i broke my rules for you (saphriel)

Demain, elle aurait 17 ans. Cela lui faisait tout drôle d’y penser mais surtout, cela l’angoissait. Car qui disait anniversaire, disait également l’anniversaire du jour où tout a basculé : le jour où son Innocence s’est déclarée, le jour où elle s’en est allée vers la guerre. L’approche de cet évènement réveillait tous ses mauvais souvenirs, tous ses doutes alors que son anniversaire avait auparavant signifié excitation, joie et positif. Mais, peut-être que finalement cela serait une journée festive.

Car Adriel était venu.

Oh jamais elle n’aurait pu deviner que ce ronchon rencontré au détour d’un chemin dans ce village perdu au milieu des bois la bouleverserait à ce point. Et pourtant. Pourtant, ce jour-là, elle avait apprécié sa compagnie. Elle s’était dit qu’ils formaient une bien belle équipe et que sous les jérémiades du jeune homme se cachait un cœur d’or. Alors ils avaient gardé contact. Le Papillon s’était dit que correspondre avec quelqu’un de son âge, totalement en dehors de la Guerre Sainte, pouvait peut-être lui amener un petit peu de l’ordinaire qu’elle recherchait.

Mais Adriel lui avait amené bien plus que ça.

Il avait ramené de la joie et du bonheur malgré lui, peut-être sans le faire exprès. Sans doute ne saura-t-il jamais toute l’importance que Saphira a apporté à leur correspondance. Mais les aventures de l’acrobate avaient ravivé l’étincelle qui manquait à Saphira lorsqu’elle se demandait si tout cela en valait la peine. Elle voulait se battre pour les gens comme lui. Non, c’était même bien plus que ça : elle a fini par vouloir se battre pour lui.

Étrange n’est-ce pas ? Si elle-même tenta de nier ses sentiments, elle dût vite se rendre à l’évidence. Son cœur battait la chamade dès qu’elle recevait une de ses lettres, elle souriait bêtement dès qu’elle voyait son propre prénom posé avec son écriture. C’était bête. Elle était bête. Mais il lui avait tant apporté juste en existant.
Pourtant, le Papillon se rendait bien compte que la fréquenter mettait Adriel en danger mais elle ne pouvait pas lui expliquer. Lorsqu’il l’avait revue ce jour-là -le jour où tout a changé pour elle-, elle s’en était bien rendue compte. Elle n’avait aucune explication à lui donner -comment aurait-il pu la croire ?- et les seules choses qu’elle ne cessait de répéter étaient qu’il ne fallait pas qu’il reste là trop longtemps. Mais malgré ses avertissements, il était resté, il l’avait aidée. Peut-être que sans lui, elle serait morte. Et ça, elle ne pourra jamais l’oublier.

Alors lorsqu’elle avait appris qu’il passerait en Suisse juste avant son anniversaire, son cœur avait fait un bond. Était-ce une coïncidence ? Le destin ? N’importe quoi ? Peu lui importait, car Adriel était là et ils allaient se revoir, dans de meilleures circonstances que la dernière fois. C’est vrai qu’elle a changé depuis : son visage s’est creusé, elle a perdu un peu de poids et ses bras portaient à jamais le souvenir de ses pires cauchemars. Mais elle était toujours elle-même, pas vrai ? Elle était toujours Saphira, alors peut-être qu’il ne verrait rien ?

Elle s’était appliquée pendant des heures dans la cuisine, essayant de préparer chaque chose de la manière la plus parfaite qui soit. Elle avait tenté différentes choses, notamment des sandwichs en forme de petits oursons. Depuis qu’elle était revenue de Central, la cuisine était un des moyens qu’elle avait trouvé avec le jardinage pour se vider la tête. Elle aimait s’appliquer et préparer de bonnes choses pour les gens qu’elle aimait. Avant qu’il ne soit trop tard.

Elle était venue en avance exprès pour tout préparer comme il le fallait. Elle avait choisi un coin un peu reculé, au calme, pour être sûre que personne ne les verrait. Ainsi, aucun moyen d’être de nouveau repérée, comme il y a quelques jours avec son père. Une fois la couverture placée, elle s’était installée, un peu nerveuse. Allait-il trouver le bon endroit ? Allait-il la reconnaître ? Bien sûr qu’il la reconnaîtrait, quelle question stupide… mais elles tournaient en boucle dans sa tête.
Peut-être qu’en fait, il la trouvait trop embêtante ? Peut-être même se jouait-il d’elle ? Et s’il ne ressentait pas la même chose qu’elle ? Et s’ils se faisaient attaquer ? Et si

« Tu dors ou quoi ? » elle sursauta, sortant de ses pensées et se retournant vers la provenance de la voix. Alors il était venu. Elle secoua la tête et lui sourit, heureuse de le voir enfin.

« Ah non, j’étais dans mes pensées, je ne t’ai pas entendu arriver, désolée ! » répondit-elle en rigolant légèrement « J’ai eu peur que tu te sois perdu ou un truc comme ça. » continua-t-elle en rabattant ses jambes en tailleur. Le voir ici allégeait son cœur, véritablement soulagée de voir une figure amicale, la sienne, son seul point d’ancrage restant en dehors de tout combat. « Je suis contente que tu sois venu. Ton voyage s’est bien passé ? »