Allongé contre le mur, fixant le mur délavé de la piaule, une cigarette entre les lèvres. Enfin. Cette foutue journée a failli me coûter un bras : ce dickhead avait un couteau, et l'habitude de le manier. Sale blessure, qui s'était mêlée à son propre sang – il fallait bien le convaincre de payer mon employeur. J'ai bricolé des soins avec ce que j'ai ici, il ne reste qu'à prier le Diable… et en fumer une. Il paraît que c'était bon pour la santé…
Mais l'emmerdeuse passe la porte. Un regard. Un froncement de sourcil.
Elle semble convaincue que le parc, au moins, est un endroit sain ; surtout par cette saison. Elise est pourtant pas le type jeune femme en fleurs qui s'extasie devant une rose… Mais elle aime la vie qui règne ici en journée , et le calme qui s'y pose le soir. Probablement. Moi, je ne vois que les parcelles de terre étrangement retournées, les tâches pourpres sur les feuilles de buissons, les restes de plantes exotiques près des bancs… Bref, ce qu'il s'y passe la nuit. Rien de calme ; et encore moins de vivant.
Assis dans l'herbe, sans un mot. Aucun de nous deux n'est du genre à causer. Cela m'évite d'admettre qu'elle a raison : si je dois doubler ma vigilance ici, la brise est presque trop pure pour moi. La crasse, les odeurs rances, les gueules rustres, les merdes psychotropes, les sons bruts… C'est ça qui me coule dans les veines, maintenant – avec l'alcool. Je ne suis pas à ma place dans ce parc, alors que des mioches y jouent encore ; mais c'est comme tester une drogue inconnue, un truc anormal qui fout des sensations nouvelles.
- Quoi ?
Elle ne répond pas, fait un mouvement de tête. Je suis du regard : une blonde, sur un banc. Longs cheveux. Peau claire. Un gosse en larme à côté d'elle, le genou en sang. Et les mains de la femme posées sur sa jambe. Et… shit, c'est vraiment…
Fuck.
Je me lève.
Soit. Avec un peu de chance, elle nous donnera des informations qui intéresseront les patrons. Et si elle nous fait payer, vu qu'Elise y tient tant, elle s'en occupera.
Elle prend les devants, s'approche du côté dossier du banc.
Vérifie que j'ai mon arme.
Tire un coup sur ma cigarette.
Émouvantes retrouvailles…