Ses yeux continuaient de scruter avec intérêt les alentours, à la recherche de quelque chose qui aurait pu sortir de l’ordinaire mais surtout, pour garder en mémoire l’intérieur de l’opéra. Peut-être ne remettrait-elle jamais les pieds dans un endroit comme celui-ci. Aussi, même s’ils étaient là en priorité pour accomplir leur mission, la bleue ne pouvait s’empêcher d’admirer l’élégante décoration.
-Profite alors ! Si tu veux, on pourra même aller explorer cet opéra !
En entendant son ami lui répondre, Célania se tourna vers lui et le regarda un instant, perplexe. Suggérait-il vraiment de s’enfoncer davantage dans le bâtiment, au risque de se faire prendre comme cela avait été le cas à Rome ? Car même si cette fois-ci l’idée était tentante, elle n’en restait pas moins dangereuse. Heureusement, Lavi reprit rapidement la parole, riant à sa propre plaisanterie, lui confirmant que la proposition était loin d’être sérieuse.
-Je plaisante bien sûr.
-Ne tente pas le destin, tu veux ? sourit-elle vaguement.
Ce genre de mission était suffisamment délicate pour lancer un défi à la malchance... L’attention de la bleue finit par se porter sur le panneau de bois qui les séparait d’une autre pièce, se demandant avec anxiété ce qu’il pouvait se trouver derrière. En effet, cette intrusion était loin de la mettre en confiance et la simple idée d’être pris la main dans le sac l’inquiétait. De plus, les lourdes blessures qu’ils avaient subies ces derniers temps l’incitaient à la prudence.
Malgrè tout, la jeune femme tentait de ne rien laisser paraître. Elle se devait d’être forte mais surtout, d’être utile. D’autant plus qu’elle avait dit à son camarade qu’il pouvait compter sur elle. Ainsi, et surtout ne souhaitant pas prendre de risque inutile, Célania proposa de ne pas se séparer. Et ce fût avec soulagement qu’elle accueillit la réponse de Lavi, bien contente qu’il accepte. Cela lui éviterait une trop grande inquiétude.
Sans attendre plus longtemps, l’apprenti bookman ouvrit la porte et, surprenant l’épéiste, cette dernière n’opposa aucune résistance. Visiblement, le personnel de l’opéra ne s’était pas douté qu’une intrusion par les balcons était possible. Ce qui, bien que compréhensible, était clairement à leur avantage.
Alors, sans un bruit, les deux Exorcistes entrèrent dans la nouvelle pièce. Il s’agissait là d’un bureau dont la décoration n’avait rien à envier à la salle précédente. D’un pas hésitant, Célania parcourut la pièce, cherchant quelque chose qui pourrait donner un sens à leur présence ici. Mais encore une fois, rien ne semblait se rapprocher de ce qu’ils cherchaient. Enfin… Encore fallait-il savoir ce qu’ils cherchaient. Un léger pessimisme lui souffla qu'ils pourraient chercher longtemps avant de trouver quelque chose. Mais contre toute attente, la voix du roux finit par briser le silence qui couvrait leur intrusion.
-Hé Cél, regarde ca !
A nouveau, la française se tourna vers lui pour constater que Lavi se tenait près du bureau, un carnet dans les mains. Curieuse, l'épéiste vint se placer à côté de lui, parcourant à son tour le petit livre. Il s’agissait là d’une série de noms et de dates, témoignant des dernières personnes qui avaient assisté aux représentations ces derniers jours. Et si cela ne les avançait en rien sur le phénomène qui avait lieu, au moins, ils avaient le début d’une piste.
Parcourant les noms, la jeune femme tenta de repérer ce qui pourrait les aider. Mais ce fût son ami qui remarqua un détail pour le moins intriguant et ce, bien avant elle.
-Il y a deux jours, ce violoniste, Jonas Krauss, avait déjà joué. Parmi les invités, on retrouve les noms de certaines victimes... Et pareil pour le lendemain. Et... il est aussi censé jouer ce soir.
Célania écarquilla un instant les yeux sous la surprise. Cet homme, ce violoniste, continuait de jouer alors que certaines personnes dans son public se suicidaient peu de temps après la représentation. Pourquoi faisait-il cela ? Ne pas annuler le concert, quitte à ce que des gens meurent, c’était incompréhensible... Soit ils avaient affaire à un fou, soit il s’agissait là d’un Akuma. Heureusement, leur présence aujourd’hui changerait peut-être la donne.
-Il faut l’empêcher de jouer aujourd'hui… dit-elle en réfléchissant. Ou tout du moins, s’assurer qu’il n’a rien à voir avec les suicides…
Lavi remarqua, encore une fois, un nom particulier dans l’interminable liste.
-Lui par contre vient à chaque fois... ca vaut le coup de le chercher pour l'interroger.
La française porta son regard sur le nom. En effet, “Armin Hirsch” ressortait régulièrement entre les autres patronymes. Était-ce une personne qui travaillait dans le bâtiment ? Ou peut-être était-ce un spectateur assidu ? Dans tous les cas, lui n’avait pas été victime d’un regrettable accident et Lavi avait raison : l’interroger était une évidence.
-Tu as raison… Nous avons des chances de le trouver ce soir.
Soudain, avant qu’ils n’eurent le temps de trouver d’autres indices, un bruit leur parvint de derrière une autre porte. Aussitôt, la bleue se figea, apeurée à la simple idée d’être découverte et de s’attirer ainsi de nombreux ennuis.
-Oh merde, Cél cache toi !
L’épéiste aurait presque pu rire devant l’absurdité de la situation. C’était pourtant une certitude que leur intrusion finirait ainsi et qu’ils ne feraient que s’attirer des problèmes à agir de cette façon. Et se cacher… C’était une évidence. Encore fallait-il trouver où. Cependant, la panique fut bien plus forte que l’ironie et la jeune femme se retrouva à regarder désespérément autour d’elle, cherchant un endroit qui aurait pu la camoufler.
La seule solution qui lui apparut fût la penderie qui se trouvait proche de la fameuse porte qui menaçait de s’ouvrir. Un signe à son équipier suffit à l’informer de son attention et, aussi vite que possible, les deux intrus se cachèrent sans un bruit à l'intérieur tandis que la porte s’ouvrait au même instant. Et contre toute attente, l’homme qui entra ne sembla rien remarquer de leur présence puisqu’il ne s’approcha nullement de l’armoire, préférant se rendre directement près du bureau. Seulement, il était encore trop tôt pour crier victoire et Célania ne se sentait absolument pas soulagée. A vrai dire, elle aurait tout donné pour se retrouver loin de cette situation plus qu’angoissante.
Heureusement pour elle, peu de temps s’écoula avant que le bruit d’un claquement de porte ne leur parvienne. Hésitante, la bleue poussa les panneaux de la penderie afin d’en sortir et ce fût avec un réel soulagement qu’elle constata que l’homme était en effet reparti. Un rapide coup d’oeil au bureau leur permit de comprendre ce qu’il était venu faire dans la pièce : récupérer le fameux carnet.
Mais, à l’instant présent, Célania se fichait bien de ce fichu livre et la peur de se faire repérer était encore bien trop présente. Tout ce qu’elle souhaitait, c’était sortir de l’opéra avant que les choses ne tournent mal.
-Puisqu’on a les noms de ces personnes, on pourrait peut-être partir et revenir ce soir ? Par l’entrée, comme tout le monde ? On les cherchera à ce moment…
Même si elle tentait de le dissimuler, son malaise était tout de même bien présent. D’autant plus qu'elle se doutait qu’il refuserait, préférant sans doute emprunter la même porte que l’homme afin de continuer leur petite investigation. Le problème, était que c’était loin d’être son cas et si elle avait été seule, cela ferait bien longtemps qu’elle ne se trouverait plus dans l'édifice. Pour la simple et bonne raison qu’elle n’y serait jamais entré.
-Si on se fait attraper, ça ne nous avancera à rien, tenta-t-elle de le convaincre. Et visiblement, l’opéra est loin d’être désert.
Sans compter le fait qu’ils auraient plus de chances de croiser ce “Armin Hirsch” ainsi que le violoniste lorsque le bâtiment serait ouvert au public. Oui, toutes les excuses étaient bonnes pour faire marche arrière. Mais en même temps, n’avait-il pas promis que tout se passerait bien ?