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And let the sunlight in my lap
I sang a hymn to bring me peace
And then it came, a melody
Si l'Angleterre ne lui avait fourni aucune piste sérieuse quant à sa quête d'identité, son séjour là-bas n'avait pas été inutile pour autant : il lui avait notamment permis de faire la rencontre d'une exorciste, Destiny, qui l'avait aidée à comprendre les événements traumatisants qu'elle avait vécu. Akuma, exorciste, clan Noé... tout ça constituait encore des notions très floues pour elle, mais elle en savait assez pour ne pas paniquer et craindre de perdre la vie à chaque coin de rue. Elle n'avait pas eu de chance, voilà tout... Enfin, assez quand même pour survivre à ces étranges créatures. Lorsqu'elle y réfléchissait, depuis qu'elle s'était réveillée dans cet hôpital quelques mois plus tôt ; sa vie semblait n'être qu'une succession de situations où elle frôlait la mort, seulement pour s'en sortir de justesse au dernier moment. Comme pour lui rappeler l'importance de sa vie et la chance qu'elle avait de pouvoir en jouir, en dépit du vide qui la rongeait de l'intérieur.
Toujours est-il qu'elle était rentrée en Allemagne dès qu'elle avait eu assez d'argent pour se le permettre. C'était encore là qu'elle se sentait le plus à l'aise, le plus chez elle, même si elle avait encore du mal à communiquer à l'oral sans avoir recours à l'anglais. Son ancien patron avait été heureux de pouvoir l'accueillir à nouveau au sein de son établissement et, quand bien même l'auberge ne payait pas de mine, c'est ici qu'elle trouvait ce qui se rapprochait le plus de la chaleur d'un foyer. C'est ici qu'elle avait construit les meilleurs souvenirs de sa nouvelle et courte vie, ici que se rattachaient les pièces détachées de sa mémoire.
Ici également qu'elle osait se promener le soir sans avoir peur. Bien-sûr, il lui était déjà arrivé quelques mésaventures... mais c'était en rien comparable à ce qu'elle avait pu vivre de l'autre côté de la mer du Nord.
Et puis, les bas quartiers de Londres étaient bien plus effrayants que les denses forêts d'Allemagne.
Par le spectre d'une infinité de bleus sombres, la nature révélait à l'œil curieux les secrets que la lumière du jour cachait habituellement ; portés par les ombres grandissantes et le murmure du vent. Ce soir-là tout particulièrement, il faisait écho au chant des grenouilles et l'avait amené jusqu'aux oreilles de Lucie, qui s'était alors mis en tête d'en trouver la source — littéralement. Ses pas l'avaient poussée au plus profond de la forêt, là où la rivière scindait son cœur en deux, aussi vitale aux sols qu'elle abreuvait que le sang qui pulsait dans son corps.
Le doux et régulier clapotis de l'eau l'avait immédiatement apaisée. Il y avait des bruits, des goûts et des odeurs qui semblaient résonner plus fort au sein de sa mémoire fragmentée, et celui de l'eau qui suit tranquillement son cours en faisait indéniablement partie. Et si elle ignorait toujours d'où elle venait, et les terres qui avaient constitué le berceau de ses jeunes années, Lucie était néanmoins sûre d'une chose : elle était une enfant de la nature, une fille de l'océan. L'air marin qui lui revenait souvent en rêve ne pouvait pas n'être qu'un hasard...
... pas plus que ne l'était la présence de cette jeune femme, assise tout près de l'eau.
« Bonsoir, » s'annonça-t-elle simplement.
Les grenouilles, elles, continuaient de coasser.
I believe someone's watching over me