Certaines personnes pensent qu'elle est naïve. Et ils n'ont pas tort. Elle l'est. Mais ils ont souvent tendance à la prendre pour une idiote, surtout à cause de son physique enfantin et de son âge ingrat, où elle se trouve encore entre l'enfance et l'âge adulte. Et ça, c'est qu'elle déteste réellement. Elle n'est pas idiote. Elle sait bien qu'elle n'arrive pas encore à comprendre toutes les problématiques de ce monde. Mais qui le peut?
Laissez-la s'exprimer si elle le veut, laissez-la vivre si seulement elle le veut. Écoutez-la, elle a des choses à dire. Tout est tellement plus facile lorsque l'on est enfant ! Les adultes et les enfants vous écoutent, et vous comprennent -en tout cas, ils font mine de comprendre. Alors que lorsqu'on est adolescent... les adultes ne vous écoutent plus, parce que vous êtes trop jeunes, trop "gamins", trop inexpérimentés et les enfants... les enfants sont les seuls à encore vous montrer de l'attention dans ce drôle de monde.
Alors évidemment que Saphira est ravie lorsqu'on lui porte de l'attention et qu'on ne la prend pas pour une petite fille fragile. Ce qu'elle ne l'est pas.
Et même si lors de son mini-récit, elle a failli lâcher le morceau qu'il ne fallait pas, même si son mensonge était évident et trop mal ficellé à cause de son honnêteté naturelle, elle s'en fichait. Elle voulait continuer parce que, pour une fois, quelqu'un l'écoutait vraiment.
Néanmoins, quelque chose l'inquiète. Lorsqu'elle finit d'expliquer l'histoire -le mensonge plutôt- avec le maire à la jambe cassée, son interlocuteur garde le silence un petit moment.
- C’étaient des Monstres Machines, n’est-ce pas ? Ceux qui ont interrompu la fête ?Et là, elle reste bouche-bée. Mais... elle a parlé d'un maire tombé d'une estrade non? Ou alors sa langue a fourché sans s'en rendre compte? S'est-elle vendue aussi vite?
Elle secoue la tête, elle garde son calme le plus possible, elle chasse ces pensées désagréables de sa tête.
- Comment... tu as pu deviner ça? Je n'ai pourtant pas du tout mentionné ces choses...Elle fixe son interlocuteur, le coeur battant à tout rompre dans sa poitrine, prêt à exploser lorsqu'il lui lâchera un "je sais tout". Il est clair qu'elle préférerait mourir sur place plutôt que de vivre ça.
- Ne prends pas peur, je ne fais pas partie de leur clan ! C’est même tout l’inverse. Je suis censé les combattre et les détruire en vérité. Et, hm...Une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle, c'est que ce n'est pas un Noé ou même un akuma et que du coup, elle ne sera pas obligée de se battre contre lui ! Et ça veut également dire qu'il ne souhaite pas la tuer.
La mauvaise nouvelle, c'est qu'il vient de lui annoncer qu'il était Exorciste. Et ça, ça veut dire qu'elle devra quand même se battre contre lui si jamais il venait à apprendre qu'elle était Exilée. Qu'elle avait fuit la Congrégation, sans même prévenir, sans même un au revoir. Sans rien. En laissant simplement un Traqueur seul en Russie, sans même un mot. Juste un lit encore fait et des affaires disparues, un golem écrasé sur le sol.
Néanmoins, il ne semblait pas être au courant qu'elle était recherchée... ou alors l'Ordre Noir faisait encore ses recherches en secret et n'avait pas délivré de portrait robot d'elle. Et ça la rassura une nouvelle fois. Elle ne se voyait pas combattre cette nouvelle connaissance, ce nouvel ami, pas après ce si beau début.
Son interlocuteur se redresse et son expression change. Il prend comme une expression... triste? Il semble... triste?
C'est tout sauf à quoi s'attendait Saphira. Elle reste assez déboussolée par ses réactions mais tente d'en montrer le moins possible.
- Je suis désolé que tu aies eu à vivre ça. Si on était meilleur, ça ne serait pas arrivé. Mais la prochaine fois je serai là pour te protéger, je t’en fais la promesse.Et à nouveau, elle ne sait quoi répondre. Elle reste quelques instants la bouche entrouverte, cherchant quelque chose à lui dire. En vérité, elle est très émue par ses paroles. Il l'a touchée, et dieu sait comment cela peut être compliqué d'accéder à ce genre de partie de l'adolescente.
Et puis, vient la culpabilité. Comment peut-elle lui mentir alors que ses paroles sont si vraies, si pures à son égard? Les larmes lui montent lentement aux yeux mais elle les chasse d'un mouvement de tête, tout en inspirant bruyamment.
- Tu... tu ne dois pas t'excuser tu sais ! Ce n'est pas de ta faute. Et puis regarde, je vais bien, tu le vois. Elle repense alors à la seconde partie de sa phrase et les larmes lui reviennent, mais elle se retient une nouvelle fois. Elle ferme les yeux quelques secondes avant de sourire grandement, en réponse à celui que lui adresse son compagnon de toit.
- Je suis rassurée si tu dis que tu seras là pour me protéger alors. Je pourrais continuer à observer le lever de soleil sereinement !Si seulement il savait à quel point il ne pourrait pas la protéger. Parce que s'il voulait vraiment la protéger réellement, il devrait la protéger de son propre camp également. Mais ses paroles, cette sincérité lui redonne une sorte d'espoir qu'elle avait perdu auparavant.
Oui, il existe des gens bons.
- Au fait, je n’ai même pas pensé à me présenter, je suis désolée. Je m’appelle Oskar et toi ?Il lui tend une main, qu'elle vient serrer tout en gardant son sourire. Mais comment doit-elle se présenter? Doit-elle vraiment lui dire son nom? Ne serait-ce pas dangereux pour elle?
Oh et puis, au diable tout ça. Elle le voit dans son regard, sa trop grande méfiance est infondée. Elle hoche la tête vers Oskar.
- Moi, c'est Saphira ! Mais tu peux m'appeler Saphi si tu veux, c'est plus facile à retenir. C'est plus facile à retenir, et c'est surtout plus informel pour elle. Donc évidemment qu'elle va préférer.
Mais fini les drames et les larmes, il est temps de sourire et de voir la vie en positif. Parce que si même elle ne le fait pas, qui sera là pour le faire?
- Et sinon, quelles autres aventures incroyables as tu vécu durant ton voyage ?Des aventures incroyables... on dirait presque le titre d'un livre. "Les incroyables aventures de Saphira Hyde, le papillon perdu à la recherche de la liberté". ça sonne bien non?
L'exilée vient poser son menton dans sa main, son coude posé sur son genou. Elle réfléchit aux étapes de son voyage, ce qu'elle a pu faire, ce qu'elle peut bien lui raconter.
- Après la Russie... je suis passée en Allemagne ! J'ai rencontré beaucoup de gens adorables, qui m'ont beaucoup aidée, mais ce que je retiens le plus, c'est ma rencontre avec une fille de plus ou moins mon âge. Elle s'appelait Flonne ! Ah, cette aventure avec Flonne. Quelle histoire à raconter quand même ! C'est digne des films comiques -si on enlève la partie où elles se font poursuivre par l'Ordre Noir évidemment.
- Elle ne parlait pas du tout la langue et elle s'était perdue -et en plus, elle était toute nue, enfin bon- après, je lui ai passé ma cape et on a communiqué par dessin pour que je la ramène de là où elle venait ! C'était... assez marrant je dois dire, même si j'ai beaucoup stressé au début -bah oui, j'avais peur qu'elle ne me comprenne pas, que je puisse pas la ramener chez elle et tout tu comprends?Et c'est parti, elle est lancée. Une fois qu'elle se met à parler, on ne peut plus l'arrêter. Surtout sur des souvenirs aussi marquants que ceux-là, ce n'est pas tous les jours que ce genre d'expérience arrive !
- Mais tout s'est bien fini évidemment ! Et puis, en même temps, je dormais chez une allemande qui avait bien voulu nous héberger et elle était super gentille - tu aurais dû voir sa maison ! Elle était ÉNORME, j'avais l'impression d'être une princesse.Se souvenir de Wilma lui fait un peu mal. Parce qu'elle l'aimait bien et qu'elle ne voulait pas vraiment la quitter, parce que c'était la mettre en danger que de rester chez elle -surtout après que Saphira se soit fait repérer par l'Ordre. Elle espère qu'un jour elle pourra la revoir.
Comme elle espère revoir Flonne.
Comme elle espère revoir son frère et sa mère, un jour peut-être.