[INTRIGUE, CHAP. VII. PHASE V. GROUPE I] célania, maxence, ada & bonnie

Le faux prophète un peu plus loin devant
Apocryphos tout près juste derrière
l’Innocence
la magie
le sorcier
la faucheuse
et vous — Ada et toi — prises au milieu de tout ça

Cela t’était soudain apparu comme une évidence — Apocryphos n’était pas là pour engager le combat avec vous il était venu pour reprendre ce qui lui appartenait récupérer ce qui lui avait été volé arracher au sorcier l’Innocence dont il avait contourné les lois divines et s’assurer que son utilisation ne serait plus un danger pour le Cœur enfin voilà en d’autres mots il était venu précisément dans le même objectif que vous (et partager le même objectif lorsque l’on servait des intérêts différents c’était un point commun que l’on aimait rarement se trouver avec l’ennemi ça ne donnait jamais rien de bon c’était même l’origine de toutes les guerres) et la seconde évidence qui s’imposait alors : vous vous trouviez sur son chemin c’est-à-dire que cela faisait de vous des obstacles entre l’envoyé divin et le Cœur et Bonnie tu — Bonnie tu savais très bien ce que faisait Apocryphos à ceux qui le gênaient dans sa mission prophétique c’était même
précisément pour cela qu’il existait.

C’était trop tard cependant — le temps entre le moment où tu avais réalisé tout cela et celui où l’Innocence autonome était passée à l’action était trop court pour te permettre de faire quoique ce soit qui eut changé le cours des choses ou impacté n’était-ce qu’un peu ce qui avait suivi alors
alors tu avais regardé ce qui avait suivi sans pouvoir réagir autrement qu’en retenant ton souffle (et la peur (et les larmes (et les tremblements de ton corps)))
et ce qui avait suivi c’était Apocryphos la vérité implacable de son existence juge et bourreau à la fois et cette façon qu’il avait d’appliquer les sentences comme quelque chose de naturel à laquelle personne ne pouvait échapper (tous semblaient égaux à ses yeux le monde se divisait en deux catégories très simple : il y avait ceux qui ne représentaient pas un danger pour le Cœur et il y avait les autres) et c’est précisément pour cela que tu te sentais si vulnérable Bonnie face à lui tu n’étais plus apôtre tu n’avais plus le gène de la descendance tu n’avais plus l’héritage de Noé tu n’étais qu’un obstacle qu’une bergère aussi malchanceuse aussi impuissante et aussi faible que le pauvre homme bien trop près de la maison sur laquelle Ada avait été projetée — tu étais terrifiée Bonnie (mais bien plus pour la vie de ta sœur que pour la tienne car après tout tu (tu veux tous les sauver, n’est-ce pas)).

« Ceci est un avertissement Noés ne vous mêlez pas de cette affaire. » il t’avait regardé en disant cela et alors Bonnie tu avais compris : tu devais l’arrêter, peu importe le prix (et surtout : tu devais l’arrêter avant qu’il ne revienne à d’autres innocents de le payer) alors en voyant la Discorde s’élancer vainement vers lui tu avais essayé de capter son regard d’un discret mouvement de tête comme pour lui dire fais-moi confiance j’ai un plan j’ai seulement besoin d’un peu de temps et d’une distraction et il se trouve que Chaos était particulièrement doué lorsqu’il s’agissait d’attirer l’attention sur lui — et alors que l’apôtre tentait de retenir l’Apocryphe et que ce dernier te tournait à présent le dos, les créatures de lumière que tu avais dispersées ci et là te revenaient enfin (certaines cependant manquaient à l’appel — tu les avais senti se briser en chemin).

bien — à présent
il te fallait disparaître.

Alors c’est ce que tu avais fait juste comme ça sans que cela ne te demande le moindre effort (à la vérité le simple fait de tenir encore debout ici et maintenant relevait d’une force qui n’était pas tout-à-fait humaine mais (tu n’étais plus tout-à-fait humaine non plus Bonnie alors naïvement tu avais pensé que cela irait)) tu avais cessé de réfléchir la lumière du soleil et là où tu tenais quelques secondes plus tôt là où te tenais encore en vérité ce fut comme si tu n’avais jamais été là — et tes mains tremblantes sur le sol transmettaient la matière noire qui te compose à la surface pavée de la rue (et la pierre semblait absorber ta lumière comme la terre assoiffée absorbe l’eau) et alors comme l’eau tu avais longuement et lentement cheminé jusqu’à ta cible comme un liquide se déplaçant sur une surface lisse (évidemment lorsque tu étais entrée dans la sphère enchantée du Sorcier ton mouvement avait lui aussi été ralenti comme l’étaient ceux de Chaos ou bien celui des flèches de Pâris mais tu n’avais pas besoin d’aller vite Bonnie tu n’avais pas besoin de faire les choses rapidement il te fallait simplement les faire bien et surtout les faire au bon moment c’était une question de précision) cette même précision avec laquelle tu t’étais glissée sous les pieds d’Apocryphos pendant que tu employais le reste de ta lumière à la création d’un sanctuaire suffisamment grand pour rendre inefficace l’innocence du tireur précisément là où se trouvait le protecteur du Cœur et—

juste comme ça alors
tes mains changées en lumière avaient transpercé ce qui servait de pieds à la créature monstrueuse
et pour t’assurer qu’il n’irait pas plus loin pour être certaine qu’il n’aurait pas le temps d’atteindre le Sorcier avant l’un des tiens tu l’avais fermement saisi aux chevilles et un anneau lumineux comme des chaines de matière noire s’était formé tout autour — voilà Apocryphos immobilisé pour un temps que tu sais bien trop court. « WIL ! MAINTENANT ! »

Maintenant car
tu savais que tu n’allais pas tenir très longtemps
tu savais que tu n’allais pas tous les sauver
tu savais que tu n’allais pas pouvoir
te sauver toi.

suspendu dans le temps Sasha
voyait son moment arriver à sa fin puisque après tout
la créature qui leur faisait face
même lui était capable de d’affirmer qu’elle était bien plus
infiniment plus
puissantes que les autres noés ou machines ou élus
Central ne parlait pas de ce genre de choses lorsqu’il acceptait vos corps
suspendu dans le temps Sasha se pensait mort et
mais ?
et le temps suspendu
non suspendu les Noés de s’en prendre à la Grande silhouette terrifiante
et celui en même temps qu’il baisse son bras
il abaisse le mauvais sortilège et ce qui doit se passer se passe
puisque Sasha n’est plus retenu
Sasha est déplacé
et puisque Sasha est déplacé
(mais ? )
l’enchantement de prendre fin

(mais quelque chose ne va pas quelque chose tu
Sasha ?
une
perturbation ? )

…

Mais la situation finit toujours par t’échapper, quoique tu fasses (et (même quand tu ne fais rien, à vrai dire (c’est comme ça depuis toujours Bonnie plus précisément c’est comme cela depuis ce jour (rien ne dure jamais entre tes mains et (tu as beau essayer de les retenir les choses elles (rien ne dure jamais)))))). Ce n’est pas la voix de Chaos qui te parvient d’abord il y a celle de ta sœur (tu soupires doucement — soulagement (elle est sauve)) puis celle de l’exorciste — tu ne sais pas qui elle est ni ce qu’elle veut mais son Innocence semble mettre à mal la Discorde, alors tu— « Et une fois mes mouvements entravés, » tu n’as le temps de rien à la vérité, « que comptais-tu donc faire, Amorem ? » ces mots ne sont pas pour toi Bonnie toi tu n’es que la coquille l’enveloppe le vaisseau celle-qui enfin ce n’est pas à toi que l’Inauthentique s’adresse (il y avait quelque chose dans sa façon de prononcer son nom qui) et puisque les choses mauvaises appellent d’autres mauvaises choses la colère d’Amorem comme un écho à celle de l’Innocence autonome surpasse les émotions humaines (terriblement (inévitablement humaines)) qui te composent — la peur se dissipe. Cependant le temps de la réflexion est écoulé depuis longtemps (tu es en sursis depuis que (à la vérité depuis avant cela encore)) évidemment il est trop tard pour éviter le coup et à cela ni la colère ni la rage ni la fureur n’y pourront rien changer.


Une larme noire coule sur ta joue alors que tu lèves péniblement les yeux vers la source de la douleur (dévorante (lancinante)) — tu n’es plus cachée. Chaque partie de ton corps te fait terriblement souffrir, mais il te faut tenir, encore un peu. Rien qu’un peu et tu pourras te reposer (tu pourras rentrer (le retrouver)) enfin — tu es si fatiguée, Bonnie (et ta lumière se tarie dangereusement bientôt tu ne pourras plus (il te reste peu de temps (trop peu de temps))). Tu peines à distinguer ce qu’il se passe autour de toi — la gravité t’écrase presque contre le sol, Bonnie, alors dans un élan d’inspiration tu empruntes un petit morceau de soleil et à l’image de ses rayons comme sur un dessin d’enfant tu transperces l’une des pierres suspendues par l’exorciste. En réalité tout cela se passe très vite — tu te relèves et dresses un mur lumineux entre toi et le Gardien et avant que ce dernier n’ait le temps de réagir, le simple voile de lumière qui te séparait (te protégeait (minuscules instants volés à l’infini)) de lui l’enveloppe tout entier, douce étreinte d’une prison dorée. Maintenant il te faut agir vite — tu ne sais pas combien de temps tu seras capable de le retenir ainsi. Tu balayes les alentours d’un regard prudent, t’arrêtes sur la flèche dessinée sur le sol, que l’exorciste semble elle aussi avoir remarqué. « Écoute, je.. je ne veux pas me battre contre toi, » et surtout tu en es bien incapable dans ton état Bonnie — tu ne le dis pas, évidemment.

Non loin de toi, la Discorde se relève et tu voudrais t’en réjouir mais c’est l’inquiétude qui s’empare de toi — tu ne l’as que trop souvent côtoyé sur le champ de bataille pour savoir que Chaos n’en restera pas là. « Chaos ! On ne peut pas rester ici, il faut trouver les autres ! » tu n’as dans un premier temps pour seule réponse que son air désinvolte. « Va. Cherche-les et avertis-les. Je reste pour contenir la chose. — Mais je peux pas vous laisser seuls avec lui, c’est trop dangereux... » tu cherches Dominus du regard, comme si tu attendais son approbation — seule, tu sais pertinemment que tu n’arriveras pas à raisonner l’hôte de la Discorde. « Il faut partir maintenant... » Ada acquiesce, mais tu n’obtiens qu’une œillade réprobatrice de la part de Chaos, qui rit sèchement de ton injonction si peu convaincante. Même toi, tu n’y crois pas une seule seconde, Bonnie (et si tu ne peux pas tous les sauver alors (il te faut au moins essayer)). « Ne sois pas ridicule, ça ne te va pas. On n’a pas non plus le temps pour ça. File chercher de l’aide, pendant que tu le peux encore. » le ton est menaçant, le regard mauvais. Tu sais qu’il ne tolérera pas que tu le contredises encore, bien que tu le saches incapable de te faire le moindre mal. « Allez, va-t-en. Plus tu restes là, plus tu retardes la réussite de notre mission … » et tu voudrais lui dire qu’il n’est plus question d’une quelconque mission qu’il ne s’agit plus de réussir ou d’échouer à présent il s’agit uniquement de ne pas mourir (à défaut de pouvoir véritablement vivre enfin tu n’en dis pas un mot évidemment) et pour cela il te faut trouver les tiens — tu rejoins maladroitement l’hôte de Dominus (tout ton corps te fait souffrir (tout ton corps te brûle c’est comme si tu te réveillais fiévreuse brûlante bouillonnante d’une nuit sans rêve)). « Je vais suivre la flèche... les autres sont peut-être en danger et puis... Chaos a besoin d’aide, mh... tu viens avec moi..? »

Et sans attendre de réponse, tu reprends ton chemin.
(il te reste peu de temps).