Après avoir reçu les indications, éparses, du paysans — et les avoir transmises à ta compagne — vous reprenez votre route en direction de la ville non loin. À la regarder ainsi, elle ressemble à n’importe quelle autre petite bourgade allemande — et un souvenir de venir flotter devant tes pupilles océan, lorsque tu vivais dans un endroit similaire, pause qui s’était faite d’elle-même au milieu de ton exil solitaire (et dont la fin avait été, comme toujours, des plus brutales) — et il est bien difficile de deviner les tourments qui la déchirent. Peut être pourrais tu te réjouir de votre présence, sachant pertinemment que vous saurez mettre fin au mal qui sévit ici, quelque soit sa nature. Mais cela fait de longs mois maintenant que tu as oublié comme faire — de longs mois maintenant que tu es fatiguée de cette Guerre que tu continues de mener, pour les protéger.
Enfin. Enfin, vous arrivez et passez le panneau indiquant un nom que tu oublies déjà, préoccupée par tout le reste — la mission (Célania (les mots du paysan (la peur sur ces visages (et leur démarche qui s’accélère en vous voyant entrer (les étrangers ne sont jamais les bienvenus dans des périodes aussi sombres (méfiez vous des bûchers))))) — et cette auberge que tu cherches du regard, bâtiment aux airs accueillants au milieu de tous ces rideaux baissés. Et, si tu trouves la belle pancarte aux couleurs vieillies, tu trouves aussi un uniforme impossible à oublier — en même temps que ton amie, qui te jette un regard lourd de sens (vous n’êtes pas les seules ici et, comme toujours, il faudra redoubler de prudence (mais, contrairement à elle, tu l’espères, cela fait bien longtemps que tu n’as plus de remords à affronter ceux qui étaient autrefois dans ton camps (tu ferais tout pour la protéger (ferais tout pour ne jamais être prise au piège (comme ces animaux se rongeant un membre pour s’échapper))))).
Des voix vous parviennent du bâtiment, dont tu t’es approchée à pas de loups — ton cheval attendant sagement quelques mètres derrière toi — ta capuche ramenée sur ton visage, cachant cette tignasse bien trop reconnaissable. Des voix qui te sont parfaitement inconnues, bien que tu arrives sans mal à détacher celle de l’Ordre Noir — et cet accent britannique bien loin de celui, lourd, des locaux — recouverte, cependant, par ce qui ressemble à s’y méprendre à un poulailler. Bien malgré toi, voilà que tu lèves les yeux au ciel, avant de retourner aux côtés de Célania.
« Je n’ai pas pu entendre exactement ce qui se disait, mais je suis certaine de n’avoir jamais entendu cette voix. On devrait pouvoir rentrer. » Avec un peu de chance, toute l’agitation autour de l’énergumène en uniforme saura vous camoufler et vous pourrez grappiller assez d’informations sans avoir besoin de poser les questions — ce qui vous ferait gagner un temps précieux et, surtout, vous permettrait de rester discrètes.
Mais, un peu de chance, c’est une chose qui ne fait plus partie de votre quotidien depuis bien longtemps car, à peine êtes vous rentrées que l’homme s’avance dans votre direction.
« Je suis déjà pris par ces charmantes jouvencelles qui sont mes compagnes de voyage ! » Une grimace des plus inélégantes se dessine sur ton visage et tu détournes le regard, sans pour autant chercher celui de ton amie — au moins, tu ne le vois pas lancer une rose blanche à ses conquêtes (sans doute aurais tu rit aux éclats, incapable de cacher la moquerie évidente qui t’aurais habitée). « Navré..pour ce cirque mais elles ne voulaient vraiment pas me lâcher, vous aussi vous venez d'arriver ici ? Allons un peu plus loin je n'aimerais pas que ces folles nous sautent dessus ! » Tu avais oublié, Gwen, que tout le monde n’est pas réservé ou respectueux de tes humeurs et c’est avec une incompréhension dissimulée que tu reçois toutes les questions du jeune inconnu. Il y a peu — un an ou deux — sans doute aurais tu poser les mêmes questions, avec le même enthousiasme, mais trop de choses se sont passées depuis et, ce qui n’est qu’une simple curiosité presque enfantine est maintenant vécue comme une agression. Cependant, tu n’en montres rien et la grimace précédemment esquissée a disparu depuis de longues secondes maintenant, laissant place à un sourire poli, bien que timide.
Tu as laissée Célania répondre — te promettant au passage d’être la prochaine à parler, pour ne pas lui imposer de trop toutes les conversations (tu sais que ça ne lui plaît guère) — mais tu es celle qui lui emboîte le pas la première, pensant naïvement qu’il compte aller au fond de la pièce principale. Après tout, il n’a pas tord et ce n’est pas le moment d’attirer l’attention de tout ce drôle de monde. Alors tu prends sur toi, continues d’afficher ce masque que tu connais presque par coeur maintenant et le suis, grinçant des dents en silence lorsque tu le vois emprunter les escaliers. Il serait si simple de lui fausser compagnie maintenant, si le reste des civils n’était pas en train de vous fixer, essayant sans doute ce que deux inconnues aussi silencieuses que vous font avec un homme aussi jovial que lui.
Enfin, vous arrivez dans la pièce, lui toujours aussi serein en apparence, toi ton innocence prête à être activée à tout moment — et tu imagines sans mal qu’il en est de même pour l’Aube. Qu’avez vous fait au bon Dieu pour vous retrouver dans une telle situation ? Enfin, il suffira de répondre à ses questions, attendre que les choses se calment et repartir comme si de rien n’était. Tant pis pour votre enquête auprès de l’aubergiste, vous pourrez toujours demander autre part — auprès de l’Église, notamment.
L’inconnu sort des boissons, auxquelles tu ne jettes qu’un regard vague, bien décidé à ne surtout pas y toucher, avant de reprendre la parole.
« Alors ...qu'est ce que 2 charmantes femmes comme vous font ici ? Non non rassurez vous je ne vous courtise pas, mais seulement vous m'intriguez, apparemment cet endroit est maudit et je cherche des informations pour l'en délivrer, vous m'avez l'air très équipée pour de simples voyageuses ..enfin cela ne me regarde pas. Ce qui m'intéresse c'est de savoir si vous aviez des renseignements sur la situation ici , on vient rarement dans ce genre d'endroit pour faire du tourisme.. » Oh, que tu aimerais soupirer en l’entendant vous appeler charmantes jeunes femmes — tu n’as plus la patience pour les hommes depuis longtemps, Gwen, encore moins les inconnus qui vous forcent à les suivre dans une chambre après vous avoir accostés — mais te retiens, autant par politesse que pour ne pas le froisser et vous mettre en danger. D’autant plus qu’il ne semble pas décider à vous lâcher tout de suite, alors autant garder les choses parfaitement civiles pour le moment — vous pourrez toujours l’assommer plus tard.
Ou le faire tout de suite, en fait, car le voilà qui sort une arme et commence à jouer avec. Tes réflexes de soldat — et tous ces traumatismes qui les accompagnent — manquent de prendre le dessus et c’est de justesse si ton arc n’apparaît pas pour engager le combat. Ce n’est qu’une maladresse enthousiaste, essaies tu de te convaincre, avant d’inspirer un grand coup et d’enfin lui répondre.
« Excusez notre silence, nous ne sommes pas habituée à ce que des inconnus soient chaleureux et jovials, sans arrière pensée. » Tu lèves un sourcil lourd de sens, avant d’afficher un sourire amusé — oh que tu fais si bien semblant, Gwen, seul ton regard pourrait te trahir (deux pupilles depuis longtemps éteintes d’avoir trop vu) et cette voix rauque, trop adulte, trop fatiguée, trop abîmée pour ce masque que tu essaies tant bien que mal d’arborer — et de reprendre « Nous sommes en voyage pour aller voir une vieille tante malade, dont nous devons nous occuper. » Tes mains qui se croisent sur ton coeur, en une prière silencieuse et terriblement fausse, pour appuyer tes propos « Nous ne savons rien de cette ville ni de la malédiction que vous avez mentionnée, rien de plus que ce nous ont dit quelques paysans en chemin » et voilà quelques mots pour justifier votre présence dans une telle ville malgré le danger « Et nous cherchions simplement un endroit où nous reposer, avant de reprendre la route. Nos bêtes sont épuisées. » Un soupire faussement triste — décidément, Gwen, mentir te sied à ravir (même si le coeur n’y est plus, les mots sont parfaits) « Mais peut être devrions nous repartir malgré tout ? Cette malédiction semble être du sérieux ... » Et, enfin, tu redeviens silencieuse, espérant que votre inconnu saura faire la suite de la conversation de lui-même. Oh, tu n’es pas bien inquiète, il est suffisamment enthousiaste pour vouloir vous rassurer et, tu l’espères, vous raconter ainsi tout ce qu’il sait au sujet de cette ville. Sinon, ce sera au tour de la Bleue de lui parler, changer de stratégie peut être, vous faire passer pour deux porteuses d’innocence n’ayant pas encore eu vent de la Congrégation. Tous les mensonges sont bons pour vous permettre de parvenir à vos fins, bien plus importantes qu’une conversation avec un inconnu si différents de vous.
« Oh, j’oubliais. Nous sommes les sœurs Collins. Agatha et Elizabeth. Enchantées. »
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