — l’Envers de Cheveux était imprenable. Il avait déjà essayé, évidemment, pour pouvoir en sortir Cheveux — imposer son Envers à lui. Impossible labyrinthe — sa tentative s’était soldée par un échec. Il venait la voir alors, régulièrement. Parfois, il amenait un des autres occupants du Dortoir avec lui (la plupart des Loirs était des Sauteurs, et n’avait aucun problème à suivre Empire dans l’Envers). Cette fois il était venu seul : il aimait bien ces moments silencieux, où Cheveux et lui conversaient en lisant, sans échanger un mot. Pourquoi ne pas lui dire ? Il ne pouvait pas — un Tombant devait trouver le chemin du retour seul, ou ne jamais réussir. Le Foyer était égoïste avec ses enfants — on ne pouvait pas enfreindre ses lois.
« Impossible. » Il répondit le plus sérieusement du monde, de ses yeux pales comme le brouillard qui lui donnait toujours un air impassible et mystérieux. « Moi, je sais exactement où je suis et quand je suis. Si ce rêve ne me plaisait pas, je me contenterai d’arrêter d’y être, d’arrêter de rêver. » Il haussa les épaules — la tache d’encre sur le tapis avait disparu, évaporée.
XXX
Elle avait tendu la main, en pensant que la cible s’était elle. La cible s’était sa poitrine, et l’épée d’un point A en un point B vers la scission et le croisement des courbes, l’avait percé de part en part : percée sa peau, percée sa paume, percée sa poitrine. Elle redevint visible, et cracha du sang, rouge vivant foncé, un rouge presque noir, un rouge vivant foncé, le rouge des gens qui souffrent, le genre de rouge des gens qui peuvent mourir. Vague sourire — ce n’est pas encore suffisant. Le mot innocence de la paume de son bras jusqu’à son sein meurtri qui tord et détourne la peau — qui marque comme le fer blanc et la lave fumante. Sylaë crache du sang, encore, alors qu’elle tombe à genoux et laisse s’échapper de sa main le stylo de l’apôtre. Ce n’est pas encore suffisant pour risquer de mourir — elle sourit en un sourire terrible et rouge et le sang obscurci sa vision — elle referme sa main trouée contre la neige et la glace pour atténuer la brûlure. L’histoire tremblote mais tient bon — elle redresse doucement la tête, la Bleue approche. Plus loin Lora, qui écrit. Bien. De sa main valide et d’une force qui ne tient pas de l’humain mais bien de Noé, elle perce la glace et la broie, se l’applique sur la blessure qui ne cicatrise pas. Gèle le sang. Gèle la plaie. La douleur est terrible, et la chair va mourir, mais le sang ne partira plus. Cyclamën n’est pas encore réveillé — ainsi est la vérité que je dis et qui ré-intégre mon corps. Sylaë regarde le texte qu’elle a commencé mais qu’elle n’a pas terminé et elle regarde sa main : sa main tremble, la plume tremble. Encore du sang qui s’échappe par sa bouche, encore. Comment faire pour modifier — la Bleue approche comment modifier le texte pour
le texte était ainsi
c’était — elle n’aura pas le temps
et la douleur est trop grande
et l’innocence trop forte
et pas assez forte en même temps
trop forte pour agir
pas assez forte pour le faire revenir
je
XXX
Une ouverture : la porte du donjon s’était ouverte. La porte de la tour bibliothèque s’était ouverte : l’Envers de Cheveux en expansion concrète. Derrière la porte lourde ouverte, Grelot qui les regarde. « Ben quoi. » Elle a sa forme de l’Envers, on dirait un petit lutin tout en or gorgé, avec un oeil rouge orange et un oeil bleu vert. Les deux autres ne savent pas quoi répondre : cette porte, on est pas censé pour l’ouvrir. Voilà.
XXX
ne t’inquiète pas grande soeur
j’écrirais
j’écrirais pour nous et pour lui
j’écrirais pour la Bleue
deux fragments vont vers elle en se dodelinant en clochette
trois fragments écrivent
trois regrets
l’un parle d’un jeune homme déplacé dans le temps
un autre d’un démon à la voix grésillante
le troisième est un souvenir —
un souvenir d’elle et le sang continue de tomber
et Sylaë lutte contre la morsure de l’innocence
et le sang continue de tomber
et le sang continue de tomber (noir-sang).