[Intrigue, Chap. VII, Phase IV] Ceux qui sauvent

Une main, pour chaque entité.
Une main, pour Josef.
Une main, pour l'innocence.

Et elle entendait Josef, elle l'entendait ; il semblait de plus en plus proche, comme si finalement, il serait bientôt là, comme si finalement, il allait attraper la main de Destiny et être sauvé. Quel bel espoir, que c'était magnifique ; elle en pleurerait. Elle l'entendait Josef, elle l'entendait ; il était près d'elle. Sa voix était déchirante, mais il tenait bon, il l'entendait ; il avait l'espoir, lui aussi. Les yeux de l'exorciste commencèrent à s'humidifier, en comprenant ; en comprenant enfin qu'il était réellement là et qu'elle pouvait le sortir de là. De sa main droite, au final, elle se concentra sur lui ; il était là et elle devait l'aider, enfin. Elle tendit la main pour l'attraper, pour enfin l'attraper ; et c'était ce qu'elle fit. Elle sentit qu'il s'accrochait à sa main, qu'il s'accrochait à elle.

Alors, elle se mit à tirer.
Elle se mit à tirer si fort, elle ne le lâcherait pas ;
Il en était hors de question.

Finalement, elle vit son visage, sortir de la masse blanche ; c'était bien lui, c'était bien Josef. Elle tira encore pour le prendre dans ses bras, pour s'accrocher à lui comme il s'accrochait à elle. Et ses yeux continuaient de pleurer, tellement ; c'était comme si elle avait réussi un exploit, comme si elle avait finalement réussi à sauver une vie humaine. Si sa mère la regardait, elle serait si fière. Et pourtant, elle se fourvoyait. Ce n'était pas terminé, loin de là. Josef n'était toujours pas sauvé ; il était sorti de la masse blanche, mais il n'était pas encore sauvé. Et ça, Destiny finit par le comprendre assez vite, lorsqu'elle reprit ses esprits. Mais une chose après l'autre ; elle devait d'abord sécuriser Josef car si jamais elle réussissait, elle ne pourrait pas le sauver, ou se sauver elle-même.

Alors, elle attrapa la main de Josef, se rapprochant d'une paroi ; Lavi devait être près d'ici, il pouvait s'occuper de sa sécurité. Il avait dit qu'il serait là, et Lavi n'était pas un menteur, n'est-ce-pas ? Ils avaient tous suivis son plan fou, et elle priait si fort qu'Akira ait réussi de son côté ; elle priait si fort pour qu'il soit en vie et qu'Aronne soit sauvé. Si seulement, elle savait... Ses larmes se tarissaient une nouvelle fois ; le courage reprenant le dessus sur elle. L'espoir, surtout. Elle fit comprendre à Josef qu'il fallait qu'il parte. Il ne devait pas rester là. Et c'était ce qu'il finit par faire, Destiny le poussant doucement vers l'extérieur avant de se rendre compte que quelqu'un, à l'extérieur, avait sûrement attrapé la main de Josef pour l'aider à sortir ; et elle priait, une nouvelle fois qu'il s'agisse de Lavi.

Josef n'était plus dans la masse blanche.
Mais Josef était toujours lié à l'innocence ;
Où qu'il aille, elle drainait son énergie vitale.

Destiny n'avait pas de temps à perdre ; elle devait repérer l'innocence et chercher à la désactiver. Alors elle la chercha, elle devait se concentrer sur elle, la considérer comme une amie de sa propre innocence ; il fallait la calmer. Elle ne savait pas comment faire ; enfin, si, elle avait une idée. Mais elle ne savait pas comment s'y prendre ; était-elle réellement capable de la désactiver ? Était-elle réellement capable d'aller jusqu'au bout ? L'exorciste avait peur, elle avait peur de tant de choses actuellement. Et c'était bizarre, tellement bizarre ; ressentir ce genre d'émotions. Destiny avait tant fait pour survivre, dans les rues de Londres. Elle avait eu peur de la mort, au fond de son coeur, sans jamais le dire à qui que ce soit. Mais ce n'était pas la peur qui l'avait guidée dans ses agissements ; c'était cette envie de survivre, de voir comment allait se passer le lendemain et montrer à tous ceux qui voulaient la voir morte qu'elle pouvait survivre seule.

L'Anglaise finit par trouver l'innocence ; du moins, son champ de force. Et elle eut un moment de flottement. Elle ne savait pas si elle était impressionnée de la voir ainsi ou si elle avait juste encore plus peur. Elle avait eu ce plan pour sauver les déchus, pour sauver des êtres humains. Mais c'était en se trouvant l'innocence elle-même qu'elle se demanda si elle en était capable. Elle avait survécu, et en arrivant à la Congrégation, elle avait appris à vivre, elle ne survivait plus seule. Et c'était ce qui l'avait poussé à sauver Josef, et elle espérait Aronne ; sa volonté de le voir vivre sa vie, de le voir survivre pour voir un lendemain plus radieux. Elle avait appris qu'elle voulait protéger, à en oublier sa propre vie pour protéger celle des autres. Elle n'était plus seule ; et elle devait protéger ceux qu'elle aimait et ceux qui l'avaient aidé, protégé, sauvé. Et c'était pour eux, qu'elle devait se battre, qu'elle devait se relever et ne pas flancher.

Alors, coûte que coûte, elle devait la calmer.
Alors, coûte que coûte, elle devait les séparer.
Alors, coûte que coûte, elle devait l'arrêter.

Il n'y avait plus de place à l'hésitation. Elle n'avait pas fait ce plan fou pour s'arrêter maintenant. Elle ne pouvait pas faire machine arrière et demander à quelqu'un d'autre de prendre sa place. Elle devait aller jusqu'au bout et irait jusqu'au bout. Elle attrapa son violon et son archet dans la main droite et leva la main gauche. Et c'était à ce moment, qu'elle plongea son bras gauche dans le champ de force, pour récupérer l'innocence. Et c'était à ce moment, qu'elle se mit à hurler, à pleurer ; elle savait qu'elle allait avoir mal, elle savait que l'innocence lui ferait mal. Et pourtant, et pourtant, la douleur qu'elle était envisagé, anticiper n'était rien par rapport à celle qu'elle ressentait. Elle hurlait, elle pleurait ; si fort, si fort. Ces hurlements étaient déchirants ; si forts, si puissants, comme si le désespoir lui même hurlait à sa place. Mais elle n'arrêtait pas, elle ne retirait pas son bras ; il était trop tard.

Et d'un coup, plus rien.
Et d'un coup, l'innocence se calma.
Et d'un coup, Destiny ne sentait plus son bras gauche.

La masse blanche où elle était disparaissait au fur et à mesure ; l'innocence avait repris sa forme initiale, de cristal avec les rouages autour. Elle avait réussi, mais à quel prix ? La douleur était atroce, encore pire que celle précédente ; elle savait très bien ce qu'il allait se passer, elle avait compris au moment où elle ne sentait plus son bras gauche. Ses yeux étaient si rouges ; sa voix vrilla. Et elle sombra ; elle chuta. Sa voix déchirante, la sienne cette fois-ci, raisonnait, alors qu'à côté, la situation n'était peut-être pas plus enviable. Son violon chuta. Son bras gauche chuta. L'innocence chuta. Destiny chuta. Droit vers la mort ; elle ne pouvait pas survivre après cette chute, elle ne pouvait pas survivre, elle ne pouvait pas se sauver, elle ne pouvait pas jouer de son violon pour sauver sa vie. Destiny chuta. Droit vers la mort ; elle avait pourtant assurer à Lavi qu'elle pouvait se sauver, sauver l'innocence de Josef, sauver sa propre innocence. Mais rien de tout ça ; elle avait compris, elle savait qu'elle n'en avait pas capable. Elle avait besoin de ses deux mains pour jouer ; elle n'avait plus qu'un bras et elle souffrait le martyr.

C'était peine perdue.
Elle ne verrait pas le prochain lendemain.
Elle rejoindrait sa mère, elle espérait ; mais cela voulait dire, qu'elle allait le perdre, lui.

Elle avait réussi à sauver Josef, elle avait réussi à sauver quelqu'un ; et c'était tout ce qu'il lui avait fallu. Mais, elle avait promis, elle avait promis à Lavi de revenir, de rester en vie. Elle tenait toujours ses promesses ; elle avait promis, elle ne pouvait pas laisser tomber. Mais à quoi bon ? Elle ne pouvait pas se sauver ; et Lavi, il n'aurait peut-être pas le temps de la sauver. Elle lui avait demandé de s'occuper de Josef. S'il pouvait survivre à sa place, alors elle pouvait partir en paix ; elle avait fait quelque chose de sa vie, de sa si piètre vie.

Tu n'as pas le droit d'abandonner.
Tu n'as pas le droit d'abandonner, ma fille.
Je t'en prie, je t'en supplie, sauve ta vie.

Le violon de sa mère était devant elle. Et c'était comme s'il s'agissait réellement de sa mère, devant elle ; elle voyait son visage, son si beau visage. Elle pouvait voir sa douceur, elle pouvait la voir. Elle se rapprochait d'elle, comme pour la prendre dans ses bras ; et c'était ce qu'elle fit, c'était ce que Destiny voyait. Ana répétait les mêmes mots, comme si c'était elle qui les disait réellement ; ou était-ce sa propre innocence ? Elle ne savait pas. Mais elle accepta cette figure, son violon, son innocence comme sa propre famille ; parce qu'elle avait enfin accepté l'amour de sa mère, parce qu'elle avait enfin accepté la réalité de la guerre, parce qu'elle avait enfin accepté le fait qu'elle pouvait sauver des envies, qu'elle pouvait protéger, parce qu'elle s'était enfin pardonnée.

Il lui semblait que son innocence quitta le violon de sa mère, il lui semblait que son innocence venait la rejoindre, comme pour être au plus près d'elle ; elle se transforma en un cube rouge, si petit. Et ce cube si petit, se liquéfia avant que Destiny ne le boive sur le champ, comme si ses mouvements étaient dictés. Et c'était à ce moment qu'elle sentit sa peau s'écorcher à plusieurs endroits ; et l'innocence, avec son sang, se cristallisa en une forme qu'elle n'avait jamais vu auparavant avant de changer de forme. L'innocence prit la forme de son violon et de son archet ; mais comment ? Elle ne pouvait toujours pas se sauver ? Et comme si l'innocence avait entendu les paroles de Destiny, ses prières, l'innocence se cristallisa en un bras, qui se greffa là où son bras réel était avant d'être arraché par l'innocence de Josef.

D'un coup, elle se réveilla ; la terre se faisait de plus en plus proche. Elle attrapa son archet et son violon ; elle fut même surprise qu'elle puisse bouger son nouveau bras gauche, si rouge. Elle réussit à jouer de son violon, modifiant l'environnement pour se propulser en l'air, avec l'innocence de Josef ; et une fois en haut, si haut, comme Icare, elle modifia l'environnement une seconde fois pour se propulser sur un toit, le plus loin possible de tout le monde. Elle s'écrasa sur le toit ; mais ça faisait beaucoup moins mal que si elle s'était écrasée par terre. Et à côté d'elle, l'innocence. Celle de Josef. Se levant alors, très difficilement, elle attrapa l'innocence, la gardant près d'elle ; elle ne réalisait pas, elle ne réalisait rien. Et elle vit, plus loin, qu'Aronne devait être toujours sous cette masse blanche. Et elle comprit, elle comprit. Son golem arriva vers elle, finalement. Elle n'avait presque plus de voix, celle-ci craquait.

— Akira, est-ce-que tu vas bien... ? Est-ce-que vous allez bien... ?

C'était tout ce qu'elle arrivait à dire.
Et si Akira allait bien, elle devait partir, pour mettre en sécurité l'innocence.
Tout était si irréel, elle savait qu'elle serait écrasée par tout, une fois qu'elle serait rentrée.