Mi-Septembre, Hilterfingen, Suisse
Une idée.
Intuition.
Persuasion.
Instinct.
Simplement.
Une idée.
Toujours guider. Toujours tromper.
Elles faisaient parfois la différence.
Dans les affrontements.
Dans les débats.
Dans les croyances.
Dans les allégeances.
Une idée.
C’était ce qui les avait conduits jusqu’ici.
L’idée d’une paix réelle et durable.
Une idée.
C’était ce qui l’avait poussé à croire.
Encore une fois.
Qu’une nouvelle approche pourrait.
Encore une fois.
Briller.
Une
simple idée. Une
simple demande. Rien de plus. Rien de moins -comment en espérer plus -comment en espérer moins -jusqu’ici muette -elle n’y croyait
qu’à peine -la magie n’opérait pas -ou si peu -c’en était ridicule -et dans son silence, toutes les attentes qui l’accompagnaient ne pouvaient s’exprimer--------.
Parfois. Une idée suffisait à faire la différence -celle d’un monde en paix -celle d’un monde sans larmes -celle de personne capable de protéger cette pensée -celle d’un monde où il n’était plus question de se séparer -
jamais- de ceux qui étaient chers----.
Mais parfois. Une idée suffisait à détruire tout ce qui avait peiné à naître de la plus facile des façons -
et si l’idée ternissait l’autre -
et si cette même idée trouvait écho dans l’autre -
et si leur groupe -la magie était
dangereuse -peut-être une catastrophe -
méfiance, une idée conduisait rapidement au pire -et s’ils suivaient cette voie
alors -
non, ce n’est pas le moment de--------.
Et. Cette
simple idée. Cette
simple demande.
Un grincement de protestation d’un vieux bois usé.
Un livre ou deux de montrer le chemin vers une chute certaine.
Un avertissement presque aussi inutile que leur recherche infructueuse.
Et à magie incertaine, vieille amie de sauver la mise.Et. Comme un miracle qui, cette fois, n’avait nul besoin d’incantation ou d’idée farfelue, Tettsui de s’opposer à la bibliothèque -mais les livres de s’échapper dans un fracas assourdissant de feuilles et de couvertures abîmées -mais la poussière de s’élever en quittant le haut des étagères -mais le sol de se joncher d’encore plus d’ouvrages -et bientôt, plus un pied de pouvoir se poser sans écraser -mais la réalité de s’imposer à eux aussi lourdement que le meuble -
c’était une véritable catastrophe -et encore une fois, ils semblaient avoir causé plus de désordre qu’apporter d’aide -
ah, vraiment, ce genre de dénouement, ce n’était pas la première fois -
ah vraiment, c’était presque inéluctable -finalement, magie ou non, n’auraient-ils pas dû s’y attendre pour une mission comme celle-ci----------.
«
Cél, ça va ? »
Un regard autour d’elle -
oh, elle allait bien, certainement -il aurait fallu davantage qu’une bibliothèque -dans le cas contraire, il aurait fallu transmettre l’idée à de susceptibles opposants -quant au reste toutefois----, un air inquiet de prendre place et une main angoissée sur sa bouche par pur réflexe -peut-être, pour que plus aucune idée ne puisse en sortir -
simple demande -et s’il ne s’agissait que de vieilles charnières rouillées -
comment savoir- alors, elle n’y était pour rien,
n’est-ce pas ? -et s’il s’agissait réellement de magie
alors -une réelle erreur difficile à assumer devant le libraire----- devant l’étendue des dégâts.
«
C’est une catastrophe… » murmure-t-elle -et cette fois, l’absence totale d’idée pour remédier au problème -y avait-il
seulement une -il faudrait commencer
par---.
Et. D’accompagner un dernier livre de rejoindre le sol, un bruit sec de raisonner entre les murs de l’arrière-boutique. Un bruit de bois usé par le temps -fatigué de toutes ces années de labeur -comme s’il avait tenu jusqu’à l'épuisement -comme s’il avait hurlé à l’agonie -comme si,
à présent, le silence avait emporté le souvenir de ce qu’il avait été durant tout ce temps----. Un bruit de bois pour faire
comprendre. Il ne serait plus question d’un simple rangement pour effacer les traces de leur passage.
Cette fois. Ça paraissait une petite apocalypse dont il faudrait assumer la responsabilité -et échapper aux serres de Central paraissait presque plus facile devant l'ampleur des dégâts-.
«
Là, il va nous tuer, » commenta Lavi, donnant inconsciemment raison à ses craintes -se sortir de cette situation paraissait impossible -pas sans provoquer une crise cardiaque au vieil homme -et à défaut de permettre de trouver des ouvrages, elle espérait sincèrement que la magie puisse les aider à faire repartir le petit cœur flétri qui risquait de lâcher dans le même bruit sec que la bibliothèque-. «
La magie, c'est surement pas compatible avec les livres, en fait. »
L’était-ce seulement avec quelque chose -
avec eux- ? Sasha les avait mis en garde. Elle était
dangereuse. Et eux. Pour un
simple livre.
Ah, vraiment. Quelle idée.
Et. Peut-être. Qu’en finalité. Ils ne s’en sortaient pas à si mauvais compte -et s’imaginer à quel point ça aurait pu être
pire -à quel point la magie aurait pu leur échapper -à quel point une
simple étagère au sol aurait pu être remplacée par un incendie -ou pire encore -alors
peut-être -pas si malchanceux que ça -mais prendre conscience des mots de Sasha -elle était
dangereuse -il fallait faire plus attention -se montrer plus prudents pour espérer un résultat satisfaisant -oublier l’hésitation et la superstition qui accompagnaient des demandes futiles et sans réel désir ou but -il fallait la considérer autrement -et lui accorder ce qui lui était dû -davantage de respect et de considération,
peut-être--------------.
Un nouveau bruit pour sortir de ses réflexions.
À nouveau de livres de s'effondrer.
Mais nulle magie ou incantation.
Simplement.
Une perte de patience pour un sentiment plus néfaste de la remplacer.
-et elle ne pouvait que comprendre, en écho à ses propres sentiments-.«
Tout ça à cause de ces fongiformes de malheur ! »
Un nouveau bruit pour accompagner sa frustration.
À nouveau un air de se jouer.
Simplement.
Peut-être fallait-il l’animer.Et. Un livre de traverser la pièce comme s’il était possédé pour venir les trouver avec plus de facilité qu’eux en avaient rencontré -ou plutôt, pour venir trouver celui qui l’avait appelé -de la plus violente des façons -et stopper sa course fulgurante de la plus surprenante des façons---.
«
Est-ce que… Est-ce que ça va ? » demanda-t-elle, légèrement incertaine de ce qu’il venait de se produire -ce livre venait vraiment de frapper, seul et par magie, l’archiviste en plein visage ? -un comble, pour quelqu’un qui avait passé sa vie à tourner des pages -un comble, pour quelqu’un qui s’était outré, quelques minutes auparavant, du rangement que ces derniers subissaient -et voilà le remerciement---.
Et. D’un geste agacé, Lavi de retirer le livre possédé pour l’examiner. Avant qu’enfin, la frustration ne laisse sa place à un sourire triomphant -bien plus habituel -bien plus enthousiaste -et ça semblait, d’un coup, faire disparaître toute la contrariété qui avait habité la pièce -comme par magie -et s’il y avait bien quelque chose de magique ici -à ses côtés -c’était sans doute
lui, tout bien réfléchi-------.
«
Comme quoi, pas besoin de précisions ou d'ordre de classement. Il fallait juste dire ce que c'est : un livre de malheur, » déclara-t-il, fier de lui, en lui tendant le livre en question.
Rouge. Un coin abimé. Et un titre pour ne plus laisser place aux doutes.
Étude des fongiformes d’Amazonie.
Ah. Et finalement. Ils l’avaient trouvé.
Et. Peut-être. Que c’était toute la frustration et l’agacement qui s’envolait d’un coup.
Et. Peut-être. Que c’était toute l’angoisse et la nervosité de l’après qui animait.
Et. Peut-être. Que c’était la stupidité de cette mission qu’ils s’étaient donnée et l’importance qu’ils y avaient mis au point d’utiliser une arme
dangereuse comme s’il s’agissait de la meilleure des idées.
Et. Peut-être. Que c’était
simplement la façon qu’il avait eu de se présenter à eux.
Mais. Un rire de lui échapper en attrapant le livre. Qu’elle ne parvenait pas à arrêter.
«
Et quelque chose sur lequel s’écraser, » fit-elle difficilement entre deux hoquets. «
En plein dans la tête. »
Difficile toutefois, de se calmer. L’image du livre volant dans la pièce et finissant sa course de façon chaotique restant gravée dans sa mémoire.
Mais. Ne souhaitant pas vexer l’exorciste -et puis, il fallait tout de même songer à la suite -et c’était beaucoup moins drôle d’envisager ce fait--, faire son possible pour se calmer et reprendre, aussi posément que possible.
«
Hm, bien joué. Ça nous aura évité des heures de recherches. »
Et. Bien que toujours légèrement moqueuse, il fallait tout de même avouer. Qu’elle était fière de lui.
Il avait réussi -tellement de choses-. «
Par contre… »
Et. Un nouveau regard pour le restant de la pièce et tous les livres désormais échoués au sol sous un meuble cassé.
Quelle anarchie… «
On fait quoi, pour tout ça… ? »